En nous demandant, à Lourdes comme à Fatima, de réciter le rosaire, la Vierge Marie désire nous faire comprendre que celui-ci ne dévide pas un chapelet d'événements révolus qui ne concerneraient plus notre situation. Certes, les mystères de Jésus-Christ se sont inscrits à un moment et dans un lieu bien précis de l’histoire de l’humanité. Cependant leur force de salut et d'enseignement, de guérison et de révélation, reste toujours opératoire pour les croyants d’aujourd’hui. « Jésus-Christ est le même, hier, aujourd'hui et pour les siècles » (He 13, 8), et il demeurera le Sauveur universel jusqu’à la fin du monde.
Aussi, méditer et contempler les mystères de sa vie avec le rosaire est-il un excellent moyen pour aborder et tenter de résoudre nos difficultés spirituelles, morales et affectives. Ses quatre séries de mystères constituent un puissant révélateur, par la lumière surnaturelle qu’elles projettent sur notre vocation profonde appréhendée au travers du prisme de la vie de Jésus, du malaise spirituel de notre monde.
Le salut apporté par le fils de Marie embrasse toutes les civilisations, toutes les époques. La nôtre ne fait pas exception. On ne prendra en effet la mesure exacte de la crise spirituelle que nous traversons qu’en la jugeant d’après l’étalon de l’homme véritable qu’est le Christ (« Voilà l’homme ! » s’écrie Pilate), plutôt que par des récriminations contre le temps présent, aussi vaines que démoralisantes.
Certains trouvent la prière du rosaire trop répétitive. Ne balayons pas cette objection du revers de la main, mais tachons de démontrer plutôt que ces appels réitérés à la Vierge résultent de la nature des mystères médités et priés. Ces derniers ont Dieu pour initiateurs et principal protagoniste. Ils portent donc la marque d’infinité qui est celle de l’Être transcendant avec lequel la Vierge a secondé le parcours rédempteur de son Fils. Jamais nous ne serons en mesure d'en épuiser la profondeur. Toujours nous y trouverons des beautés insoupçonnées et des harmoniques inédites : ces mystères font en effet écho les uns aux autres. Les méditer chacun avec une dizaine (de « Je vous salue ») n’est pas de trop pour tenter d’en extraire toute la sève spirituelle.
La seconde objection adressée au rosaire tient à ce qu’il se focaliserait trop sur des événements, et non sur des demandes plus générales (la paix, le pardon, la louange, l’amour, etc.). À cela, on peut répondre que la foi chrétienne tire sa source d'événements historiques, non de spéculations a priori sur la divinité. Dieu a décidé Lui-même du comment et du pourquoi de la Révélation et de la Rédemption. Ce sont les faits, dont Il a pris l'initiative, qui ont décidé du contenu de celles-ci. Les pensées des hommes s'échinent, quant à elles, à les interpréter a posteriori. C’est la raison pour laquelle le rosaire est plus profond que la majorité des traités de théologie.
Pétri d’Écriture sainte, le rosaire, loin d’être une piété périphérique, ou bien une annexe quelque peu exotique, voire passée de mode, de la vertu de religion, touche au cœur de la foi et de l’espérance. En plaçant devant nos yeux les principaux événements de salut réalisés par la Trinité, il nous permet d'accéder directement à l'essentiel de la Révélation.
Plus que jamais d'actualité, le rosaire demeure un excellent antidote à la dépression spirituelle de notre temps. Après avoir médité et prié les événements que le chapelet nous invite à contempler, le fidèle de Marie constate que des verrous sautent, des impasses s'ouvrent, des situations compromises se rétablissent, et soudain il prend conscience que la crise traversée par notre monde n'est pas insurmontable — à condition de s'en donner les moyens. Et le premier d'entre eux, après l'Eucharistie, est cette prière recommandée par la Vierge, chérie par nos grands-parents, et qui n'a pas pris une ride.