Prolifique et pourtant méconnu, Nicolaï Greschny est un fresquiste estonien qui a décoré près d’une centaine d’églises françaises à partir de 1949 et jusqu’à sa mort, en 1985.Quel lien peut-il y avoir entre l’église Saint-André de Castanet, dans le Tarn, et la chapelle du Sacré-coeur, à Chirac en Lozère ? Entre la chapelle du complexe scolaire Stanislas de Cannes et le baptistère de l’église Saint-Jean de Castres ? Nicolaï Greschny ! Ce fils de diacre, né en Estonie en 1912, a perpétué en France une tradition familiale du XVIe siècle : la peinture d’icône.
De l’Estonie à La Maurinié
C’est l’arrivée de la Première Guerre mondiale qui le pousse à fuir sa Silésie natale. Après avoir sillonné une partie de l’Europe et étudié la théologie, Nicolaï Greschny s’installe dans le Tarn. « En 1948, j’ai réalisé mon rêve : acheter un morceau de terre et m’enraciner », déclare-t-il en 2013, devant la caméra de Vladimir Kozlov pour le documentaire Nicolaï Greschny, Les couleurs de la foi. Ce rêve d’enracinement, l’artiste le concrétise non loin d’Albi dans la commune de Marsal, au lieu dit La Maurinié.
Un artiste prolifique
Des ronces et de la décrépitude, Nicolaï Greschny va, année après année, faire naître sa maison, son atelier et la chapelle qu’il rêvait d’avoir depuis l’enfance : « J’ai été élevé dans le principe de toujours réaliser ce dont on rêve », a-t-il dit. Et son fils perpétue ce rêve en habitant encore aujourd’hui à La Maurinié.
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Elle perpétue une magnifique tradition millénaire
En parallèle, ce fresquiste et peintre d’icône, ce « catholique de rite byzantin » comme le qualifie son fils, Michaël, œuvre à la rénovation et à la mise en peinture de nombreuses églises du Sud-Ouest comme la chapelle Notre-Dame de Treize Pierres à Villefranche-de-Roueyre, la chapelle de l’archevêché d’Albi, Saint-André de Castanet, Notre-Dame de l’Assomption de Lacrouzette et d’Alban ou encore Saint-Privat à Carmaux… Il décore aussi des baptistères, des maisons particulières, réalise un triptyque pour l’église du Saint-Esprit de Montpellier et traîne ses pinceaux du côté de Marseille, au Mans, à Cannes, en Auvergne, en Lozère et dans le Limousin.
En tout, il réalise plus de cent œuvres dans 93 églises, représentant environ 10.000 m2 de fresques ! Parmi ses thèmes préférés, on retrouve ceux de l’Emmanuel et de la déisis auréolés de feuille d’or.
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Il ressuscite un instrument oublié : l’harmonium
Son œuvre prolifique est malgré tout peu connue aujourd’hui. « Mon père a fait tout cela à une époque où la peinture religieuse n’intéressait pas, explique Michaël Greschny. Il travaillait sur commande et la publicité se faisait de bouche à oreille. »
La relève
« Il avait peur que la tradition se perde. Mon père m’a mis sur un échafaudage quand j’avais 13 ans », se remémore Michaël. Depuis son décès en 1985, c’est lui qui a repris le flambeau familial. Il déclare qu’il n’a jamais eu de doute sur le travail qu’il voulait faire. En 1983, il exécute la dernière commande de son père alors qu’il n’a que 24 ans : « Ce n’est pas facile d’arriver derrière lui. C’est un métier qui demande une maturité spirituelle et j’aurais aimé en discuter avec lui ».
Dans son atelier, Michaël Greschny poursuit les stages ouverts au public que son père avait mis en place. Il perpétue, notamment, la peinture d’icône des Greschny. Quant à « Monsieur Nicolas », comme il était surnommé, il repose dans sa chapelle de La Maurinié, non loin de sa collection de bénitiers ornant les murs. Pour lui, elle était « un moyen de s’enraciner dans un pays étranger. Le bénitier est un élément essentiel du folklore religieux languedocien ». Mission accomplie : au-delà de son enracinement dans le Tarn, Nicolaï Greschny fait bel et bien parti du paysage artistique français.
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