Quand un des créateurs de la grande distribution en France soutient la permaculture et l’alimentation biologique comme une révolution inévitable, il est permis de penser que les mentalités changent vraiment.Le 7 mars, devant 380 entrepreneurs réunis à Marcq-en-Baroeul pour un déjeuner-conférence du Flandres Business Club, le fondateur du groupe Auchan, Gérard Mulliez, s’est livré à l’habituel jeu des questions réponses à bâtons rompus, sur son parcours, sa famille, sa vision de l’entreprise… Ce fut surtout l’occasion de dire tout le bien que le chef d’entreprise pense de la permaculture, appelée selon lui à devenir un modèle dominant dans les années à venir en réponse à l’agriculture productiviste actuelle et ses conséquences sanitaires négatives (la « malbouffe ») liées à l’utilisation massive de pesticides. « Tout le monde sera obligé de faire de la permaculture » dit Gérard Mulliez. L’affirmation peut sembler excessive, elle n’en a pas moins été jugée assez importante, venant de la bouche de l’ancien dirigeant d’un grand groupe de distribution, pour être relayée par l’AFP, de nombreux sites d’information, et spécialement La France agricole, média de référence dans la profession.
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Un mouvement de fond…
Cette affirmation s’inscrit en pointe dans ce qu’il convient de considérer comme un mouvement de fond. Depuis plusieurs décennies, la grande distribution propose des produits issus de l’agriculture biologique. D’abord limités et plus chers que les autres, ces produits se démocratisent et se massifient, au point que des enseignes comme Carrefour, Intermarché ou Leclerc fond aujourd’hui des produits bios et locaux, du respect animal et de la juste rémunération des agriculteurs des arguments de vente auprès de la clientèle. De son côté, le PDG des magasins U ne considère-t-il pas que l’hypermarché est un modèle dépassé, appelé à disparaître dans les années à venir au profit du retour à des magasins de plus petite taille et de proximité ? Le Crédit agricole, pour sa part, se substitue à l’État pour accompagner le développement des exploitations biologiques. Outre-Atlantique, c’est Wallmart qui, en 2014, a initié des programmes de recherche en agronomie devant faire émerger une nouvelle agriculture américaine, plus respectueuse de l’environnement, économiquement rentable et capable de susciter de nouvelles vocations d’agriculteurs, dans un pays où la population du secteur est vieillissante.
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… ou un effet de mode ?
Il y a une part d’opportunité commerciale dans ces démarches, à n’en point douter. Ces grandes enseignes réagissent à des scandales sanitaires et alimentaires qui pourraient leur causer préjudice. Elles s’accordent également avec une demande de plus en plus importante de leur clientèle. L’effet de mode est là aussi. Ainsi le goût pour les fruits et légumes dits « moches », c’est-à-dire mal calibrés, a disparu aussi vite qu’il était venu. Tout comme la campagne des magasins Carrefour pour les « semences paysannes » fut de courte durée. D’un autre côté, la multiplication des drives et des caisses automatiques réduisant le personnel et le contact humain vont dans le sens inverse de la tendance actuellement développée.
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« On ne peut pas faire autrement »
Il n’en reste pas moins vrai que cette tendance de fond imprime à grande échelle dans le pays une marque positive dans la manière de produire et consommer, une tendance favorable à la production locale, à la préservation de l’environnement qui, dans notre situation d’urgence écologique ne peuvent que réjouir le lecteur chrétien. Il faut rapprocher ces initiatives privées majeures d’autres, publiques, comme la loi alimentation imposant des quotas importants de produits locaux et de saison dans les menus des collectivités publiques, ou interdisant les super-promotions. Elles sont comme des moteurs puissants, légitimant la multitude des initiatives privées pionnières, AMAP, ruches sur les toits des grandes villes, supermarchés gérés directement par les agriculteurs, ventes à la ferme, potagers partagés, circuits de récupération alimentaire qui se sont multipliés dans le pays depuis des années. « On ne peut pas faire autrement » : cette affirmation péremptoire de M. Mulliez, prononcée devant un parterre d’hommes d’influence va dans ce sens positif.
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