Au seuil de ses 20 ans, dans les années 1970, Pierre-Alban Delannoy s’est engagé dans la Gauche prolétarienne, une organisation d’extrême gauche hyper-violente. Après un passage par la case prison et une redécouverte du judaïsme, celui qui est devenu instituteur en ZUP puis agrégé de lettres a choisi de vivre dans une petite communauté de laïcs à Clairvaux, haut lieu du monachisme cistercien, pour vivre selon la règle de saint Benoît.Avec sa petite barbe désordonnée, ses cheveux grisonnants et sa voix discrète, difficile de croire que Pierre-Alban Delannoy était, à l’âge de vingt ans, un activiste de la Gauche prolétarienne, un mouvement d’extrême gauche hyper-violent menant régulièrement des opérations coup de poing. Nous sommes alors au tout début des années 1970. Il s’infiltre dans des usines, provoque des grèves violentes, des actions punitives contre le patronat… et fait six mois de prison. Marqué par son expérience derrière les barreaux, Pierre-Alban Delannoy noue une relation épistolaire avec un condamné à mort, avec qui il parlera longuement de Dieu. « La violence était légitimée par l’action collective, la nécessité de faire changer la société », confie-t-il en se remémorant ses souvenirs.
Lire aussi :
Le Pape à de jeunes détenus : “Aidez-nous à trouver la voie de conversion dont nous avons tous besoin”
Ces actions lui laissaient déjà à l’époque un goût amer. « J’étais souvent chagriné par ces opérations, les actions provoquaient des fêlures dans mon cœur, avec le temps elles se sont amplifiées ». En 1975, le mouvement s’autodissout. Pierre-Alban Delannoy devient professeur et se rapproche de la communauté juive. Il se sent particulièrement touché par l’histoire de la Shoah et ressent un appel à la spiritualité. Il se met à étudier l’hébreu et à lire la Bible.
À cinquante ans, marqué par le silence à Fontgombault
L’ancien maoïste constate que la vie moderne et son allongement font miroiter à l’homme la possibilité d’avoir plusieurs vies en une seule, indépendante les unes des autres. Mais il réalise que « la vie est une continuité totale”. “Ce sont ces ruptures qui nourrissent le cheminement. Je n’ai pas eu plusieurs vies séparées, ma vie et ma quête spirituelle sont le fruit d’un cheminement ».
Lire aussi :
Avant de rencontrer Dieu, ces saints étaient de sacrés mondains
En 2005, Pierre-Alban Delannoy perçoit un appel « pas plus fort que le léger souffle d’une brise, le souffle d’un silence ». Alors qu’il accompagnait à contrecœur sa mère à la messe dominicale de l’abbaye de Fontgombault et qu’il se trouvait dans une « disposition d’esprit hostile », il se sent visité. « Je me suis soudainement senti lié à l’assemblée, les moines dans le chœur, leurs chants, le corps de pierre de l’abbatiale », raconte-t-il. En sortant de l’abbaye, Pierre-Alban Delannoy décide de fréquenter de nouveau les églises.
La Grange pour vivre selon la règle de saint Benoît
Deux ans plus tard, en 2007, au hasard d’une rencontre, Pierre-Alban Delannoy apprend que des laïcs vivent en communauté, comme des moines. C’est le déclic : « Je me suis tout de suite projeté avec cette communauté, où je pourrai prier et vivre comme les cisterciens ». Il découvre alors au cours de plusieurs séjours au sein de la communauté de la Grange Saint Bernard de Clairvaux, une « fraternité d’habitants » d’une quinzaine de personnes.
Dans ce lieu situé à la source du monachisme cistercien, Pierre-Alban Delannoy se sent à sa place et peut « œuvrer à sa conversion dans le travail et son rapport avec les autres ». Après avoir pris progressivement des responsabilités au sein de la fraternité durant cinq ans, il décide de s’installer dans la communauté.
Lire aussi :
La règle de saint Benoît à la portée des laïcs
Depuis, son emploi du temps est régi par la règle de saint Benoît, ora et labora, qui l’« aide à rester en contact avec le Christ ». Comme les moines cisterciens, les membres de la Grange assistent ainsi aux offices religieux (vigiles, sexte, vêpres, complies), auquel il faut ajouter des temps de prières personnels (une heure trente de lectio divina). Concernant le second pilier de la règle de saint Benoît, le travail, Pierre-Alban Delannoy écrit pour la revue de la communauté, entretient les espaces verts de la Grange et visite les détenus de la prison de Clairvaux. À vingt ans, Pierre Alban Delannoy se battait pour « casser le monde » et libérer l’homme. Aujourd’hui, l’homme s’est libéré du monde. Il a trouvé le Christ dans le silence et le partage dans son quotidien.
De Mao à Jésus par Pierre-Alban Delannoy aux éditions Salvator, février 2019, 17,90 euros.