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Emmanuel Godo : « Toute grande joie est le triomphe de Dieu »

Emmanuel Godo

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Mathilde de Robien - publié le 22/02/19
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“Mais quel visage a ta joie ?” (Salvator) entraîne le lecteur dans un récit personnel, intime, hautement poétique, qui se met en quête de ce qu’est la vraie joie. Entretien avec son auteur, Emmanuel Godo, professeur de littérature au lycée Henri IV à Paris.De sa maison d’enfance aux visages aimés de ses proches, en passant par son métier de professeur, Emmanuel Godo relit dans son dernier ouvrage son passé pour en faire éclore toutes les incarnations de la joie. Chemin faisant, il invite le lecteur à combattre les joies factices, éphémères, pour chercher la source de la vraie joie. Agrégé de lettres, docteur ès lettres et professeur de littérature en classes préparatoires au lycée Henri IV, Emmanuel Godo a notamment publié Ne fuis pas ta tristesse (Salvator, 2017), ainsi qu’un recueil de poèmes Je n’ai jamais voyagé (Gallimard, 2018).

Aleteia : Pourquoi avoir entrepris ce cheminement, à la fois littéraire et personnel, qui dévide, au fur et à mesure des pages, les visages qui pour vous incarnent la joie ?
Emmanuel Godo :
C’est d’abord le prolongement d’un travail de réflexion, qui avait commencé avec l’écriture de mon précédent livre : Ne fuis pas ta tristesse. C’est une façon de poursuivre la relecture de mon existence, sans tomber, bien sûr, dans l’impudeur. À 53 ans, on arrive à un moment d’inflexion de l’existence, à une phase de vie où l’on peut commencer à faire un retour sur ce qui a été vécu. Pourquoi ? Pour en comprendre le sens, les lignes de force ou de faiblesse, dans le but de tracer plus lucidement une suite de parcours humain. Je tenais aussi à rendre hommage à toutes les incarnations possibles de la joie. C’est pourquoi je parle d’expériences intimes, comme la maison d’enfance, qui n’a pas de visage mais qui est le lieu des visages aimés, le lieu où l’on a été appelé à exister par l’amour. L’écriture m’a permis de dégager un fil : à travers chacun de ces visages, je me suis acheminé vers une meilleure compréhension de ce que serait le visage fondamental de la joie : le visage du frère, du prochain, du Christ.


JESUS CHRIST TEACHING IN THE TEMPLE
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Ce titre Mais quel visage a ta joie ? interroge. À qui s’adresse-t-il, au lecteur, à vous-même ?
C’est le vers d’un poème que j’ai écrit dans mon recueil Je n’ai jamais voyagé. La poésie m’a toujours accompagné, c’est un élément central de mon existence, mais il a fallu plusieurs décennies pour que cette parole poétique voie le jour. Comme il y a toujours quelque chose de mystérieux dans les vers qu’on écrit, ce livre est une façon d’explorer ce qui est impliqué par ce vers. Le tutoiement ici est intérieur, très personnel. Peut-être parce que je suis plus à l’aise avec le « tu » qu’avec le « je ». C’est par ce tutoiement que le moi peut exister. Le moi n’existe que dans le « tu » ! C’est justement parce qu’il y a ce « tu », qui peut s’adresser à ce « moi » dont on ne sait jamais exactement qui il est, que j’existe. Le tutoiement, selon moi, est donc fondamental. Et le « mais » a aussi son importance. Il contient quelque chose d’adversatif, qui correspond à un mouvement, profondément humain, de lutte, de sursaut. Nous sommes dans des chemins d’existence parfois chaotiques, on ne voit plus ce qui fait sens dans nos existences, on peut avoir envie de baisser la garde, or on ne peut pas réduire la vie à ça ! Il me semble nécessaire d’enraciner la joie, la foi, les raisons d’espérer, Dieu, au plus profond de l’homme.

Vous dénoncez un monde qui n’aime pas la joie. On pourrait vous rétorquer qu’au contraire, c’est le règne de “l’happycratie”, tout le monde cherche à être heureux. En quoi les plaisirs éphémères, la « zénitude en tisane », la « morale en patch », comme vous dites, coupent-ils l’homme de la vraie joie ?
Je suis effaré de la société dans laquelle on vit — sans idéaliser le passé, parce que je sais que notre société n’a pas le privilège de la bêtise, de la cruauté, de l’injustice… Elle essaie de bien faire, à bien des égards, mais elle propose en lieu et place de la joie des placebos, des simulacres, des voies médiocres qui me paraissent des injures à la destinée fondamentale de l’homme. Il me semble que nous sommes appelés à la plus grande joie. Aujourd’hui, nous sommes assommés d’injonctions à des euphories factices, entretenues dans une atmosphère de catastrophisme : « Vivez dans la peur mais réglez tout ça avec des petits plaisirs ! » Mais l’homme vaut mieux que ça ! Certes, cela implique un combat. La vraie joie peut entraîner des formes de lutte, de colère. Elle est incandescente, exigeante, lucide, elle ne demande pas de se détacher du monde, comme l’indifférence, mais de vivre dans le monde, lorsque, au contraire, la « zénitude » ambiante est une sorte de défection, de démission. Toute grande joie est le triomphe de Dieu.


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Au terme de l’écriture de votre livre, avez-vous finalement trouvé la vraie joie ? Et à quoi ressemble-t-elle ?
Je pense qu’il y a une illusion à penser avoir trouvé quoi que ce soit. Je ne peux pas corroborer l’idée d’avoir trouvé quelque chose car nous sommes sans cesse en mouvement, notre être est appelé à la conversion, au déplacement perpétuel. Ce que j’ai trouvé cependant, c’est peut-être quelque chose qui démarque le vrai du factice. Quand on a une expérience d’existence, de foi, on est plus à même de distinguer le nécessaire du superflu, la vérité du simulacre. J’ai peut-être trouvé quelque chose qui me sert de boussole, mais la navigation est toujours incertaine !

Vous êtes protestant, et témoignez dans votre livre que votre foi est intiment liée à la joie. Comment le ressentez-vous ?
Ma mère était catholique, mon père protestant, mais ma véritable patrie, ce sont les Écritures. Pour moi, le visage du Christ est celui d’une Parole. Je pourrais tomber dans une forme d’idolâtrie à fixer ce visage en disant : « Le visage du Christ, c’est le visage de la joie », alors que Lui-même appelle à ne pas Le regarder mais à regarder dans la même direction que Lui, vers les autres, vers les frères. Pourtant, dans les moments de doute, d’usure, les Écritures sont un espace fondamental, un paysage primordial, au sein duquel on trouve la force. Elles permettent de replonger son propre discours dans la Parole de Dieu.

Mais quel visage a ta joie?, Emmanuel Godo, Salvator, janvier 2019, 18 euros

Mais quel visage a ta joie

@Salvator
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