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Quand l’art contemporain s’invite au couvent

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Camille de Longvilliers - publié le 02/10/19
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Passionné par le Couvent de La Tourette (Rhône) où il vit depuis 18 ans, le frère dominicain Marc Chauveau invite de grands artistes à exposer au cœur de cette construction de béton imaginée par l’architecte Le Corbusier. Son expertise et son sens de l’accueil s’apprécient sur la scène artistique contemporaine. Cette année, l’artiste plasticien allemand Anselm Kiefer est à l’honneur.Aleteia : Frère Marc, comment êtes-vous devenu commissaire d’exposition ?
Frère Marc : Je suis d’abord religieux, et j’habite avec ma communauté le Couvent de la Tourette. C’est un lieu atypique, une architecture sublime réalisée par Le Corbusier à la demande des frères dans les années d’après-guerre pour « loger cent cœurs et cent corps dans le silence ». Depuis dix ans, j’organise, en accord et en confiance avec les huit frères de notre communauté, des expositions d’art contemporain. Chaque année nous invitons un artiste parmi les plus renommés comme Anish Kapoor, Anne et Patrick Poirier, ou actuellement Anselm Kiefer, dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Lyon. Le premier à exposer à La Tourette en 2009 fut le peintre, graveur et sculpteur François Morellet. Ces expositions présentent la spécificité d’avoir lieu non seulement dans un chef d’œuvre d’architecture mais aussi au cœur d’un couvent toujours en activité, animé par une vie de travail, de prière et d’accueil.

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Pierre Arnaud

Comment le religieux accueille-t-il ces artistes de renom, familiers de la Tate Modern, du Château de Versailles ou du Centre Pompidou, qui arrivent parfois en hélicoptère à Éveux ?
Du fait de notre identité, nous ancrons d’emblée la relation dans la simplicité et la vérité. Je suis un religieux, sans appétit financier ni plan de carrière. Notre lieu de vie intrigue ces grands artistes ; Ils y font l’expérience de la gratuité, et pour eux, comme pour nous, les douches sont au bout du couloir ! Leurs œuvres ne sont pas exposées, elles habitent le couvent, elles sont installées dans nos lieux de vie. Nous prenons nos repas à côté d’elles. Certaines trouvent leur place dans l’église, au cœur de l’espace liturgique. Un dialogue s’installe dans la durée. Chaque expérience est unique mais les artistes sont souvent très émus de ce qui se passe ici, parfois même bouleversés. Les expositions de ces dernières années ont démontré combien le dialogue entre l’architecture et l’art est juste. Il en résulte un renouvellement du regard, à la fois sur l’édifice en lui-même et sur les œuvres qui y sont exposées. Je repense à François Morellet et à son œuvre « Lamentable » placée dans l’église. Une grande structure en néon à l’effet descendant. Interloqué, il nous livra avec émotion : « ici l’œuvre monte, elle m’échappe ! »

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Anselm Kiefer et Jean-Philippe Simard

Le plasticien allemand Anselm Kiefer expose au couvent dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Lyon. Comment l’avez-vous choisi ?
J’ai découvert qu’il avait séjourné trois semaines au Couvent de la Tourette en 1966 alors qu’il avait 22 ans, partageant la vie des frères. Il s’est alors laissé le temps de vivre dans cette architecture, de l’expérimenter, de la comprendre, de l’apprivoiser. Il dira plus tard qu’il a perçu en ce lieu la « spiritualité du béton » — matériau dont on connaît l’importance dans son œuvre. C’est un grand retour qui nous réjouit. Nous attendons du monde. L’exposition a été inaugurée avec un bon Beaujolais local. Ici pas de conventions, ni de champagne !  En revanche, il m’importe de bien accueillir les visiteurs qui ont choisi de venir et nous font ce cadeau de leur présence. Prendre soin d’eux est pour moi un témoignage d’ouverture.



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L’art contemporain peut paraître assez hermétique. Comment le présenter aux non-initiés ?
Pour comprendre une œuvre contemporaine, il faut une disposition du cœur, un état de bienveillance et de réceptivité pour ne pas rester à son seuil. En quelque sorte il faut laisser à l’œuvre une chance d’entrer en dialogue avec soi. Chacun a aussi besoin d’un éclairage, de clefs. Je travaille pendant la Biennale avec des stagiaires médiateurs, et nous sommes toute une équipe le week-end pour accueillir le public et expliquer les œuvres.

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Georges Poncet
Frère Marc et l’artiste plasticien allemand Anselm Kiefer.

Aller à la rencontre des hommes de notre époque, vivre avec son temps : vous exercez pleinement le charisme de votre ordre !
Le couvent a été commandé par des frères soucieux de prendre leur part dans l’art et l’architecture de l’époque, faisant travailler un architecte et des artistes renommés. C’est ainsi que nos baies vitrées ont été composées comme une partition de musique par Iannis Xenakis, compositeur et architecte grec. Que notre église joue avec la lumière à chaque instant du jour. Nous aimons être en tête de pont, pour répondre à notre manière à l’appel du pape François d’aller aux frontières, à la rencontre de ceux qui ne fréquentent pas les églises. Ces œuvres élèvent, ouvrent les horizons, incitent à entrer dans d’autres univers. Même en rêve, je n’aurais pas pu imaginer ce que je fais aujourd’hui. C’est plus que déroutant mais tellement riche et évangélique ! Heureusement, ma boussole ne faillit jamais : « Seigneur, dans toutes nos œuvres, Toi-même agis pour nous ». (Is 26, 12).

Pratique : Anselm Kiefer à La Tourette, du 24 septembre au 22 décembre 2019. Du mardi au dimanche de 14h à 18h30 et sur rendez-vous visites guidées pour les groupes en matinée sur demande. Couvent de La Tourette, 69210 ÉVEUX, couventdelatourette.fr

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