Le pape François s’est rendu les 30 et 31 mars au Maroc, à l’invitation du pape Mohammed VI. Un court séjour marqué par la déclaration commune des deux chefs d’État pour Jérusalem, le plaidoyer du souverain pontife pour les migrants et sa mise en garde des chrétiens du Maroc contre tout prosélytisme.« Jésus nous invite à contempler le cœur du Père. C’est seulement à partir de là que nous pourrons, chaque jour, nous redécouvrir frères », a déclaré le pape François dimanche 31 mars lors d’une messe géante célébrée au stade Moulay Abdellah de Rabat, à l’issue de son voyage au Maroc. Si son déplacement n’a duré que 48 heures, il n’en a pas été moins riche de gestes forts et d’échanges.
Un appel commun pour Jérusalem
À l’issue d’un entretien privé au premier jour de sa visite, le pape François et le roi Mohammed VI, reconnaissant « l’unicité et la sacralité de Jérusalem » et « sa vocation particulière de Ville de la Paix », ont lancé un appel commun en ces termes :
Nous pensons important de préserver la Ville sainte de Jérusalem / Al Qods Acharif comme patrimoine commun de l’humanité et, par-dessus tout pour les fidèles des trois religions monothéistes, comme lieu de rencontre et symbole de coexistence pacifique, où se cultivent le respect réciproque et le dialogue.
Dans ce but, doivent être conservés et promus le caractère spécifique multi-religieux, la dimension spirituelle et l’identité culturelle particulière de Jérusalem / Al Qods Acharif.
Nous souhaitons, par conséquent, que dans la Ville sainte soient pleinement garantis la pleine liberté d’accès aux fidèles des trois religions monothéistes et le droit de chacune d’y exercer son propre culte, de sorte qu’à Jérusalem / Al Qods Acharif s’élève, de la part de leurs fidèles, la prière à Dieu, Créateur de tous, pour un avenir de paix et de fraternité sur la terre.
Le pape François s’est exprimé à plusieurs reprises sur la situation de Jérusalem. « Je ne peux taire ma profonde inquiétude pour la situation qui s’est créée ces derniers jours » autour de Jérusalem, avait ainsi déclaré le Pape en décembre 2017, après l’annonce faite par le président américain Donald Trump du transfert de l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem au lieu de Tel-Aviv, qui marquait donc une reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël.
Lire aussi :
Comprendre la situation en Israël : un devoir pour les chrétiens
Le drame des migrants, « une grande et grave blessure »
Il ne faut pas se laisser « conditionner » par « les peurs et l’ignorance » face aux migrations, a exhorté le pape François le 30 mars en fin de journée alors qu’il visitait un centre d’accueil pour migrants de Rabat, géré par la branche locale de la Caritas. La situation des migrants est « une grande et grave blessure qui continue à déchirer le début de ce XXIème siècle. Blessure qui crie vers le ciel. Et c’est pourquoi nous ne voulons pas que l’indifférence et le silence soient notre parole », a expliqué le souverain pontife.
Selon lui, le « progrès » d’un peuple ne se mesure pas seulement sur le plan économique, mais par sa « capacité à se laisser remuer et toucher par celui qui frappe à la porte ». Sans compassion, a-t-il asséné, une société est « sans cœur ».
Une mise en garde contre le prosélytisme
« L’Église croît non par prosélytisme mais par le témoignage », a affirmé le pape François au second jour de sa visite au Maroc. Alors qu’il rencontrait différents représentants chrétiens à la cathédrale de Rabat, il a rappelé que l’important n’était pas d’être le plus nombreux possible mais d’illustrer et d’appliquer concrètement les enseignements du Christ. « Continuez à vous faire proches de ceux qui sont souvent laissés de côté, des petits et des pauvres, des prisonniers et des migrants », a-t-il conseillé. « Les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui conduit toujours à une impasse », a néanmoins insisté le pape. « S’il vous plait, pas de prosélytisme ! », a-t-il martelé. Une remarque d’autant plus frappante qu’un prosélytisme actif auprès de musulmans marocains est passible de trois ans de prison au Maroc.
Lire aussi :
À Abou Dabi, un tournant dans le dialogue interreligieux
Le souverain pontife a rappelé que l’Église, par fidélité à son Seigneur, devait entrer dans un « dialogue de salut et d’amitié » avec l’humanité, avec douceur et humilité, « sans calculs et sans limites, dans le respect de la liberté des personnes ». Comme le rappelle Vatican News, le pape François n’a pas hésité à citer l’exemple de ces « frères aînés » qui ont emprunté ce chemin: saint François d’Assise et le Bienheureux Charles de Foucault. Ce faisant, l’Église « participe à l’avènement de la fraternité, qui a sa source profonde non pas en nous, mais dans la Paternité de Dieu ».