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L’expérience de l’ermitage, un luxe des temps modernes

HERMITAGE
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Louise Alméras - publié le 05/11/18
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Entre silence, solitude, lenteur et dépouillement, vivre l’essentiel peut paraître difficile. Pourtant, la vie en ermitage peut être libératrice.Un ermitage, dans la tradition chrétienne occidentale, est un lieu retiré du monde où vivent les ermites. Il en existe de nombreux en France, en montagne ou en forêt, en forme de cabane et dispersés dans la nature. Sans compter les communautés d’ermites comme la Grande Chartreuse, maison mère de l’Ordre des Chartreux. Selon l’étymologie grecque erêmitês, ermite signifie “retiré au désert”, ce qui ne saurait être plus éloquent.


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Il est aussi possible de partir en ermitage en guise de retraite spirituelle, pour se retrouver face à soi-même et à son Créateur, sans fuite et sans distraction. L’occasion de découvrir la place (parfois inutile) que peut prendre un smartphone… et tous ses parasites. C’est un appel à l’harmonie, à la transcendance et à la vie intérieure dont l’homme aura toujours besoin, malgré tous les “progrès” de la modernité. Certains y tiennent juste quelques heures, car il faut être prêt à affronter ses angoisses et l’état de sa vie, d’autres y restent jusqu’à une semaine ou un mois, surtout dans le cas d’un discernement. Expérience radicale de dépouillement, l’ermitage continue d’attirer les laïcs ou religieux en quête de vérité.

Devenir soi-même, quête impossible ou objectif spirituel ?

La vie en ermitage peut paraître une folie aux yeux de l’homme moderne s’il craint de développer son écoute, de retrouver son identité et d’accepter de prendre sa place à sa juste mesure. Il est possible d’avoir un accompagnement spirituel, à un rythme quotidien ou plus espacé, selon le besoin, afin de pouvoir échanger et progresser, mais ce n’est pas obligatoire. Pour le reste, le retraitant peut assister à l’eucharistie, travailler manuellement et se reposer. En règle générale, le silence emplit l’espace et creuse en profondeur, jusqu’à tomber sur soi… C’est alors que la sagesse de l’axiome “deviens ce que tu es”, qui peut paraître illusoire et semée d’embûches au lieu d’être claire comme de l’eau de roche, interpelle. Et se retirer du monde pendant quelques jours peut aider à répondre aux trois questions essentielles qui le composent : d’où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Cela ne va pas de soi et peut prendre du temps, qui ne sera jamais perdu. Ne pas y répondre, c’est rester dans l’obscurité et continuer d’errer.



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“La vie spirituelle consiste à voir les choses telles qu’elles sont et non à travers des verres teintés”, écrivait Anthony de Mello (1931-1987), prêtre jésuite indien. “Elle doit naître de toi-même. Plus tu seras toi-même, libéré de la programmation, plus ta vie sera spirituelle. Tu vis ta spiritualité quand tu n’es à la merci d’aucun événement, d’aucune chose, d’aucune personne. Quand, au contraire, tout cela t’affecte intérieurement, tu ne peux que réagir et c’est la preuve que tu n’es régi que par les paroles et les actes des autres et non par toi.” Ces conseils spirituels sont précieux pour mieux comprendre à quoi nous invite une expérience en ermitage, ou toute progression spirituelle, pour ne pas en avoir peur mais, au contraire, y trouver un chemin de vérité et de libération.

Qui pourrait se mettre entre Dieu et sa créature?

Dans le silence et le retrait du monde, la qualité de relation entre la nature, Dieu et soi-même prend toute sa mesure, même s’il est difficile de se laisser happer par elle et de laisser de côté ses pensées, ses désirs et autres tracas. La lutte est bien réelle mais elle n’est pas mauvaise, car l’unité est au bout du chemin et une véritable harmonie de l’être s’opère grâce au contact de celle de la Création. Bien mieux que ne pourrait le faire toute thérapie ou séance de méditation bien menée, le Seigneur veut donner la paix et la vie à quiconque Le cherche. Par la méditation des textes de la Bible, une voix nous parle quand même malgré la solitude. Et quelle voix, même si on ne la comprend pas toujours.


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Vivre dans le silence et dans la présence de Dieu, c’est comme se souvenir de sa propre valeur, toute simple mais bien réelle, sans comparaison ni défiance. Bientôt, c’est notre nom que l’on appelle et toute l’identité surgit. Comme l’écrit le père de Mello : “Le bonheur est permanent en toi, il est ton essence, ton état naturel, de même que l’amour est ton essence. Ce qui te fait souffrir, c’est l’attachement aux sentiments, aux choses, aux personnes”. Ce peut être aussi un attachement à une fausse image de soi et à des reliquats identitaires.

En effet, malgré tout ce qui peut parasiter l’âme, l’esprit et le cœur, malgré toutes leurs distorsions légères ou plus sévères, une même vérité, une même essence, un même ferment remontent à la surface au fil des jours. Où peut donc agir la grâce, qui a besoin de notre participation, si ce n’est dans le moment présent ? “La vie c’est aujourd’hui, mais tu dois être éveillé pour le savoir. Si tu es fixé à ton passé ou si tu espères un futur meilleur, tu es en train de perdre ta vie. Celui qui vit dans le passé, non seulement dort, mais il est mort, car le passé est déjà mort. Et celui qui vit en rêvant du futur est un égaré, un fou, car le futur n’existe pas”.

Après la vie au désert, le retraitant ne repart pas comme il était venu. Il est bien rare qu’aucun changement ne s’opère si le silence a pu pénétrer en lui. La voix, la vue, le cœur et l’ouïe sont tout autre, comme si cette vie naturelle, soumise à l’essentielle, permettait d’être créé à nouveau.

Découvrez en images l’ermitage du piton de Katskhi (Géorgie) juché à 40m de haut

 

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