La susceptibilité chez un proche ou un collègue peut se révéler insupportable dans la vie quotidienne. Comment se comporter face à ces hypersensibles si rapides à grimper au cocotier ?Lequel d’entre nous n’a pas dans son entourage une personne chatouilleuse prompte à se froisser avec laquelle il est de bon ton de prendre des pincettes pour éviter des drames intersidéraux ? Cette « disposition à se sentir offensé par la moindre atteinte à l’amour-propre », selon le Larousse, est parfois une sacrée épine dans le pied dans la vie quotidienne. Si certaines personnes montent sur leurs grands chevaux et refusent catégoriquement de se remettre en cause, d’autres passent leur temps à se justifier, s’enferment dans un silence boudeur ou déversent des torrents de larmes. Bref, on ne sait plus quoi leur dire ni comment le faire.
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Quelle en est la cause ? Pour Bernadette Lemoine, psychologue et psychothérapeute, c’est d’abord l’expression d’une grande sensibilité émotionnelle, liée à des blessures au cours de la vie qui peuvent parfois remonter jusqu’à l’enfance. « On ne se doute pas toujours de l’extrême sensibilité de certaines personnes », explique-t-elle à Aleteia. Au cours des échanges de la vie quotidienne, chacun reçoit quelque chose de la part des autres. Or, selon sa sensibilité, on peut « recevoir plus ou moins violemment les actes ou les paroles d’une autre personne ». Cela va retentir sur la personne susceptible et mettre en branle son émotivité, déclenchant une implosion ou une explosion. « Certains tempéraments, très sensibles, sont profondément touchés dans la partie la plus intime d’eux-mêmes », poursuit Bernadette Lemoine. « C’est au niveau de l’affectif et de l’émotionnel que cela se joue. D’ailleurs, le mot émotion [issu du latin emovere qui signifie mettre en mouvement, NDLR] parle de lui-même : il indique qu’il y a un mouvement. Nous sommes responsables de nos réactions mais pas de notre sensibilité. En revanche, on peut apprendre à réagir avec modération ».
Un problème d’image de soi
La psychologue précise qu’il y a une sensibilité affective par domaine. On peut en effet être blessé par une chose et pas par une autre : « Chaque personne a une partie personnelle et affective qui échappe aux autres. Une simple parole peut mettre en branle des émotions très vives ». Une explication corroborée par le psychanalyste Jean-Pierre Winter qui souligne que les reproches ne deviennent blessants que s’ils renvoient la personne à ce qu’elle blâme chez elle-même. « Plus l’autre appuie sans le savoir là où ça fait mal, plus la réaction est violente ! Quelqu’un qui ne se prend pas pour un égoïste se fichera d’être traité d’égoïste. En revanche, si c’est un reproche qu’il se fait inconsciemment, il en sera profondément vexé ! C’est ce sentiment d’avoir été dévoilé qui explique l’impact d’une simple parole », explique-t-il. La susceptibilité extrême serait donc un problème d’image de soi et d’identité.
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Bernadette Lemoine distingue une deuxième cause à la susceptibilité : l’orgueil. « Certaines personnes n’aiment pas recevoir des reproches parce que c’est une attaque à l’image qu’elle se font d’elles-mêmes. Elles n’aiment pas l’idée qu’on puisse leur renvoyer une image imparfaite d’elles-mêmes », énonce-t-elle. Ceux qui montent sur leurs grands chevaux ne seraient donc que des orgueilleux en furie ? Pour Jean-Pierre Winter, « une réflexion blessante a le pouvoir de déchirer cette image et de porter atteinte à leur identité, d’autant plus que les personnalités narcissiques s’identifient à leur “image”. À la moindre vexation, un susceptible a le sentiment de n’être plus rien. Ce qui se profile à l’horizon de la blessure narcissique, c’est la mort ».
Préparer le chemin
Comment réagir de la façon la plus juste possible face à ces hypersensibles et éviter que la vie quotidienne ne devienne un enfer ? La clef semble être dans la communication. Il est nécessaire de rester honnête et sincère tout en reconnaissant à l’autre ses qualités et ses compétences à l’aide d’exemples concrets, et en lui montrant qu’on le reçoit et qu’on prend en note son émotion. Ce juste balancement l’aidera à construire une image juste de lui-même tout en ayant des pistes de progression. Ensuite, il est bon de choisir le moment opportun pour les échanges et de veiller à ce que la personne soit disponible pour recevoir ce qu’on va lui dire. Bernadette Lemoine insiste sur la nécessaire délicatesse. « Dans nos paroles et nos actes, il s’agit de prendre en compte la grande sensibilité de la personne et de préparer le chemin pour que ses réactions ne soient pas trop violentes, de préparer son amont de façon à ce qu’elle puisse mieux gérer ».
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En d’autres mots, il s’agit de donner le bon jeu de clefs à celui qui risque de se sentir touché à l’excès. « C’est une éducation », appuie-t-elle. « Il est important d’agir avec précaution en prenant soin de la personne et d’amener les choses dans un climat d’amour et de confiance ». Elle préconise d’introduire son propos avec des mots tels que : « Je vais te dire quelque chose car je crois que tu es capable de faire un progrès sur ce plan-là ». Enfin, conclue la psychothérapeute, indiquer le but de l’échange permet de lui donner un autre relief : « Pour les enfants comme pour les adultes, c’est important de montrer le but et de rester dans une perspective de progrès ».