Ancien diplomate du Vatican, Mgr Nicodème Barrigah, évêque d’Atakpamé (Togo), a plus d’une corde à son arc. Exégète, pasteur, c’est aussi un étonnant chanteur. Il a plus d’une centaine de titres à son répertoire et six albums. Aleteia a rencontré cet évêque détonnant qui ne lâche plus sa guitare… pour mieux évangéliser.La musique est son meilleur atout pour évangéliser. Quand il nous reçoit au siège de la Conférence épiscopale du Togo, Mgr Nicodème Barrigah n’a pas sa guitare sous la main. Sourire habituel, ceinture épiscopale et calotte à la main, il insiste aussitôt : “Je ne suis pas un artiste chanteur au sens propre, je suis un compositeur qui porte un message”. Il a tout quitté à la fin des années 1970 pour entrer au Petit Séminaire. Tout sauf la musique, passion qu’il entretient depuis son enfance. Mgr Nicodème Barrigah a toujours chanté. Alors, à 56 ans, il a du mal à ne pas lorgner sur sa guitare, accroché dans son bureau de l’évêché d’Atakpamé, cinquième plus grande ville du pays, située à 160 kilomètres au nord de Lomé.
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“Sa guitare et sa voix font plus de miracles que bien des prières”, souffle sœur Madeleine. À 36 ans, cette religieuse suit l’évêque depuis ses premières prestations publiques. “Je le revois encore, devant une salle remplie du Palais des congrès (la plus grande salle de spectacle du pays, ndlr). Il n’y a pas de doute, chacune des chansons est acte d’évangélisation”. Au Palais des congrès, le prélat avait voulu collecter des fonds pour le Grand séminaire Jean Paul II de Lomé. Entre quelques pas de danse en marge d’une réunion d’évêques à Abidjan et un concert pour des causes, l’évêque vise surtout les jeunes. Quelques uns de ses chants sont liturgiques, “mais j’apprécie également les chants profanes” admet Mgr Nicodème Barrigah qui est aussi président de la commission épiscopale Nationale “Justice & Paix”.
Célébrer la foi et promouvoir la paix
“Nos fidèles ont besoin de célébrer la foi et la musique en est un instrument efficace”, insiste Mgr Nicodème Barrigah. “Elle porte à chaque cœur la bonne nouvelle mais aussi contribue à la promotion de la paix”, ajoute l’évêque. Au-delà des messages chrétiens, la question de la paix revient sans cesse chez l’évêque d’Atakpamé. “Nous ne devons jamais cesser de négocier les espaces de coexistence pacifique”, rappelle Mgr Nicodème Barrigah qui a été secrétaire à la nonciature apostolique au Rwanda, au lendemain du génocide qui a fait entre 800.000 et 1 million de victimes. Aujourd’hui, son combat pour la paix est la première mission dont il s’est investi. Si sa carrière de diplomate pour le Saint Siège en a fait un médiateur social privilégié dans un pays où les tensions politiques sont palpables, l’évêque veut avant tout porter la voix du Christ. Même s’il est conscient, comme le rappelle le journaliste togolais Charles Ayétan, que “chanter peut contribuer à entretenir la foi des chrétiens”. En attendant son prochain album destiné aux jeunes “pour les rapprocher de Jésus” et auquel il travaille ardemment, Mgr Nicodème Barrigah veut continuer “à célébrer la foi et à rendre grâce” à travers quelques courtes prestations, très appréciées des fidèles, pendant ses visites pastorales qui dureront toute l’année.
L’évêque d’Atakpamé ne se considère pas comme une star malgré les foules qu’il déplace à chacune de ses apparitions en musicien. Plus qu’un chanteur, Mgr Nicodème Barrigah se considère plutôt comme “un porteur de message”. D’ailleurs, c’est la Bible qui l’inspire le plus. “La parole de Dieu et mes méditations quotidiennes”, précise celui qui, malgré une vingtaine de chants liturgiques à son actif reconnait “chanter pour tout le monde”. Un avis partagé par Charles Ayetan. Lui qui ne manquerait sous aucun prétexte une sortie musicale de l’évêque éprouve “du réconfort” à l’entendre chanter. Surtout “en raison de la pertinence des messages que véhiculent ses compositions”. Mais l’évêque chargé de la pastorale au sein de l’épiscopat togolais se considère avant tout comme “un pasteur, bien plus plus qu’un chanteur”. “Il n’est pas un chanteur qui évangélise par la chanson mais un évangélisateur qui chante”, résume sœur Madeleine. Une nuance à laquelle tient le prélat. Charles Ayétan voit en cette singularité “un art et en même temps un moyen de communication” surtout pour “retenir les fidèles” comme le reconnaît l’évêque. En Afrique, la musique reste un facteur de cohésion sociale et de communion.
Retenir les jeunes
Badou, Agadji, Kougnohou, Gléi, Agbandi… En 2019, l’évêque a choisi d’aller à la rencontre de la jeunesse de son diocèse. À chacune de ces étapes, il ne manque pas l’occasion d’exécuter quelques titres de son riche répertoire, “à la fois pour faire danser et faire réfléchir les jeunes”. Il le reconnaît d’ailleurs volontiers, “la chanson attire et retient les jeunes” et constitue un rempart contre l’attraction de plus en plus forte des églises charismatiques et évangéliques qui font la part belle à la musique et à la danse. En Afrique, la musique est un facteur de mobilisation. Robert, étudiant de 23 ans, enchaîne des participations aux visites pastorales de l’évêque dans les localités les plus reculées de son diocèse, “car on y danse souvent et Monseigneur a un style adapté à nous”, concède-t-il.
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