En plein examen du projet de loi de bioéthique, revoir “Bienvenue à Gattaca”, le film d’Andrew Niccol sorti en 1997 avec Ethan Hawke et Uma Thurman, éclaire de façon singulière un futur de plus en plus proche.L’identité d’un film s’affiche dès le titre. Mais ne vous fiez pas aux louables apparences. Derrière cette invitation bienveillante, Bienvenue à Gattaca, se cache en réalité la discrimination érigée comme science. En levant le masque de l’acronyme Gattaca (initiales de la guanine, l’adénine, la thymine et la cytosine, les quatre nucléotides qui constituent l’ADN) surgit la dictature génétique d’une société où seuls réussissent et sont bienvenus les êtres supérieurs. Dans un monde qui se veut toujours plus performant et proche de la perfection, les gamètes sont soigneusement sélectionnées in vitro. Une société divisée entre les validés et ceux qui sont nommés par ce qu’ils ne sont pas : les invalidés.
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Vingt-deux ans après sa sortie en salles, comment ne pas trouver dans la scène prophétique de la consultation chez le généticien les prémices d’un eugénisme actuel ? « J’ai pris la liberté de supprimer toutes les conditions potentiellement préjudiciables : la calvitie, la myopie, l’alcoolisme, la propension à la violence, à l’obésité », dit ainsi le médecin aux futurs parents. Et d’ajouter plus tard que « pour 5.000 dollars de plus nous pouvons ajouter le don musical ou mathématiques ».
Désormais la technique permet à des milliers de couples de choisir le sexe ou la couleur des yeux de leur bébé comme c’est le cas à Chypre et en Californie dans les Fertility Institutes. Quoi qu’on en dise, la marchandisation et l’industrialisation de l’humain se fraient progressivement un chemin. Bienvenue à Gattaca nous immerge dans un monde où les êtres ne vivent pas ensemble mais côte à côte, à l’image de la rivalité entre Vincent, un invalidé, et son jeune frère validé, Anton. Leur relation se cantonne à une mise à nue fratricide lors des courses de natation en pleine mer. A la question « mais où est ton frère ? », Andrew Nicoll répond dans une allégorique scène de résurrection où Vincent, le dégénéré, sauve son frère des eaux. Une inversion des rôles génétiques qui rétablit dans l’empire de Gattaca un geste rare d’attention au plus faible.
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Mais d’où lui vient cette force qui lui permet de rendre possible l’impossible malgré son supposé handicap ? « On disait qu’un enfant conçu dans l’amour avait une plus grande chance d’être heureux. C’est une chose que l’on ne dit plus. Je ne comprendrai jamais ce qui a poussé ma mère à placer sa confiance dans les mains de Dieu plutôt que dans celles de son généticien local. » Peut-être parce que le miracle de la vie est la plus belle équation, celle de l’amour et de la Providence.
Malgré leur foi en Dieu et leur réticence à rechercher la perfection, les parents de Vincent (Marie et Antonio) céderont à la peur des pathologies pour leur deuxième enfant (Anton) et se fieront à Dame Science. Face à cette tentation, quel monde voulons-nous pour demain ? Andrew Nicoll nous invite à suivre la voie des plus faibles dans une catharsis où l’identification à Vincent est omniprésente. Vincent (du latin vincere, vaincre) puise sa force dans l’acceptation de tomber et sa préparation à se relever pour un chemin de croissance.
Comme Mgr d’Ornellas l’avait souligné lors de son audition devant la mission parlementaire sur la bioéthique en 2018, « il convient donc de discerner en amont et collectivement le modèle de société qui doit être privilégié et qu’il faut édifier ensemble pour les générations futures. » S’agit-il d’un modèle de tous les déterminismes où avant même de voir le jour, un enfant de la Providence comme Vincent serait condamné à ne pas pouvoir atteindre ses rêves ? Une société où la loi des diagnostics préimplantatoires ne laisserait plus la place à l’imperfection ? Ni au hasard, aussi nommé la grâce de Dieu ? Son don le plus grand est l’accueil de chaque être, à commencer par les plus faibles : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ». Dieu ne choisit pas des êtres parfaits, mais des êtres qui avec leurs faiblesses se laissent guider pour grandir et élever les autres.
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A l’image de cette petite fille prénommée A. porteuse de trisomie 21 qui après avoir communié pour la première fois entend un paroissien dire à sa maman : « Dommage qu’elle ne comprenne pas tout. » Face à l’émotion maternelle, la petite fille lui souffle : « Ne t’en fais pas maman, Dieu m’aime comme je suis. » Bienvenue à Agatta !