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Bioéthique : toutes les (bonnes) raisons de manifester dimanche

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Agnès Pinard Legry - Mathilde de Robien - publié le 04/10/19
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Rassemblant une vingtaine d’associations, le collectif “Marchons enfants!” organise, ce dimanche 6 octobre à Paris, une manifestation pour dénoncer le projet de loi bioéthique actuellement examiné à l’Assemblée nationale. La rédaction d’Aleteia a choisi de répondre aux arguments, de fond et de forme, avancés par ceux qui hésitent à (se) manifester.Depuis quelques jours les discussions s’animent dès qu’il est question de la manifestation prévue ce 6 octobre à Paris contre le projet de loi bioéthique. Faut-il y aller pour manifester son désaccord ? N’est-ce pas trop tard ? Cette forme de contestation n’est-elle pas un peu trop connotée ? Et puis, dans le fond, qu’y a-t-il de choquant dans le texte actuellement examiné à l’Assemblée nationale ? La rédaction d’Aleteia a choisi de répondre à quatorze arguments, de fond et de forme, avancés par ceux qui hésitent à (se) manifester.

“La loi est passée, ça ne sert à rien !”

Non, la loi n’est pas passée. La procédure législative ne se limite pas au seul vote de l’Assemblée nationale. Si l’article 1 du projet de loi bioéthique portant sur l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules a bien été adopté par les députés le vendredi 27 septembre dernier, le texte doit non seulement encore être voté dans son ensemble mais aussi être adopté dans les mêmes termes par le Sénat. La chambre haute a d’ailleurs annoncé la création d’une commission spéciale le 15 octobre, jour où l’Assemblée lui transmettra probablement son texte.


EMBRYON BIOETHIC
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La Présidente des Associations familiales catholiques (AFC), Pascale Morinière, a en effet déploré que « beaucoup de journaux affirment que le premier article est “définitivement” voté… Ce qui entretient une confusion profonde et grave sur le mécanisme de fabrication de la loi ». À partir du 15 octobre, ce sera donc au tour des sénateurs d’examiner le projet de loi, selon une procédure de va-et-vient appelée « navette » entre les deux Assemblées, chacune étant appelée à examiner et, éventuellement, à modifier le texte adopté par l’autre. À chaque étape, seuls les articles sur lesquels demeure une divergence restent en discussion, jusqu’à la recherche d’un consensus entre les deux chambres. Un processus long, donc, et qui ne sera pas clos avant l’été prochain.

“J’ai manifesté contre le mariage pour tous et ça n’a rien changé !”

Certes la loi autorisant le mariage des couples de personnes de même sexe a été promulguée le 17 mai 2013, malgré de nombreuses vagues de manifestations dans plusieurs villes de France. Mais cette large mobilisation a cependant contribué à freiner d’autres réformes sociétales. Sans ces mouvements d’opposition, la GPA serait peut-être de l’histoire ancienne et la pluriparentalité une question de jours. L’exemple le plus frappant fut le report, en 2014, de l’examen de la loi Famille. Report annoncé le lendemain de la quatrième manifestation organisée par La Manif pour tous ayant rassemblé entre 100.000 et 500.000 personnes. Lors de cette même manifestation, le collectif réclamait également la suspension de l’expérimentation des « ABCD dits de l’égalité », proposés par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, abandonnés depuis. En 2015, un amendement déposé par Erwan Binet, proposait d’étendre aux couples pacsés et aux concubins la possibilité d’adopter. Amendement retiré quelques jours plus tard. Tous ces exemples soulignent que même si l’objectif premier semble perdu d’avance, il y a des victoires collatérales dont les retombées ne sont pas nulles.

“Je ne suis pas un voyou, je ne descends pas dans la rue pour manifester !”

Mais il n’est pas nécessaire d’être un voyou pour manifester ! Si les 45 actes menés par les Gilets jaunes donnent une bien piètre image des manifestations, le droit de manifester demeure un principe démocratique, reconnu et protégé par la loi. Depuis 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (article 10). Une décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995 établit que le droit de manifester se rattache au « droit d’expression collective des idées et des opinions ». Un droit que chaque citoyen, tout bien élevé qu’il soit, peut faire prévaloir tant que son expression reste pacifique.

“J’ai choisi une autre manière de manifester mon opposition”

Effectivement. On peut mener une “offensive de prière“, comme cela a eu lieu à Toulon et à Villié-Morgon (Rhône). On peut prendre la parole dans les médias, si tant est qu’on en ait l’occasion. On peut écrire à son député et lui demander quelles sont ses intentions de vote sur la loi bioéthique. On peut encore témoigner auprès de ses proches et animer des débats pour faire aboutir la réflexion. Très bien. Mais la puissance de l’opposition ne réside-t-elle pas dans la multiplication de tous ces canaux ? Pourquoi ne pas utiliser tous les moyens et tous les droits qui sont à disposition de chaque citoyen pour manifester son opposition ? Soyons réalistes, la réussite d’une manifestation se mesure au nombre de ses participants. Alors pourquoi jouer en solo plutôt que de venir gonfler les rangs d’une manifestation dont vous soutenez la cause ? Vous pouvez faire les deux !

“J’ai autre chose de prévu cet après-midi-là”

Réunion familiale prévue de longue date et billets de train non remboursables ? Un vrai discernement s’impose. Pour ce faire, il est nécessaire de s’informer sur les enjeux du projet de loi, et de porter en conscience un jugement. « Nous avons tous une conscience », a déclaré Mgr Aupetit, sur France Info, le mardi 1er octobre. « Et si ma conscience me dicte qu’il y a quelque chose de grave derrière une loi, alors je dois réagir. Ne pas le faire serait de la lâcheté. » À chacun, en son âme et conscience, d’ordonner ses priorités.

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Marchons enfants


ASSEMBLEE NATIONALE FRANCE
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“Je déteste la foule et j’ai peur que ça tourne mal”

Le collectif organisateur de la manifestation a invité à manifester « petits et grands, seul, entre amis ou en famille ». La mobilisation sera pacifique. Un service d’ordre, composé de plus de 1.000 bénévoles, et des forces de l’ordre, seront présents tout au long du parcours pour prévenir tout incident et encadrer le cortège. “Toutes les conditions de sécurité sont réunies pour permettre au plus grand nombre de venir en famille”, assure La Manif pour tous. Le tracé a préalablement été déposé auprès de la préfecture. Et si vous souffrez d’agoraphobie, rien ne vous empêche de vous mettre à l’arrière, où les rangs sont généralement plus aérés.

“C’est un rassemblement de catho cette manif”

Les catholiques sont loin d’être les seuls à pouvoir émettre des réserves et des inquiétudes quant au projet de loi bioéthique. La manifestation du 6 octobre n’est pas confessionnelle. Elle est ouverte à tous ceux qui s’opposent au texte. Mais « la foi chrétienne contient la certitude que notre vie ne se réduit pas à notre visibilité temporelle. Toute personne est en chemin entre sa naissance et sa mort, un être en devenir dont la mort même participera de son accomplissement », détaille le père Stalla-Bourdillon. Si elles sont éveillées à l’importance des enjeux, les personnes de confession catholique seront assez grandes pour déterminer en conscience quelle serait l’expression la plus efficace pour interpeller l’opinion et le législateur sur les questions posées par la réforme annoncée : questions de procréation et de filiation, mais aussi questions sur l’utilisation de l’argent public, sur le sens de la médecine et de l’accueil de personnes handicapées, affirme ainsi le prêtre.

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Sylvain Dorient
Manifestation contre le mariage pour tous, octobre 2016.

« Mais les enfants nés de PMA dans un couple de femmes, cela existe déjà »

En France, la loi autorise l’assistance médicale à la procréation (AMP), également appelée procréation médicalement assistée (PMA), seulement aux couples hétérosexuels stériles. Mais nombre de couples de femmes et de femmes seules se rendent en Belgique et en Espagne, deux pays qui autorisent depuis plusieurs années les femmes seules et les lesbiennes à recourir à cet ensemble de techniques médicales. Les études chiffrées sur cette réalité n’existent pas (encore) mais des témoignages sont régulièrement publiées dans les médias. Dès lors, pourquoi ne pas tout simplement modifier la loi française afin d’autoriser la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ? Pour deux raisons : d’un côté, cela mène à une redéfinition de la filiation « et entérine la fiction d’un enfant qui naîtrait de deux femmes », souligne auprès d’Aleteia Xavier Mirabel. « Jusqu’à présent, est mère celle qui accouche. S’il y a demain deux mères, c’est bien une nouvelle filiation. Une filiation sans père, des enfants que nous aurons volontairement fait naître orphelins de père ». De l’autre, la levée du verrou thérapeutique actuel n’est rien d’autre que le moyen pour le marché de la procréation de prospérer. « Il faut bien comprendre que la PMA pour les femmes n’est qu’une étape, un prétexte finalement pour ouvrir la PMA généralisée non seulement à toutes mais à tous », assure Aude Mirkovic. « Avec l’abandon du critère thérapeutique, la PMA serait en effet accessible non seulement aux femmes célibataires et en couple de femmes mais à tout le monde, y compris le troisième âge et les défunts mais surtout les couples homme/femme fertiles, numériquement les plus nombreux et qui constituent à n’en pas douter la véritable cible de ce marché ».

IN VITRO

Ideya – Shutterstock

« Si un couple de femmes s’aime pourquoi n’aurait-il pas le droit d’avoir d’enfant ? »

Quelle définition retenir de l’amour ? Doit-il être le moteur de « la PMA pour toutes » ? L’amour dont il est question ici « ce n’est que celui de Narcisse contemplant son image », affirme le syndicaliste chrétien Joseph Thouvenel. « L’autre n’existe que pour moi-même, mes envies, mes pulsions, mon bonheur. Nul amour en cela, juste une passion prométhéenne tournée vers soi-même. Aimer c’est savoir renoncer, se sacrifier pour l’autre, celui que l’on chérit. Tout chrétien sait que le plus grand geste d’amour donné à l’humanité, fut celui de la passion qui mène au Golgotha ». Si le désir d’enfant, l’envie naturelle d’engendrer, d’élever et de voir grandir se comprend aisément — tout comme la souffrance de ne pouvoir le faire — cela ne change rien au fait que « ce n’est pas parce que j’ai envie que j’y ai droit ». « L’objectif de l’extension des droits de l’homme n’est plus de sortir les personnes de la pauvreté et de l’ignorance, par exemple par le travail ou l’éducation », explique en parallèle le chercheur Nicolas Bauer. « Les droits économiques et sociaux sont remplacés par des droits sociétaux, qui visent cette fois à libérer un individu abstrait de la nature humaine ».

« Si une femme seule désire un enfant, pourquoi ne pourrait-elle pas en avoir un ? »

Si elle le désire, que son niveau de vie le lui permet et que la technique médicale est au point, pourquoi une femme seule ne pourrait-elle pas avoir un enfant ? Tout simplement parce qu’il manquera toujours à l’enfant la moitié de lui-même. Un enfant se fait par un homme et une femme et s’élève par un père et une mère. Bien sûr que de nombreux enfants sont, de facto, élevés par des femmes seules. Mais bien souvent cette situation n’est pas voulue ou souhaitée. « Où sera notre dignité, s’il est possible de priver un enfant d’un de ses membres ? Car autant un enfant naît avec un corps, autant son père et sa mère sont ses deux membres extérieurs le mettant immédiatement en contact avec la vie sociale », s’interroge le père Laurent Stalla-Bourdillon. « La présence du père, fût-il défaillant, demeure une extension du corps de l’enfant. Aussi vrai qu’un enfant marchera sur ses deux jambes, il entrera sur la scène du monde en prenant appui sur son père et sa mère. L’enfant ne peut être seulement l’objet d’un désir pour la femme qui souhaite être mère. Il sera de facto aussi pour le monde. Mais sans son père, et sans raison qui explique son absence, il sera d’emblée amputé d’un de ses membres. Est-ce suffisamment perçu ?



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« Un père ou un tiers… Quelle différence ? »

« La conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant », a affirmé l’Académie nationale de médecine dans un rapport publié ce samedi 21 septembre. L’Académie a souligné que si son but n’est pas de « donner un avis » sur une « mesure sociétale », elle « estime de son devoir de soulever un certain nombre de réserves liées à de possibles conséquences médicales ». De plus en plus malmenée par les évolutions sociétales, « la figure du père reste pourtant fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues », assure encore l’institution. Si elle « reconnaît la légitimité du désir de maternité chez toute femme quelle que soit sa situation », elle affirme “qu’il faut aussi au titre de la même égalité des droits tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère dans la mesure du possible ».

 « C’est juste la loi qui s’adapte à l’évolution de la société… »

… ou bien est-ce la loi qui doit orienter l’évolution de la société ? Répondre à cette affirmation revient à poser la question suivante : quel monde voulons-nous pour demain ? Soulevée par le professeur Delfraissy à l’ouverture des états-généraux de la bioéthique, c’est elle qui doit être la boussole de ces révisions de loi bioéthique. « La marche de l’humanité doit-elle avancer au pas cadencé de la science, rythmé par « J’en veux, je peux, j’y ai droit » ? Être libre est-ce imposer ma volonté à autrui quand celui-ci n’est pas en demeure de résister ? », s’interroge ainsi Joseph Thouvenel. La loi ne doit pas s’adapter à l’évolution de la société. Non, elle doit d’abord et avant protéger les plus faibles et les plus fragiles.

« Il n’est pas question de GPA, donc ce n’est pas grave »

Ah bon ? Jeudi 3 octobre, un amendement présenté par Jean-Louis Touraine et treize autres députés La République en marche (LRM) prévoyant la retranscription de la filiation des enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger a été adopté. Ce dernier, qui a été ajouté après l’article 4 sur la filiation des enfants nés d’une PMA avec tiers donneur au sein des couples de femmes, prévoit de « permettre la reconnaissance de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger en faisant exécuter une décision de justice étrangère qui établit la filiation ». En d’autres termes, il vise à simplifier la retranscription en droit français à la condition que la GPA (illégale en France) ait été effectuée « dans un État où cette pratique n’est pas expressément interdite ». Si la garde des sceaux Nicole Belloubet a assuré que « Le gouvernement demandera une seconde délibération », l’arrivée de la GPA dans les débats actuels est loin d’être une surprise. « ceux qui travaillent à sa légalisation ne désarment pas et tenteront de l’introduire par le biais des amendements », prévenait déjà en mars dernier Xavier Mirabel. La logique de la fausse égalité entre les couples entraîne mécaniquement le droit à l’enfant par GPA. En effet, la GPA est surtout revendiquée par des hommes qui veulent procréer. De leur côté, les couples de femmes exigent le droit à la PMA au nom de l’égalité avec les couples hommes-femmes. Si elles obtiennent gain de cause, la GPA demandée par les couples d’hommes pourrait bien devenir inéluctable, légitimée par une pseudo-égalité. « Pourtant, l’égalité consisterait à donner les mêmes droits aux personnes se trouvant dans la même condition. Or un couple composé d’un homme et d’une femme n’est pas exactement dans la même condition que deux hommes ou que deux femmes », rappelle Xavier Mirabel.

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STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique.

 « Si la technique le peut, pourquoi l’interdire ? »

Ce qui est techniquement possible est-il systématiquement souhaitable ? Une vie ne suffirait pas à disserter sur cette question. Mais quelques éléments peuvent éclairer la réflexion. « Je rêve d’une bioéthique éclairée qui use de façon responsable des techniques ne contredisant jamais notre fraternité », confiait ainsi Mgr Pierre d’Ornellas lors de la soirée organisée par l’épiscopat français au collège des Bernardins sur les questions de bioéthique. La vraie question sera : comment trouver le bon équilibre entre ce que permet la technique, le principe de liberté et le respect d’autrui ? « En cherchant et trouvant une cohérence éthique », a détaillé à Aleteia l’archevêque de Rennes fin septembre. La technique ne vaut qu’en la mettant au service de l’humanité et de la fraternité.

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