Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a dévoilé les pistes du projet de réforme visant à la création d’un « système universel ». Parmi les perdants de ce nouveau dispositif : les parents de familles nombreuses.Dans son rapport remis au gouvernement le 18 juillet 2019, Jean-Paul Delevoye fait de nombreuses propositions pour uniformiser les différents régimes de retraite et faire en sorte qu’un euro cotisé donne les mêmes droits à tous les salariés. L’une des mesures qu’il préconise aurait un impact très négatif pour les familles nombreuses.
Deux bonifications supprimées
Le rapport propose en effet de supprimer deux bonifications dont bénéficient les familles : D’abord le droit pour chaque mère1 qui met au monde un enfant de bénéficier de quatre à huit trimestres2 validés pour sa retraite, ce qui lui permet de venir compléter en fin de carrière — si nécessaire — le total des années cotisées pour atteindre les 43 années nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Et ensuite la bonification de 10% du montant des retraites des deux parents pour les familles ayant élevé au moins trois enfants. Cette bonification permet de compléter les retraites des familles nombreuses qui le plus souvent ont investi dans l’éducation de leurs enfants plutôt que d’épargner en vue de leur retraite.
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Le rapport Delevoye propose en échange de créer une unique bonification de 5% pour chaque enfant élevé… bonification qui ne serait appliquée qu’à la retraite d’un seul des deux parents. Le rapport indique que le bénéficiaire de cette bonification serait vraisemblablement la mère mais avec des possibilités (non précisées) de transfert d’une partie de ces droits au père.
Le compte n’y est pas
Il manque des précisions pour pouvoir calculer exactement l’impact de ces mesures pour les familles mais on voit aisément que le compte n’y est pas : Pour une salariée du privé, deux années de trimestres validés représentent exactement 4,6% des 43 annuités qui lui sont réclamées pour bénéficier d’une retraite à taux plein. On voit donc que la bonification de 5% de ses points serait une mesure qui viendrait compenser la disparition des trimestres validés attribués pour la naissance de chaque enfant. Attention toutefois, le rapport Delevoye préconise d’appliquer un « malus » important aux salariés ne bénéficiant pas d’une carrière complète. Une partie de cette bonification pourrait donc disparaître dans le cas de mères n’ayant pas eu de carrières continues (c’est particulièrement le cas pour les mères de familles nombreuses).
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Par ailleurs, la disparition des 10% de bonification pour les familles nombreuses représenterait donc une perte sèche de 10% du montant total de leur retraite pour toutes ces familles. Rappelons que les enfants que mettent au monde les familles nombreuses sont indispensables à l’équilibre démographique de notre pays… et que sans naissances en nombre suffisant, le système de retraite par répartition ne pourrait tout simplement pas exister.
Le service des familles
Espérons que lorsqu’il devra mettre en œuvre la réforme des retraites, le gouvernement tiendra compte de façon juste du service que les familles rendent au pays en accueillant et en élevant les enfants qui seront les cotisants de demain. Pour que les familles ne soient pas perdantes, il faudrait prévoir une bonification d’au minimum 5% par enfant pour chacun des deux parents.
[1] Ce sont majoritairement les mères qui bénéficient de ce dispositif mais il est possible de transférer une partie de ces trimestres au père.
[2] Quatre trimestres pour les salariés du public et huit trimestres pour les salariés du privé.