Le dernier ouvrage d’un journaliste italien, Gianluigi Nuzzi, porte un titre éloquent : “Giudizio universale”, “le jugement dernier”. Déjà derrière l’affaire des fuites au Vatican “Vatileaks” en 2012, Gianluigi Nuzzi prédit désormais ni plus ni moins qu’un défaut de paiement du Vatican dès… 2023. En cause selon lui : la mauvaise gestion passée d’investissements financiers.Mais pour autant, le cœur battant du catholicisme court-il réellement le risque d’être ruiné ? Pas le moins du monde, selon le “numéro deux” du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, qui se veut rassurant. Certes, il se peut que l’une ou l’autre affaire ait pu paraître “opaque”, admet-t-il, mais le Denier de Saint-Pierre — l’aide économique que les fidèles apportent au chef de l’Église catholique — reste “bien géré”.
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Bien géré, qu’est-ce que cela peut signifier ? D’après le pape François lui-même, les sommes du Denier de saint Pierre ne doivent pas être “mises dans un coffre”, ce serait une mauvaise administration. Il faut selon lui en faire des investissements intelligents. “Chez nous”, explique-t-il ainsi aux journalistes dans le vol de retour de son récent voyage au Japon, “on dit qu’un bon investissement est un investissement de veuves. Comment font les veuves ? Deux œufs par ici, trois là, cinq ici… Si l’un se brise, elle ne se ruine pas.”
“Bien sûr, les investissements doivent être moraux”, précise-t-il, il ne s’agit pas de placer cet argent dans l’industrie de l’armement. Mais il existe pour cela des garanties au Vatican. “Je rends grâce à Dieu parce que le système de contrôle du Vatican fonctionne bien”, s’est encore réjoui le pontife argentin. L’une de ces garanties s’appelle l’Autorité d’information financière (AIF) — l’organisme de lutte contre le blanchiment d’argent au Vatican — dont un nouveau président vient d’être nommé : l’Italien Carmelo Barbagallo, un haut fonctionnaire ayant travaillé pour la Banque d’Italie dont la compétence est “reconnue sur le plan international”, salue ainsi le Saint-Siège.
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De son côté, le président de la banque centrale du Vatican, Mgr Nunzio Galantino, assure lui aussi qu’il n’y a pas le moindre risque de krach au Vatican. “Tout au plus”, concède-t-il, il faudrait un “examen général des dépenses” pour contredire, chiffres à l’appui, les inquiétantes rumeurs qui circulent ici ou là. C’est pourtant bien en l’absence de ces preuves que les doutes demeurent.
La question financière reste cependant le talon d’Achille du petit État. Depuis la création il y a près d’une décennie de l’AIF, différents affaires ont émaillé la bonne volonté affichée du Saint-Siège en matière économique. Nul besoin de remonter à la suspension des paiements électroniques sur l’ensemble du territoire pontifical en 2013. Cet épisode avait fait alors perdre des sommes faramineuses aux musées du Vatican visités par près de six millions de personnes chaque année. Les deux derniers mois suffiront à semer le doute, avec leurs lots de surprises.
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La descente de la gendarmerie vaticane, sur la base d’une dénonciation du réviseur des comptes au promoteur de justice du petit État, dans les locaux de la Secrétairerie d’État et de l’AIF, la révélation d’un achat d’un immeuble à Londres à l’aide de fonds suspicieux, les soupçons de corruption sont autant de signaux d’alertes. Alors, s’il n’existe pas d’indices formels de la mauvaise santé financière de l’État du pape, sans preuves formelles du contraire, des doutes subsisteront.