La célébration de l’Assomption de Marie revêt en ce 15 août 2019 une dimension particulière : la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui en constitue l’épicentre depuis la consécration de la France à Marie par le roi Louis XIII le 10 février 1638, restera fermée aux fidèles, en raison bien sûr du terrible incendie du 15 avril dernier.
La cathédrale en ruine et en reconstruction — à partir de laquelle les fidèles partiront cette année en procession vers la grande église Saint-Sulpice — constitue un puissant symbole, une icône à contempler. Au milieu des amas de pierre et des poutres calcinées demeure intacte la pietà de Nicolas Coustou, réalisée précisément pour mettre en œuvre le vœu de Louis XIII : l’essentiel — Marie au pied de la Croix qui persévère dans la foi et l’espérance — est bien là.
En un sens, les voûtes éventrées, qui mettent immédiatement la nef en connexion avec le ciel, rappellent à ceux qui l’auraient oublié que la vie terrestre est orientée vers la vie céleste, ne trouve sa pleine signification que dans la lumière de son accomplissement éternel. C’est d’ailleurs le message central de l’Assomption et du 15 août : Marie inaugure la gloire à laquelle nous sommes promis pour nous en montrer le chemin et en stimuler voire en réveiller le désir. La pietà et les voûtes ouvertes sur le ciel continuent donc de chanter « l’évangile de la pierre sculptée » — pour reprendre la formule du cardinal Marty accueillant le pape Jean-Paul II sur le parvis qui porte désormais son nom, le 30 mai 1980 — mais au milieu de quel désordre et de quelle désolation : la cathédrale martyrisée par le feu renvoie le visage de notre Église et de notre société blessées voire dévastées, par le manque de foi et de rectitude morale pour l’une, par le défaut de solidarité et la surenchère des transgressions éthiques pour l’autre.
La prière du Cardinal
Beaucoup se rappellent que c’est de Notre-Dame de Paris, à l’initiative du cardinal Vingt-Trois qui en était alors comme archevêque l’occupant principal, que surgit pour le 15 août 2012 un texte de prière universelle qui parcourut le pays et ses églises comme une traînée de poudre. Elle n’a pas pris une ride. Elle retrouve même un surcroît d’actualité au seuil d’un automne qui s’annonce marqué par d’importants débats de bioéthique.
« En ce jour où nous célébrons l’Assomption de la Vierge Marie, sous le patronage de qui a été placée la France, présentons à Dieu, par l’intercession de Notre-Dame, nos prières confiantes pour notre pays », commençait le Cardinal. Après avoir proposé une intention pour les victimes de la crise économique, Mgr Vingt-Trois suggérait de prier « pour ceux et celles qui ont été élus pour légiférer et gouverner ; que leur sens du bien commun de la société l’emporte sur les requêtes particulières et qu’ils aient la force de suivre les indications de leur conscience ». Suivaient une intention pour les familles et une autre pour les enfants et les jeunes avant une prière conclusive : « Seigneur notre Dieu, nous te confions l’avenir de notre pays. Par l’intercession de Notre-Dame, accorde-nous le courage de faire les choix nécessaires à une meilleure qualité de vie pour tous et à l’épanouissement de notre jeunesse grâce à des familles fortes et fidèles. Par Jésus, le Christ, Notre Seigneur. Amen. »
Sortir de l’anesthésie éthique
Beaucoup de nos paroisses, de nos cathédrales, de nos sanctuaires s’inspireront sans doute de cette initiative de 2012 pour la prière universelle du 15 août 2019. Il est tellement important de prier pour le renouveau de l’Église et le bien commun de notre société. Nous pouvons confier à l’intercession de Marie l’enthousiasme missionnaire et la ferveur spirituelle des prêtres, et de tous les fidèles avec qui ils collaborent ; lui présenter aussi les victimes et les auteurs d’abus ainsi que les manques de clairvoyance et de courage de certains responsables. Nous sommes appelés à prier également pour que la loi française n’instaure pas une funeste fabrique d’orphelins avec la « PMA pour toutes ».
En 2018, nous célébrions le centenaire de l’armistice de 1918, la fin d’un conflit mondial particulièrement meurtrier ; nous prenions conscience à nouveau de la violence subie par tant d’enfants privés de leurs pères tombés au champ d’honneur et de la conséquence durablement déstabilisante de cette violence pour toute la société. Et voici que nous voudrions permettre la venue au jour d’enfants d’emblée et délibérément orphelins : quelle folie et quelle violence ! S’il faut prier, c’est pour que les responsables — et les chrétiens eux-mêmes — sortent de l’anesthésie éthique dans laquelle ils se laissent parfois enfermer par le conformisme ambiant, par la peur de ne pas être à la page de la dernière transgression morale dénommée fallacieusement progrès. Il n’y a pas de progrès en dehors du plein respect de la dignité humaine.
Le choix de Marie
« Tout cela n’est pas si grave », se disent certains, prêts à tous les accommodements pour protéger leur confort. Certains experts avancent que le feu qui a dévasté en quelques heures la charpente de Notre-Dame devait couver depuis plusieurs jours. Les péchés et les transgressions peuvent couver pendant des mois et des années mais, tout d’un coup, l’incendie d’une violence sociale destructrice peut surgir sans crier gare. Au feu maléfique, il nous faut, comme Marie, préférer celui de la grâce et de la vérité en vue de l’embrasement de l’amour et de la paix.