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Le remboursement de la PMA, une injustice faite aux malades

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Aude Mirkovic - publié le 28/06/19
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Jugée inefficace, l’homéopathie pourrait bientôt ne plus être remboursée tandis que la PMA pourrait bientôt le devenir à 100%. Or le financement des nouvelles PMA prévues par le projet de loi bioéthique ne soignent personne et ne pourra se faire qu’au détriment des malades, entraînant le déremboursement d’autres catégories de soins et suscitant de nouvelles inégalités.La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu vendredi son avis : l’homéopathie ne doit plus être remboursée car son efficacité n’est pas prouvée. Pour autant, le gouvernement persiste à annoncer le remboursement à 100% de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules, si elle était adoptée à l’occasion de la révision de la loi de bioéthique.

Une prise en charge déjà dérogatoire

Déjà, aujourd’hui, le remboursement à 100% de la PMA, quand bien même elle s’inscrit dans un cadre thérapeutique, est très dérogatoire aux règles habituelles de prise en charge1. En effet, la participation de l’assuré aux dépenses de santé (sous forme de ticket modérateur) est une constante de notre système de protection sociale. La prise en charge à 100% revêt un caractère d’exception et concerne principalement les médicaments reconnus irremplaçables et particulièrement coûteux et les affections dites de longue durée.


Homéopathie; médicamen
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Sans aucune justification, le code de la santé publique ajoute à la liste des soins pris en charge à 100% le diagnostic et le traitement de la stérilité2, ce qui inclut quatre tentatives de FIV ou six inséminations artificielles par projet d’enfant jusqu’au 43e anniversaire de la femme. Or le critère principal de hiérarchisation des besoins de santé, à savoir la gravité de la maladie et de ses conséquences en termes de dégradation de l’état de santé ou d’espérance de vie, est tout simplement mis de côté : l’infertilité est en effet un dysfonctionnement pathologique mais elle n’engage pas l’état de santé ou l’espérance de vie. Le privilège du 100% prodigué à l’AMP (Assistance médicale à la procréation) est donc problématique en termes d’équité. Quant au critère d’efficience (efficacité), il est lui aussi écarté compte tenu du coût élevé des FIV et de leur faible taux d’efficacité qui varie de 10 à 20% selon la technique utilisée et le profil de la patiente. Si l’efficacité non prouvée de l’homéopathie justifie son déremboursement intégral, comment expliquer qu’une si faible efficacité de la PMA donne lieu, elle, à une prise en charge à 100% ?

Des largesses incompréhensibles

Ces données ne seraient pas trop préoccupantes si les finances de l’assurance-maladie étaient florissantes. Au contraire, ces largesses au profit de l’AMP sont incompréhensibles dans une situation de déficit chronique de l’assurance-maladie, au vu de la baisse continue de la prise en charge et de l’accès aux soins pour de nombreux malades.


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Ainsi, des listes entières de médicaments sont retirées de la prise en charge comme, récemment, les médicaments de lutte contre la maladie d’Alzheimer (Arrêté du 31 mai 2018). Par ailleurs, la maîtrise des dépenses de santé conduit à une hausse récurrente du ticket modérateur. La couverture complémentaire ne compense pas cette hausse, surtout pour les lunettes, prothèses auditives ou dentaires qui ont pourtant un impact direct sur la qualité de vie des individus et sur leur participation à la vie sociale et économique. Pourquoi la PMA ne supporte-t-elle aucun ticket modérateur ?

Radiation de certaines affections de longue durée

En outre, certaines maladies sont retirées de la liste des ALD (Affections de longue durée) pour mettre fin à leur prise en charge à 100% alors que la PMA continue d’être prise en charge intégralement. En 2011, les débats relatifs à la loi de financement de la Sécurité sociale ont présenté deux options : introduire le ticket modérateur dans les pratiques d’assistance médicale à la procréation, avec une économie escomptée de 51 millions d’euros, ou bien radier de la liste des affections longue durée l’hypertension artérielle sévère pour une économie estimée à 20 millions. En dépit de l’avis négatif de la HAS et de l’opposition des sociétés savantes de cardiologie et de santé publique, c’est l’hypertension qui a été radiée3.

Enfin, les prix tirés au plus bas des médicaments remboursés pour faire des économies entraînent le désintérêt des laboratoires et des pénuries chroniques de médicaments : par exemple, les médicaments pour la maladie de Parkinson sont vendus par le fabricant en priorité en Allemagne où les prix sont plus élevés, ce qui entraîne des ruptures en France.

Une injustice scandaleuse

Dans ce contexte, la prise en charge à 100% de la PMA est déjà injuste autant qu’injustifiée. Quant à la prise en charge de la PMA non thérapeutique, elle serait tout simplement scandaleuse, aggravant le déséquilibre existant au détriment des malades alors que les femmes concernées ne souffrent d’aucune maladie.



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En plus de déroger à tous les critères habituels d’équité et d’efficience, la prise en charge de la PMA à 100%, sans ticket modérateur, soutient un marché de la procréation en constante progression. Les industriels et les médecins ont en effet affaire à des patients très demandeurs et prêts à tout supporter pour avoir un enfant, d’autant plus facilement que c’est « gratuit ». Il en résulte souvent un sur-recours à la PMA (examens en surnombre, recours précipité à la FIV et même FIV « compassionnelles ») qui pose tant la question de la qualité des soins que celle du bon usage des ressources (limitées) de l’assurance maladie.

Favoriser le marché de la procréation artificielle

La levée du verrou thérapeutique actuel serait le moyen pour le marché de la procréation de prospérer. Il faut donc bien comprendre que la PMA pour les femmes n’est qu’une étape, un prétexte finalement pour ouvrir la PMA généralisée non seulement à toutes mais à tous : avec l’abandon du critère thérapeutique, la PMA serait en effet accessible non seulement aux femmes célibataires et en couple de femmes mais à tout le monde, y compris le troisième âge et les défunt mais surtout les couples homme/femme fertiles, numériquement les plus nombreux et qui constituent à n’en pas douter la véritable cible de ce marché.



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Mais le financement de ces nouvelles PMA, en plus des difficultés qu’elles posent en elles-mêmes et dont l’exposé n’est pas l’objet de cet article, ne pourra se faire qu’au détriment des malades, entraînant le déremboursement d’autres catégories de soins et suscitant de nouvelles inégalités.


[1] Pour un exposé complet de cette question voir l’article suivant : « Médicaments remboursables avec ou sans ticket modérateur : quels fondements ? », de Florence Taboulet, professeur de droit pharmaceutique et économie de la santé, UMR 1027 Inserm, université Toulouse III et Blandine Juillard-Condat, maître de conférences, praticien hospitalier, CHU de Toulouse, UMR 1027 Inserm, université Toulouse III, Panorama de droit pharmaceutique, n° 5, janvier 2018, p. 283-304.

[2] CSS, L.160-14 al. 12.

[3] Décret n° 2011-726 du 24 juin 2011 supprimant l’hypertension artérielle sévère de la liste des affections ouvrant droit à la suppression de la participation de l’assuré mentionnée au 3° de l’article L. 322-3 CSS.

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