Oui, l’Église est en crise. Sans doute parce qu’elle est indissociable du monde qui l’est aussi, même s’il l’ignore ou le nie. C’est ce que vient de rappeler le pape émérite. Mais l’Église est encore plus indissociable du Christ qui pardonne et réconcilie.Georges Bernanos a écrit quelque part qu’il n’y a rien de plus laid qu’un prêtre qui rase les murs. Aujourd’hui, tout pousse non seulement les prêtres, mais les chrétiens, à raser les murs : l’actualité, la honte, la culpabilité pour certains. Des prêtres et des religieuses se font insulter dans la rue. Que faut-il en penser ?
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L’Église en crise est appelée à témoigner de l’Évangile dans un monde en crise. L’Église nous a accueillis le jour où nos parents, ou bien des amis croyants, nous ont conduits sur les fonts baptismaux. Qu’est-ce pour nous que l’Église ? Le pape François et la curie ? Des sanctuaires romains que quelques-uns ont eu la chance de visiter ?
Crise de l’Église, ou crise du monde ?
L’Église… Les théologiens ont scruté ce mystère. C’est au Cénacle que se trouve la source qui la constitue dans sa sainteté. Sainteté de l’Église, dites-vous ? Elle n’est guère apparente ! Ni quand on lit les journaux, ni même si nous considérons nos communautés, leur fonctionnement, les défauts de leurs membres. La sainteté de l’Église serait-elle un concept de théologien qui n’a pas grand-chose à voir avec la réalité ?
L’histoire de l’Église est indissociable de celle de la société dans laquelle les chrétiens sont appelés à témoigner de l’Évangile. Le monde, réalité pour le moins contrastée où lumière et ténèbres s’affrontent, progresse et régresse. L’Église accompagne ses progrès et le met en garde contre ses régressions. Pour un chrétien, assumer et traverser toute crise dans l’Église revient à assumer les combats de son temps, qui se déroulent dans un monde en crise. Engager le combat pour soi, et le révéler au monde qui ignore ses crises ou ne veut pas les voir. C’est en ce sens que l’on peut comprendre l’analyse que vient de proposer le pape émérite Benoît XVI.
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La sainteté de l’Église ne vient pas de ses membres
Certains pensent, quand l’Église est confrontée à de graves difficultés, que les chrétiens devraient se laisser enseigner par la société qui les critique. Cela reviendrait à laisser n’importe qui piétiner la Tête de l’Église, le Christ, qui seul enseigne, et dans l’Église, et dans le monde. Toute vérité et toute lumière viennent d’en haut, même s’il arrive encore aujourd’hui, comme autrefois avec Balaam, que Dieu se choisisse un prophète hors des rangs de son peuple pour parler en son nom. La sainteté de l’Église ne vient pas de ses membres, elle est, dans ses membres, une participation à la sainteté de Dieu, répandue par la Passion, la mort et la Résurrection du Christ, offerte dans le sacrement dont le Jeudi saint célèbre l’institution.
Les difficultés, les épreuves, les malentendus, les fautes qui alourdissent la vie de tous les jours peuvent être considérées d’un point de vue humain, comme des dysfonctionnements institutionnels ou personnels, agrémentés de défauts divers. Oui, pourquoi pas ? Il y a une part de cela et nous devons y réfléchir. Ces lourdeurs doivent être principalement envisagées comme des crises spirituelles qui révèlent ce qui est déficient dans notre agir de fils de Dieu, c’est-à-dire en nous ; ou bien comme des crises spirituelles qui révèlent ce qui est déficient dans le monde auquel nous appartenons et dont nous adoptons inévitablement certains comportements. C’est l’homme qui dérape parce qu’en tant que fils adoptif de Dieu, il n’est pas à la hauteur.
Le seul vrai combat
Où se trouve la solution ? Dans les sacrements et nulle part ailleurs : dans le Sang et l’Eau jaillis du côté transpercé de Jésus ; dans son Corps et son Sang donnés en nourriture ; dans le pardon accordé par le ministère d’un prêtre ; et dans la communion entre nous qui en résulte, pour que nous nous soutenions mutuellement.
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Nous adhérons assez facilement à ces vérités universelles, mais s’il faut les mettre en œuvre au quotidien, c’est une autre affaire. La clé d’une vie vraiment chrétienne se trouve là : se considérer mutuellement comme des pécheurs assoiffés de salut, comme des malades en quête d’un médecin, avec des ministres qui portent dans des vases d’argile les onguents capables de guérir toute plaie. Si nous nous considérons mutuellement avec un regard de cette qualité-là, il y aura des malentendus, des tensions et des conflits, des fautes même, mais qui seront le signe que nous affrontons le seul combat digne d’être engagé : celui des fils de Lumière contre le Prince de ce monde. Car pour lutter contre lui, nous avons besoin de Dieu bien sûr, et les uns des autres. Dans cette perspective, nos relations fraternelles et l’amitié même cessent d’être des vis-à-vis. Elles acquièrent le caractère d’une quête commune de Dieu.
Le monde a besoin de l’Évangile
La lumière de l’Évangile n’est pas faite pour être mise sous le boisseau. Nos péchés quotidiens, les maladresses de tous, les péchés graves de quelques-uns seraient-ils capables de voiler cette lumière ? Homme de peu de foi… Non ! La lumière vient d’en haut. Portons-la sans raser les murs. Nous la porterons d’autant mieux que nous la porterons humblement, sachant qu’elle ne vient pas de nous. Portons-la d’autant plus courageusement que ce n’est pas d’abord ni seulement la survie de l’Église et donc des chrétiens dans la société qui est en jeu. Le Christ nous a avertis qu’il y aurait des périodes difficiles, des persécutions et des apostasies. Ce sont aussi nos contemporains qui ont besoin de cette lumière. Ils errent, ils s’égarent, ils paniquent. Dans leur grande majorité, ils ne veulent pas de l’Évangile, mais ils n’en ont jamais eu autant besoin.
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