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Irak : “Si Daech n’a plus de territoire, Daech n’est pas mort”

Mgr Najeeb Michaeel, archevêque catholique chaldéen de Mossoul et Akra.

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Bérengère Dommaigné - publié le 27/03/19
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Né à Mossoul dans une famille de rite chaldéen, le père Najeeb Michaeel, 64 ans, a d’abord travaillé dans le secteur pétrolier avant de rejoindre les frères dominicains français du couvent de Mossoul. Après son noviciat à Lille et Strasbourg, il est ordonné prêtre le 16 mai 1987 par le bienheureux Mgr Claverie, alors évêque d’Oran en Algérie. Le père Najeeb rentre ensuite en Irak. Il devient en 1988 archiviste de la bibliothèque du couvent des Dominicains à Mossoul. À l’arrivée de Daech en 2014, il va sauver près de 8.000 manuscrits. Il est archevêque de Mossoul et d’Akra depuis le 18 janvier 2019.Le nouvel archevêque de Mossoul nous a reçus pour une interview exclusive lors de son passage à Lyon le 25 et 26 mars. Le diocèse de Lyon est très impliqué dans le soutien moral et financier du diocèse de Mossoul et de son archevêque, via le jumelage Lyon-Mossoul, lancée par la Fondation Saint-Irénée.

Aleteia : Pouvez-vous nous dire quelle est la situation à Mossoul aujourd’hui ?
Monseigneur Najeeb Michaeel : La situation change tous les jours. Tout dépend des mouvements géopolitiques qui sont fréquents. Ce qu’on peut dire c’est que, même si Daech n’a plus de territoire, Daech n’est pas mort, du moins dans la tête des gens. L’idéologie est encore présente dans de nombreux esprits et dans des actes. Il y a à peine un mois, une voiture a explosé devant l’université. Néanmoins, nous rencontrons de plus en plus de personnes, notamment des jeunes, qui osent dire qu’ils se sentent athées car ils ne veulent pas être assimilés à Daech. Pour eux, ce n’est plus possible de croire en un Dieu qui leur demande de tuer les autres. Les jeunes disent en avoir assez de la violence. Et moi, en tant qu’évêque, je dis qu’il faut se tendre la main. On ne peut pas oublier la cicatrice mais nous voulons pardonner et vivre une nouvelle histoire ensemble.

Comment mettre en œuvre cette nouvelle page ?
Je réponds aux jeunes comme au monde entier, que nous devons à présent mettre l’humain au-dessus du reste. Nous sommes avant tout des frères en humanité, et non des frères en religion. Il nous faut rebâtir avec les hommes qui croient en la fraternité. Démolir les murs entre les religions et reconstruire tous ensemble. Je le dis à tous mes frères humains : “Venez ! Rebâtissons nos églises et unissons-nous pour faire de belles choses”.


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Est-ce que ce discours peut être entendu ?
Oui ! Je vais vous raconter quelque chose qui a beaucoup marqué le cardinal Sako lorsqu’il est venu fêter le premier Noël avec nous. La moitié de l’église était pleine de musulmans ! Ils avaient apporté de chez eux des chaises ou des canapés pour s’asseoir. Ils ont aidé à installer l’autel et sont même allés poser la croix sur le toit de l’église ! Les habitants sentent que la ville n’est pas la même sans les chrétiens, ils nous disent que nous sommes les roses du jardin… J’ai beaucoup d’espoir car ces gens-là veulent que les chrétiens reviennent.

Quelle est alors la situation des chrétiens à Mossoul ?
Malgré ces beaux témoignages, il y a encore beaucoup de difficultés pour les minorités. C’est pourquoi aujourd’hui, en conscience, je n’appelle pas les chrétiens à revenir. Nous attendons encore des gages des autorités pour mieux assurer notre sécurité et surtout mettre fin aux discriminations. Par exemple, la semaine dernière, deux jeunes femmes chrétiennes ont voulu passer leur doctorat, ce qu’elles pouvaient obtenir grâce à leurs excellentes notes. Le doyen s’y est opposé, leur disant qu’il était dommage qu’elles soient chrétiennes et qu’elles n’avaient qu’à se convertir. Elles ont refusé, mais les voilà sans diplôme !

Combien y-a-t-il de chrétiens à Mossoul aujourd’hui ?
Entre 40 et 50 familles seulement, dont certaines qui continuent à se partager la semaine entre Mossoul et Erbil à deux heures de route (ville où les chrétiens ont fui à l’arrivée de Daech).



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Et quels sont vos rapports avec les autorités ?
Beaucoup de salamalecs, comme on dit aussi chez vous ! Même si on nous encourage à revenir, comme je le disais, notre sécurité n’est pas encore assurée. Nous voulons être considérés comme de vrais citoyens, pas comme des citoyens de seconde zone, or c’est encore difficile sur le terrain.

Où vivez-vous aujourd’hui ?
Pas à Mossoul malheureusement ! Imaginez bien que 95% de nos quartiers ont été détruits. Aujourd’hui une seule église a été reconstruite. C’est là que nous prions et célébrons nos messes, mais je n’ai pas de lieu pour dormir. Je vis donc dans un petit village à 20 kilomètres de Mossoul.

Quelles sont, selon vous, les pistes à suivre pour avancer et garder l’espoir ?
L’éducation ! C’est la clé de tout ! La seule façon de combattre le fondamentalisme et l’obscurantisme de Daech, c’est d’éduquer les jeunes. Que toutes les mosquées deviennent des écoles ! Quant à l’espoir, il est en nous, par la présence de Dieu et celle de tous ceux qui nous soutiennent et qui viennent nous voir sur place. Le diocèse de Lyon est très présent grâce au jumelage Lyon-Mossoul. Quant à la France, elle inaugurera début avril, le centre culturel français de Mossoul. Nous ne nous sentons pas seuls.



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