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La fratrie, grande oubliée d’un deuil périnatal

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Mathilde de Robien - publié le 05/02/19 - mis à jour le 09/10/23
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Lors de la difficile épreuve de la perte d’un bébé in utero ou peu après la naissance, on oublie parfois que les aînés aussi sont confrontés au deuil. Or l’aide la plus précieuse que l’on puisse leur apporter à ce moment-là est de les aider à exprimer leurs sentiments. C’est pour libérer leur parole que l’association Spama a conçu pour eux un livre et un cahier de dessin.

Depuis une quinzaine d’années, "le deuil périnatal sort progressivement de la conspiration du silence", constate Isabelle de Mézerac, présidente-fondatrice de Spama, association membre de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, qui soutient les familles face à la fin de vie d’un tout petit. Mais si les parents sont de mieux en mieux accompagnés, il semble que les grands oubliés de ce cheminement soient les aînés de la fratrie.

Pourtant, le décès prématuré, in utero ou peu après la naissance, d’un petit frère ou d’une petite sœur, engendre chez un enfant des sentiments qu’il est important d’exprimer. C’est dans ce but que l’association Spama a conçu un livre, La Vie de Gabriel ou l’histoire d’un bébé plume, ainsi qu'un cahier de dessin, imaginés pour libérer la parole autour du décès d’un tout petit frère ou d’une toute petite sœur.

Il n’y a pas de petit deuil

Certains peinent encore à donner au deuil périnatal une dimension de deuil véritable, et entendent mesurer la douleur à la durée de vie du tout-petit. Ce deuil est d’autant plus minimisé lorsqu’il concerne les grands frères et les grandes sœurs, en vertu de "bonnes intentions". On cherche à les protéger : du chagrin, de la douleur, de l’idée de la mort.

"L'enfant endeuillé est, de nos jours, trop souvent abandonné à lui-même, écarté de tous les rituels du deuil, privé de toute évocation de souvenirs, de toute expression de son chagrin, dans le but de lui épargner un vécu jugé trop douloureux", constate le docteur Guy Cordier, pédopsychiatre ayant accompagné des enfants en deuil pendant plus de 30 ans, dans la lettre annuelle 2016 de l’association. "Ces bonnes intentions viennent pourtant compliquer un nécessaire travail de deuil", regrette-t-il.

Un cahier de dessin pour favoriser l’expression des sentiments

"Nous étions séparés, cela me rendait très triste, et je ne pouvais pas le dire. Je n’avais que la compagnie de son absence", confie François-Xavier Perthuis, auteur d’un bouleversant récit autobiographique, Blessures (L’Harmattan), dans lequel il revient sur son parcours d’enfant, meurtri par le décès d’une petite sœur à l’âge de quinze jours et d’un petit frère qui n’est jamais revenu de la maternité. L’objectif du cahier de dessin, paru fin janvier, est de faire sortir les enfants endeuillés de ce silence.

Isabelle de Mézerac a fait le constat qu’aucun outil n’existe aujourd’hui pour accompagner les fratries confrontées à la perte d’un tout petit bébé. "Pourtant, confie-t-elle à Aleteia, ces enfants ont un cheminement à faire, qui n’est pas le même que celui des parents, mais néanmoins important. Car il arrive parfois qu’ils se considèrent comme responsables de la mort du bébé, si jamais ils étaient jaloux par exemple, ou en colère, à l’idée de l’arrivée du bébé. Ils peuvent en ressentir une grande culpabilité." Le cahier de dessin a donc été créé pour aider chaque enfant, dès l’âge de 3 ans, à mieux comprendre la situation que lui et son entourage traverse. Avec l’aide de ses parents, ou tout seul, l’enfant peut cheminer dans son parcours de deuil, à son rythme et en fonction de son vécu.

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Association Spama

Un enjeu non négligeable

Isabelle de Mézerac, qui a accompagné de nombreuses familles dans la traversée de cette épreuve, témoigne que les enfants sont parfois envahis par des sentiments ambivalents, parfois contradictoires, à l’annonce du décès d'un bébé : de la tristesse, de la peur, de la colère, de la honte, du soulagement, de la culpabilité… Le pédopsychiatre Guy Cordier insiste sur la nécessité d’expliquer, de parler, de déculpabiliser : "Plus vite on lui permet d’exprimer ce qu’il pense, ce qu’il ressent, plus vite on empêchera ce sentiment de culpabilité de persister de manière enfouie, avec toutes les conséquences qu’une telle culpabilité peut générer. Exprimer ses sentiments sans être jugé, c’est ce qui est le plus soulageant ! Et il faut rappeler qu’un sentiment n’est ni bon ni mauvais, un sentiment n’a pas de valeur morale !"

Aider un enfant face à cette situation, c’est lui donner les moyens de traverser l’épreuve avec ses parents, de pouvoir exprimer librement ses émotions pour qu’il garde confiance en eux et dans la vie.

Un bout de chemin en famille, collection Spama, 5 euros
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