Le 21 novembre 1629, le cardinal de Richelieu est nommé principal ministre par le roi Louis XIII. Prélat plus par nécessité que par vocation, le cardinal, homme de devoir, montre l’exemple d’une vie donnée, aussi bien à l’Église que dans son diocèse de Luçon ou qu’à son roi. Ferme, compétent, clair, il œuvrait pour le seul avenir de la France.Ce 21 novembre 1629, Louis XIII donne à son cardinal ministre, Richelieu, le titre et la fonction de principal ministre. Le roi accorde ce privilège, rare sous la royauté, contre l’avis une fois encore de sa mère, la reine Marie de Médicis, et des plus grands seigneurs, notamment son frère, Gaston d’Orléans.
Les grands avaient de solides raisons de s’opposer à celui qui avait accédé au gouvernement de l’État grâce à leur protection et qui, depuis, n’appartenait qu’au roi, et par lui à la France. Inlassablement, patiemment, comme il l’avait toujours fait, le cardinal de Richelieu affirmait le seul pouvoir de l’État contre les coteries. Certains payèrent de leur tête cette détermination sans faille de l’homme d’État, comme M. de Cinq-Mars dont la littérature a fait mémoire. Louis XIII, lui, savait justement ce qu’il devait à son ministre, et c’est en parfaite connaissance de cause, lui qui conserva toujours ce pouvoir de le renvoyer, qu’il maintint Richelieu dans ses fonctions.
Une vocation religieuse par devoir
Né en 1585 d’un capitaine des gardes d’Henri III, Armand de Richelieu connait dans l’enfance les derniers feux des guerres de religion, l’âpreté de la reconstruction et la fragilité de la paix. Homme d’intelligence et d’action, il se destine au métier des armes, par inclination autant que par devoir. Dans cette grande famille, chacun a son rang et sa place. Son frère Alphonse, lui, est destiné à l’évêché de Luçon, traditionnellement dans la famille. Mais le frère se découvre la vocation monastique et quitte son siège épiscopal pour la Grande-Chartreuse. Armand doit renoncer à la carrière militaire pour que Luçon reste à la famille. Il est nommé en 1605 avec une dispense d’âge octroyée par le pape.
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Richelieu n’est pas de ces prélats indolents et jouisseurs nommés à de hauts bénéfices par les hasards de la naissance et la faveur du roi. Évêque, il est autant homme de devoir que dans sa destinée précédente. Son diocèse, « le plus crotté de France » disait-on, a été malmené par la guerre. Le clergé y est en partie ignorant, les paroisses abîmées, les huguenots implantés. En quelques années, il rétablit la discipline ecclésiastique et l’instruction du clergé, diffuse des missions de capucins et de prêtres de l’oratoire.
Un député remarqué
La mort d’Henri IV laisse un roi, âgé de neuf ans, Louis XIII, placé sous la régence de sa mère, Marie de Médicis. Celle-ci s’appuie sur le couple Concini, ses favoris, honnis d’une partie de la cour de France. Les difficultés politiques et financières conduisent la régente à réunir, en 1614, des états généraux. Richelieu a, en quelques années d’épiscopat, acquis assez de réputation pour être choisi par ses pairs député du clergé du Poitou. Ses discours sur l’État aux états généraux le font remarquer de la reine-mère. Commence alors la première étape d’une carrière politique où il sert d’abord la régente, en des temps où nul ne s’appartient tout à fait mais dépend d’un plus grand et des ramifications de son lignage ou de ses amitiés. Nommé au Conseil aux affaires étrangères, il tombe en disgrâce en 1617 en même temps que sa protectrice, après le coup d’État de Louis XIII, âgé de seize ans seulement, qui reconquiert son pouvoir avec l’aide du duc de Luynes, son favori. Exilé à Avignon, Richelieu n’y est pas inactif. Fidèle à sa charge épiscopale, il y écrit un petit catéchisme des devoirs du chrétien, et une somme d’arguments contre le protestantisme. Politique aussi, il fait de loin sa cour à Luynes, travaille à la réconciliation de la reine-mère et de son fils, au nom des intérêts de l’État, et se ménage ainsi son retour en grâce, en 1619.
Le premier serviteur du roi
Rapidement revenu au conseil, il y prend en quelques mois la première place, grâce à sa fermeté et sa compétence. Sa vision, exposée au roi, est claire ; rétablir la grandeur de l’État fragilisé dans les frontières du pays, et sa grandeur hors des frontières. Pourquoi ? Pour lui faire jouir d’une paix solide et durable. Comment ? En abaissant dans les frontières les grandes féodalités, opposantes potentielles au pouvoir royal ; la haute aristocratie, les parlements et le protestantisme dans son expression politique. En défaisant hors des frontières la toute puissance de la famille de Habsbourg, régnant sur plus de la moitié de l’Europe. Cela acquis, la prospérité du commerce et de l’industrie, les réalisations de l’esprit se réaliseront plus aisément.
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La suite est connue. Dans le pays, Richelieu déjoue tous les complots des grands, n’hésitant pas à faire jouer la hache du bourreau. Il retire aux protestants leurs places fortes accordées par l’édit de Nantes. Le siège de La Rochelle en 1628 et la paix d’Alès de 1629 en témoignent. Hors du pays, à rebours de la politique intérieure, il fait alliance avec certains princes protestants, rois de Suède et d’Angleterre, souverains allemands et bourgeois de Hollande, unis dans la guerre contre les Habsbourg.
Les succès de cette politique lui permettent de poursuivre inlassablement d’autres desseins, dont le développement de l’empire colonial aux Antilles et au Canada ne fut pas le moindre, parmi d’autres, comme la reconstruction de routes ou la création de l’Académie française pour que l’intelligence nationale serve à la gloire du roi de France.
Homme de devoir jusqu’au bout
Honni mais craint, Richelieu n’a cure des inimitiés qu’il se crée. Le roi, acteur inlassable et souvent inspirateur de cette politique, lui accorde toute sa confiance, et cela lui suffit. Peu importent les impôts et la kyrielle de révoltes qu’ils suscitent dans le peuple. Richelieu, intraitable, savait qu’il œuvre pour l’avenir. Sa mort, en 1642, elle-même, est à l’image de sa vie. Homme de devoir jusqu’au bout, s’oubliant pour que continue l’État, il avait pris soin de se choisir un successeur, en la personne de Mazarin, là où tant d’hommes d’État disent « après nous le déluge ». Et par Mazarin, Richelieu pavait la voie au grand règne à venir de Louis XIV.
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