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Être catholique social aujourd’hui

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Fabrice de Chanceuil - publié le 18/02/19
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À l’origine des premières lois sociales en France, les catholiques se sont souvent divisés politiquement. Face au délitement de la société, ils peuvent retrouver une certaine unité d’action aux avant-postes de la nouvelle question sociale.Le mouvement des Gilets jaunes, même s’il continue de fléchir en intensité, a déjà profondément ébranlé les responsables politiques et, au-delà, tous ceux qui se sentent porteurs, au regard de leurs valeurs et de leurs convictions, d’une parole politique. Tel est le sens de l’Appel pour un nouveau catholicisme social lancé, le 9 janvier dernier, dans le journal La Vie, par plusieurs personnalités catholiques engagées.

Le rapport entre le catholicisme et la politique a toujours été compliqué en France depuis la Révolution française et l’instauration progressive du principe de laïcité sanctionné par la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Mais de quel catholicisme et surtout de quels catholiques parle-t-on ?


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Un pluralisme politique légitime

Depuis le baptême de Clovis, en 496, la France est un pays catholique. Aujourd’hui encore, environ 70% des Français sont baptisés et enterrés à l’église. Dès lors, le catholicisme pourrait se confondre avec le corps social et le corps électoral sans appeler d’analyse particulière. Même si on peut le regretter, tel n’est pas le cas car, entre le baptême et l’enterrement, peu de ces catholiques se revendiquent de leur religion et encore moins se réfèrent à leur foi pour orienter leurs choix politiques. Pour ceux qui le font et qui correspondent, peu ou prou, aux 5% de catholiques pratiquants, il s’agit bien, dès lors, d’un engagement particulier fondé, en l’occurrence, sur l’enseignement de l’Église.


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Pour autant, ces catholiques de conviction ne votent pas tous de la même manière, étant entendu qu’il n’a jamais existé, en France, de parti catholique susceptible, à lui seul, d’incarner et de défendre les intérêts de cette population. L’Église elle-même enseigne que le pluralisme politique est légitime chez les fidèles, dès lors qu’ils sont unis par la même foi et sur les mêmes principes. De fait, les catholiques revendiqués, comme tous les autres électeurs, se divisent entre catholiques de droite et catholiques de gauche. En simplifiant les choses, on peut dire que les catholiques de droite accordent plus d’importance à la morale individuelle, notamment s’agissant du respect de la liberté et de la vie de la conception à la mort naturelle tandis que les catholiques de gauche, plus attachés à une morale collective, mettent en avant le combat pour la justice sociale.

Les premières lois sociales

Et c’est en cela que l’Appel pour un nouveau catholicisme social est intéressant car, pour la première fois, il réunit des catholiques de deux rives avec la conviction que ce qui les rassemble est en fait plus important que ce qui les oppose. Pour cela, les signataires ne prétendent pas concilier toutes les tendances, sachant qu’il y a peu de chances de rassembler un jour les tenants du catholicisme identitaire et ceux de la théologie de la libération, mais en appellent au catholicisme social.



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Celui-ci est apparu en France au début du XIXe siècle à l’initiative du vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont qui fait voter, en 1841, la première loi réglementant le travail des enfants. Ce sont les catholiques sociaux qui vont effectivement, au cours de ce siècle et du suivant, contribuer à l’élaboration de presque toutes les lois sociales, qu’il s’agisse d’Armand de Melun et d’Albert de Mun, également créateur de l’Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers avec René de La Tour du Pin. Certes, toutes ces figures sont issues du royalisme légitimiste mais Albert de Mun, pour ne citer que lui, se montrera favorable au ralliement à la République en 1892.

La seule querelle qui vaille

En fait, ce qui motive ces hommes, c’est la récurrente question sociale. Celle-ci a beaucoup évolué depuis le XIXe siècle et les catholiques, avec d’autres, ont été à la manœuvre après la Deuxième Guerre mondiale pour faire agréer le programme social du Conseil national de la Résistance, que le Général de Gaulle, disciple de La Tour du Pin, ne pouvait qu’approuver. C’est la remise en cause de ce modèle social français, pourtant déjà bien malmené depuis plusieurs années, qui a suscité la mobilisation des Gilets jaunes.


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Face à cette nouvelle question sociale, les signataires de l’Appel proposent donc un nouveau catholicisme social. C’est en fait, indirectement, une invitation forte faite aux catholiques, en des circonstances exceptionnelles qui risquent de déboucher sur un délitement de notre société, de surmonter leurs divisions pour concentrer leurs efforts sur la seule querelle qui vaille, celle de l’Homme. L’enseignement des papes, depuis Léon XIII et jusqu’à François aujourd’hui, milite fortement en ce sens, en particulier la dernière encyclique Laudato Si’ qui démontre, s’il en était besoin, que justice sociale, respect de la vie et protection de l’environnement ne sont que les facettes différentes d’un même combat. Si les catholiques sociaux ne sont pas forcément les seuls à le mener, ils ont, en revanche, le devoir d’en être aux avant-postes. Il était temps qu’ils le comprennent enfin. Que les Gilets jaunes soient remerciés d’avoir permis cette inattendue mais indispensable union.

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