Après un premier report des élections présidentielle, législatives et sénatoriales samedi dernier, les Nigérians devraient normalement se rendre aux urnes ce 23 février. Alors que la violence exercée par des groupes d’extrémistes islamistes comme Boko Haram est omniprésente dans le pays, Mgr Ignatius Kaigama, archevêque catholique de Jos (dans le nord du Nigeria) s’inquiète des conséquences sur la population en cas de débordements.
Après un premier report, les scrutins présidentiel et parlementaire doivent avoir lieu ce samedi 23 février au Nigeria. « Comme partout dans le monde, les périodes électorales suscitent de fortes émotions : beaucoup de personnalités politiques et leurs partisans développent une paranoïa politique », a alerté Mgr Ignatius Kaigama, archevêque catholique de Jos (au nord du Nigeria), auprès de l’Aide à l’Église en détresse (AED).
Au vu des élections parlementaires qui auront lieu a priori ce 23 février, comment se présente la situation dans le pays ?
Mgr Kaigama : Comme partout dans le monde, les élections politiques soulèvent de fortes émotions en période électorale. Beaucoup de personnalités politiques et leurs partisans développent une paranoïa politique. On entend parler de la facilité avec laquelle certains politiciens passent d’un parti à l’autre. Cela montre que leur motivation de s’engager en politique n’est pas fondée sur de bons principes politiques, une réelle stratégie ou des programmes politiques électoraux favorables aux citoyens, mais qu’elle dépend d’abord de leurs intérêts personnels. La plupart d’entre eux ne réfléchissent que très peu à la manière dont ils peuvent garantir une gouvernance responsable ou une amélioration de la situation des Nigérians, en particulier des pauvres, des marginalisés, des chômeurs ou encore des victimes d’extrémismes religieux. Les campagnes électorales actuelles sont relativement modérées par rapport aux campagnes précédentes, même si nous avons encore des morts à déplorer. Néanmoins, il règne une tension et une inquiétude généralisées au sujet des futures réactions de ceux qui, dès à présent, ont l’impression que les élections pourraient être manipulées.
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Les attentats commis par Boko Haram ces derniers temps se sont intensifiés. Est-ce lié aux élections ?
Le nombre d’attentats de Boko Haram s’était déjà intensifié auparavant. Plusieurs militaires ont été tués. Les djihadistes n’épargnent même pas les bénévoles et collaborateurs d’œuvres caritatives internationales. Ils combattent pour s’emparer du pouvoir dans certaines régions du Nigeria et des pays voisins afin d’atteindre leur objectif : la création d’un État islamique d’Afrique de l’Ouest. Nous avons été surpris de voir que ces derniers jours, les attentats de Boko Haram se sont intensifiés dans les régions de Michika, Shuwa, Madagali et Mubi des États fédéraux de Borno et d’Adamawa. Ce qui est indéniable, c’est que ces attaques doivent démontrer clairement que Boko Haram est loin d’être vaincu. La menace que représente Boko Haram est réelle.
Êtes-vous inquiet ?
Je devrais l’être. Lorsque la paix est perturbée, les responsables ecclésiaux comme moi souffrent plus que ceux qui ont été élus au gouvernement. En effet, c’est dans nos maisons et nos bureaux que les gens viennent en masse, car ils savent qu’ils n’en seront pas chassés par les policiers armés ou des soldats, ni agressés ou menacés. Si les élections sont entachées par des actes de violence, de nombreux Nigérians innocents en paieront le prix. J’espère que les élections seront pacifiques et que la victoire reviendra à ceux chez qui le bien de la communauté l’emporte sur leurs ambitions personnelles. Nous prions et travaillons afin que cette culture de paix soit encouragée.
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Comment l’Église contribue-t-elle à ce que les élections se déroulent correctement ?
L’Église catholique du Nigeria joue le même rôle que lors de n’importe quelle autre élection. Notre comité pour la justice, le développement et la paix (Justice, Development and Peace Commission — JDPC) assume sa mission en matière de surveillance électorale. Par le passé, il n’a pas hésité à assumer sa mission en matière de surveillance électorale et attiré l’attention sur les défauts et les manquements. Récemment, la conférence des évêques catholiques du Nigeria a publié une déclaration appelant à la prière, à une exécution correcte des élections ainsi qu’à l’attitude que les citoyens devraient adopter lors de ces élections. Dans l’archidiocèse de Jos, l’Église s’est fébrilement chargée de nombreuses missions pour contribuer à ce que les élections se déroulent dans la paix. Nous avons appelé les fidèles à la prudence, à respecter la loi, à rester pacifiques et à s’assurer de posséder une carte d’électeur afin de pouvoir voter.
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Qu’espérez-vous pour le Nigeria ?
Je suis un grand optimiste. Je suis fermement convaincu que le meilleur pour le Nigeria est à notre portée. Tant de choses négatives sont évoquées sur notre pays. Pourtant, je crois que malgré tous ses défauts et ses imperfections, le Nigeria surprendra un jour le monde. Les Nigérians sont un peuple pacifique, joyeux, travaillant dur, croyant et coriace, qui a simplement la malchance d’avoir des dirigeants qui se réjouissent de pouvoir voler leurs richesses au lieu d’être des chefs de gouvernement altruistes et dotés d’une vision. Les temps sont proches où il surviendra une révolution morale de la jeunesse, qui surmontera nos différences. Tôt ou tard, ceux qui manipulent les élections, achètent des votes, exploitent les structures gouvernementales pour accéder à la victoire électorale et déclarent que les perdants sont vainqueurs, ne pourront plus se cacher nulle part.