Trois Français sur quatre croient aux bienfaits de l’homéopathie pour la santé, et plus de la moitié d’entre eux y ont recours. Quant aux médecins, ils doutent largement des effets positifs de ces minuscules granules blanches aux noms d’apothicaire.Les Français, y compris les médecins et les professionnels de santé, croient à l’efficacité des médecines alternatives et complémentaires (MAC). Ces pratiques de soins non conventionnelles que l’on appelle les “médecines douces”, comme la sophrologie, l’acupuncture, l’hypnose ou encore la phytothérapie recueillent largement leur approbation, selon le baromètre santé Odoxa réalisé en janvier 2019 pour France Inter. Toutes les médecines douces sauf une ! Ainsi, si 72% des Français estiment que l’homéopathie est bénéfique pour la santé, seulement 49% des professionnels de santé partagent cette confiance, proportion qui diminue encore lorsqu’il s’agit des médecins (33%).
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La menace du déremboursement
Même si la majorité des Français est attachée à l’homéopathie, ils ne ne sont que 52% à y avoir recours pour se soigner. Ce qui en fait la médecine alternative la plus utilisée par les Français puisque les autres MAC ne séduisent que 35% de ceux qui sont convaincus de leurs bienfaits. Cet attachement des Français à l’homéopathie est tel qu’ils sont 63% à déclarer qu’ils continueraient d’y avoir recours, même en cas de déremboursement de certains soins par la Sécurité sociale. Seule catégorie de médicaments à être remboursée sans avoir à présenter la preuve de son efficacité, l’homéopathie pourrait pourtant voir son statut remis en cause en France. C’est ce qu’avance la Haute Autorité de Santé (HAS) qui doit se prononcer sur ce sujet au printemps 2019. En effet, la plus populaire des “médecines alternatives” est aussi celle qui connaît le plus de polémiques.
Les prises de position de médecins contre l’homéopathie se sont multipliées ces derniers mois. Dernière en date, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a appelé en janvier 2019 à l’arrêt du remboursement de l’homéopathie qualifiée de “méthode ésotérique”. De son côté, l’association des Académies des sciences européennes (EASAC) a estimé en septembre 2017 qu’il n’existait “aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l’efficacité des produits homéopathiques, même s’il y a parfois un effet placebo.” L’organisme a été saisi par le ministère de la Santé pour évaluer le “bien-fondé (…) du remboursement des médicaments homéopathiques” dans un avis qui devra tenir compte de l’efficacité de ces remèdes.
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L’homéopathie est née à la fin du XVIIIe siècle des expérimentations du médecin allemand Samuel Hahnemann. Ce traitement thérapeutique repose sur trois principes. Le premier concerne la similitude (“homéo” signifie “même” en grec) et consiste à soigner avec des substances végétales, minérales ou animales qui provoquent des symptômes semblables à la maladie. La deuxième caractéristique de cette médecine, ce sont ses dosages en mesures infinitésimales, les substances étant diluées dans l’eau pour qu’elles ne soient plus toxiques. Enfin, l’homéopathie considère le patient dans son ensemble et ne se concentre pas uniquement sur les symptômes.
Une médecine douce qui divise
En France, l’homéopathie n’est pas reconnue comme spécialité médicale à part entière. Cependant, de plus en plus de facultés de médecine proposent aux futurs médecins ou professionnels de santé des formations validées par des “diplômes universitaires”. Selon le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), 5.000 médecins homéopathes exerçaient dans le pays en 2016.
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D’après les laboratoires homéopathiques Boiron, 20.000 des 100.000 généralistes prescrivent régulièrement des granules homéopathiques. Ces dernières pèsent relativement peu dans les dépenses de la Sécurité sociale : 56 millions d’euros de remèdes homéopathiques remboursés (à hauteur de 30%) en 2018 sur 20 milliards de médicaments remboursés, soit 0,3% du total (chiffres de l’Assurance maladie, hors remboursements des “préparations magistrales” faites en pharmacie, chiffrés pour l’homéopathie à un peu plus de 70 millions d’euros par an).
Ailleurs en Europe, le statut de l’homéopathie varie de façon significative : très pratiquée et remboursée en Allemagne, elle est pratiquement absente du système public de santé britannique, qui a recommandé en 2017 à ses médecins de cesser de la prescrire. Peu répandue en Espagne, cette médecine alternative reste critiquée par Madrid qui souhaite que l’Union européenne impose — pour l’autoriser — les mêmes preuves d’efficacité que pour les médicaments classiques.