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Le plus grand piège de la relation de couple

COUPLE
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Paul Habsburg - publié le 29/09/19 - mis à jour le 09/02/22
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Dans une relation de couple, nous désirons instinctivement rendre heureux notre conjoint. Mais cette noble inclination dispute la première place avec un autre instinct, celui de conservation. Quand chacun attend de l’autre la réponse à sa propre soif d'être aimé, accueilli, compris, on risque de se dévorer… Comment éviter le plus grand piège de la vie conjugale et vivre la plénitude dont l’autre est le signe ?

« C’est le paradoxe de l’amour entre l’homme et la femme : deux infinis trouvent deux limites. Deux personnes qui ont un immense besoin d’être aimées trouvent deux capacités d’aimer fragiles et limitées. Ce n’est que dans l’horizon d’un amour plus grand qu’elles ne se dévorent pas dans la prétention, et ne se résignent pas, mais qu’elles marchent ensemble vers la plénitude dont l’autre est le signe. » Cette citation extraite d’une lettre du poète allemand Rainer Maria Rilke (1875-1926) à un ami français, dévoile de façon lucide l’un des plus grands pièges de la relation en couple.

Même s’il est vrai qu’au cœur des couples, nous trouvons le désir de rendre heureux le conjoint, il est aussi vrai que cette noble inclination dispute la première place avec l’instinct tout à fait naturel d’auto-conservation. Au moment du repas et tout naturellement, un petit enfant ne pense pas d'abord à son frère. Il le considère plutôt comme un concurrent, presque comme une menace. Il en est de même dans la vie de couple. En nous, le besoin d’être aimé, compris et accueilli est naturellement plus fort que celui de se donner et d’accueillir l’autre.

"Si on enferme ces deux soifs dans un petit appartement et qu’on ferme la porte à clé, si chacun attend de l’autre la réponse à sa propre soif, ça risque de chauffer…"

Et soyons clairs jusqu’au bout. Chez la femme, cette soif d’être aimée, accueillie et écoutée est presque infinie. Y correspond, chez l’homme, une capacité sans doute moins grande, sûrement non infinie. En revanche, l’homme est habité par une soif presque infinie d’être respecté, admiré et désiré… Reconnaissons aussi que la femme n’est pas capable d’étancher toute cette soif. Alors, si on enferme ces deux soifs dans un petit appartement de la périphérie parisienne et qu’on ferme la porte à clé, si chacun attend de l’autre la réponse à sa propre soif, ça risque de chauffer…

Une soif de plénitude, une soif de Dieu en dernière instance

Il est évident que Rilke n’est pas le seul à avoir eu cette intuition. Nous trouvons la même thématique dans plusieurs textes de la théologie du corps de Jean Paul II. Nous la retrouvons aussi chez Benoît XVI, notamment dans son encyclique Deus Caritas est. On la rencontrait déjà dans les œuvres de Pierre Teilhard de Chardin, ce grand théologien français du XXe siècle. Contemporain de Rilke, il expliquait dans son petit essai L’éternel féminin, que lorsqu’un homme tombe amoureux d’une femme, une force inconnue à ce jour se réveille en lui. Il s’agit d’une espèce d’ivresse qui le dépasse. C’est presque comme si la femme était une promesse de plénitude de joie pour l’homme.

"La beauté de la femme réveille dans l’homme une soif de plénitude qui est en dernière instance une soif de Dieu."

Mais en même temps, Teilhard de Chardin avance que la femme est incapable de tenir cette promesse. Elle n’est pas la source qui correspond à cette promesse, explique-t-il. Elle en est plutôt le signe. Cela veut dire que la beauté de la femme réveille dans l’homme une soif de plénitude qui est en dernière instance une soif de Dieu. Si l’homme cherche à abreuver cette soif dans la femme, il sera forcement déçu. S’il attend tout ce bonheur de la femme, alors — toujours selon Teilhard — l’homme pourra même devenir violent par frustration.

Il est important que la femme et l’homme sachent que la beauté de la femme n’est pas la source. Elle est le signe qui indique l’existence de cette source. Lorsque la femme saisit la main de l’homme pour aller vers la source pour y puiser ensemble, si tous les deux s’approchent de Dieu dans l’unité de leur couple, et qu’ils attendent que leur bonheur provienne en bonne partie d'abord de Lui, alors ils trouveront la paix pour leurs âmes. Dieu ne joue pas avec nous. Il nous prend au sérieux ! Je crois qu’on retrouve cette même réalité dans ce désir de la femme de trouver en l’homme le refuge, sûr et stable, le roc sur lequel elle pourra toujours compter et se reposer. Il est également important pour les deux de savoir que l’homme n’est pas le roc, mais qu’il est le signe de l’existence de ce roc… Pour y construire leur maison, l’homme et la femme pourraient donc aller ensemble vers ce roc qu’est la Parole de Jésus (Mt 7, 24-27).

"Le conjoint peut nous aider à aller dans la bonne direction. Mais il n'est pas la source de notre bonheur".

Rappelons-nous saint Augustin. Il est connu pour avoir d’abord cherché son bonheur dans les créatures. On peut dire qu’il s’est vraiment brûlé les doigts en cours de route. Dans sa propre chair, ce grand Père de l’Église avait fini par comprendre que le vrai bonheur n’est pas dans les créatures mais dans le Créateur. Les créatures — à commencer par le conjoint — peuvent nous aider à aller dans la bonne direction. Mais elles ne sont pas la source de notre bonheur : « J'ai demandé à la terre si elle était mon Dieu, elle m'a répondu que non. Je l'ai demandé à la mer, à ses abîmes, tous les êtres qu'ils contiennent m'ont répondu : cherchez-le au-dessus de nous » (Saint Augustin, Confessions, chapitre 10).

Pour moi, c’est plutôt une bonne nouvelle ! Car la relation avec le conjoint est un vrai don mutuel, un lieu de grandes joies. Mais en même temps, elle contient forcement des petites imperfections. Celles qui, par conséquent, nous procurent parfois d’inévitables frustrations. N’oublions pas que nous sommes en ce lieu d’apprentissage qu’est la terre. Nous ne sommes pas encore au paradis. Au lieu de laisser ces imperfections devenir des causes d’agacement, laissons-les nous rappeler que notre conjoint n’est pas la source de notre joie. Il n’est même pas sensé l’être. Il n’est que le signe qu’une telle source existe.

Un signe visible d'une action de Dieu invisible

Les sacrements sont le signe visible d’une présence et action de Dieu invisible. Un morceau de pain ne peut pas nous rendre heureux, un signe de croix ne peut pas nous donner la paix du pardon. Mais ils rendent visible un Dieu qui, dans l’Eucharistie, nous nourrit par le signe du pain. Le même qui nous pardonne dans la confession par le signe de la croix. Dans ce sens, l’homme est lui aussi un sacrement qui rend visible son Créateur invisible. Ainsi, votre conjoint, dans toute sa beauté et toute son imperfection, pourra être pour vous un signe qui rappelle tout simplement que la vraie source de paix existe, mais qu’elle est en Dieu. Comme l'explique le pape François : « On n’exige pas du conjoint qu’il soit parfait. Il faut laisser de côté les illusions et l’accepter tel qu’il est : inachevé, appelé à grandir, en évolution » (Amoris Laetitia, 218).

Combien des personnes abandonnent leur foyer avec l’illusion de trouver dans une autre personne le bonheur que le conjoint n’a pas pu leur procurer ? On ne leur a peut-être jamais dit que la personne humaine ne fonctionne pas comme ça. Le bonheur est le fruit d’avoir aimé, de s’être donné avec fidélité, tout en sachant que la source de joie n’est pas dans l’autre, mais en Dieu.

Une source pour apprendre à aimer

Deux grands experts dans la vie du couple, le pasteur évangélique John Eldredge et sa femme Stasi, donnent ce petit conseil aux couples dans leur livre brillant Love and War (un de mes livres favoris, qui sera traduit en français l’été prochain, à lire absolument !) : « Chers hommes, chères femmes, que le couple ne soit pas pour vous le lieu pour chercher votre bonheur, mais plutôt le lieu pour apprendre à aimer ». Et si ça ne suffit pas, rappelons la parole de Jésus lui-même quand il nous dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14,25-33).

Qui cherche d'abord Jésus, pourra ensuite beaucoup mieux aimer les autres : c’est une doctrine sûre, qui fait ses preuves depuis plus de 2.000 ans. Je vous souhaite de tout cœur de devenir les témoins de cette belle et grande vérité !

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