Photographe chevronné formé il y a près de trente ans à l’institut Louis Lumière, Pedro Lombardi a choisi de mettre son talent au service de l’humain. En 2009, l’association ASMAE de sœur Emmanuelle fait appel à lui : l’élément déclencheur d’une aventure au coeur de l’âme humaine. Grâce à un atelier de prises de vues spécifique, il parvient à réparer, élever, réconcilier les êtres avec eux-mêmes.Le travail que Pedro Lombardi réalise depuis quinze ans fait du bien. Originaire de l’Uruguay, Pedro Lombardi a gardé toute la chaleur humaine de l’Amérique latine. Celle, sans doute, dont il se sert pour aider ceux qui s’offrent à son objectif à découvrir et comprendre ce qui se passe en eux à travers leur portrait. Je suis “un canal humain”, se définit-il lui-même. “J’aime la photo car c’est un moyen de rencontrer l’autre, et c’est ce que j’aime avant tout : la relation.”
“Je photographie l’intérieur et l’âme de la personne”
Photographe depuis 25 ans, Pedro Lombardi a acquis une expérience certaine dans la prise de vue de portraits. Quand il prend conscience de l’impact qu’a le fait de montrer les images prises aux personnes photographiées, le moment de la prise de vue “lui apparaît alors comme essentiel”. “La prise de vue permet de se réapproprier qui l’on est, je tiens donc à ce que ce moment soit très respectueux et intime”, confie-t-il à Aleteia. “Si la personne ne se sent pas bien dans sa peau, ou mentalement, comme j’ai une grande capacité à entrer en relation avec l’autre, à un moment donné la personne se sent assez à l’aise. S’opère alors une récupération de soi-même.” Pour lui, une prise de vue réussie est fonction de l’état de bien-être dont en sort la personne.
“Je photographie l’intérieur et l’âme de la personne. C’est pour cela que les photos permettent à certains de révéler quelque chose d’eux-mêmes, positif ou non, soit par elle-même soit par les autres. Cela permet de favoriser la prise de conscience. L’émotion ressentie par les personnes est aussi partie prenante du travail, car elle peut être assez forte”, détaille le photographe. “Ce n’est pas dans le sens de faire un portrait qui les valorise, ou de les brosser dans le sens du poil. C’est le fait de dire : “Sans préparation ni fioritures, un portrait simple de toi est beau car tu es un être humain et tu as de la valeur en tant que tel”.” Une philosophie qui justifie pour lui le fait qu’il ne fasse pas de photo de mode. “Si je sais que mes photos peuvent aider des personnes en difficulté à se réconcilier ou à récupérer une partie positive d’eux-mêmes, pour les aider à changer ou à évoluer dans le bon sens, alors là c’est une réussite, et c’est pour cela que je travaille.”
Une vocation qui naît dans les pas de sœur Emmanuelle
En 2005, l’Institut Curie le sollicite pour animer un atelier sur l’estime de soi avec des femmes victimes d’un cancer. L’objectif : les photographier maquillées et avec des perruques afin de changer leur regard sur elles-mêmes. “Il y avait un côté externe avec le fait que l’on se sent mieux en se regardant dans la glace. Mais en fait c’était un mieux être dans ce qu’elles renvoyaient à l’autre”, constate-t-il assez vite. C’est à partir de cette expérience qu’il commence à monter son atelier d’estime de soi. Quatre ans plus tard il continue dans cette lignée avec l’association ASMAE de sœur Emmanuelle avec des jeunes femmes seules avec enfants, en banlieue parisienne. “Elles avaient de nombreuses difficultés avec leurs enfants d’un côté et la société de l’autre. Le but était donc de parvenir à leur montrer une image qui leur permette d’être fières d’elles-mêmes”, se souvient-il. Entre photos du quotidien et mises en valeur, l’exercice est difficile pour ces femmes découragées. Quand les thérapeutes, d’abord frileux sur son travail, observent son apport indéniable, Pedro Lombardi prend davantage conscience du bien fondé de son outil. Ces accompagnants n’avaient parfois pas pu obtenir ce résultat aussi vite. “C’est ce travail empirique qui m’a permis d’aguerrir l’efficacité de mon atelier d’estime de soi”, assure Pedro. Et de lui donner envie de continuer avec d’autres, pour aider davantage de personnes par le biais de la photo.
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Depuis, il a travaillé avec des personnes souffrant de dépendance, des autistes, des victimes de burn-out ou de harcèlement en entreprise, des jeunes filles abusées sexuellement ou victimes d’incestes aux Philippines avec l’association CAMELEON. Cette dernière expérience l’a profondément marqué, notamment à cause de l’effet impressionnant de son atelier sur un public très difficile à aborder du fait de ses blessures. L’effet de son atelier n’est pas radical, mais c’est un outil supplémentaire dans une évolution personnelle ou pour régler des problèmes en entreprise. “Cet atelier n’a pas pour but d’alimenter l’ego mais de faire grandir la personne.” Au-delà des réparations, des résultats inattendus sont aussi à l’œuvre. Entre l’égocentrisme actuel d’Instagram et l’image parfois totalitaire des magazines de mode ou des journaux, il est bon de se rappeler à quoi peut servir le portrait et ce qu’il révèle d’un être.