“Obsèques”, “funérailles”, “enterrement” sont autant de mots que l’on ne souhaite plus entendre que contraints et forcés par les événements, ou bien le 2 novembre, jour de commémoration des fidèles défunts, au lendemain de la Toussaint. Et pourtant, au quotidien, nombreux sont les professionnels et personnes qui consacrent leur temps à l’accompagnement des familles qui connaissent un deuil.
Aujourd’hui, les gens n’osent plus regarder la mort en face. C’est le constat que fait le père Jean-Michel Albert, responsable de la pastorale des funérailles de Paris. “Avant, les gens vivaient avec, présente à leur esprit, la réalité de la mort. Aujourd’hui, avec les progrès de la médecine et l’illusion transhumaniste, beaucoup sont tentés de se voiler la face. On fait comme si on ne se posait pas la question de sa propre fin. La société est mal à l’aise avec la mort.” Il remarque qu’aborder ce sujet en société instaure un climat anxiogène, comme si on était superstitieux à l’idée, ne serait-ce que d’évoquer la question.
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Si on mourait autrefois dans les familles, aujourd’hui, cela se fait plus discrètement, à l’hôpital ; on met les enfants à l’écart des enterrements, comme pour leur cacher la vérité. Mais cette attitude ne ferait que repousser le problème, et accroîtrait le risque de choc, à l’adolescence ou à l’âge adulte. Face à la déchristianisation de la société, comment envisager le rôle de l’Église de nos jours ? “L’Église continue d’annoncer la résurrection. Son message n’a pas varié. C’est le rapport de nos contemporains à la mort qui a changé”, précise le père Albert. Au cours des messes d’enterrement, celui-ci observe régulièrement des personnes, parfois éloignées de la foi, touchées voire bouleversées par la liturgie et le message d’espérance véhiculé au cours de la célébration. “La liturgie leur parle d’une manière forte, aussi bien dans la forme qu’elle prend, que dans son contenu.”
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Au-delà de la baisse de la pratique religieuse, on observe des changements sociétaux dans la destination des cendres après la crémation. Certains demandent à ce qu’elles soient dispersées auprès d’un arbre aimé ou dans la mer. Dans le Midi, cette manière de faire est plus répandue que dans le reste de la France, – 35% de crémation, en moyenne nationale, contre plus de la moitié dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – et ce, pour plusieurs raisons, entre autres la proximité de la mer, et l’éloignement des proches.
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En effet, souvent, lorsque sonne l’heure de la retraite, certains déménagent dans le Sud pour couler de beaux jours, loin de leur berceau familial. Des déracinés volontaires, en quelque sorte. Ils renoncent à se faire construire une sépulture dans un lieu où personne ne viendra se recueillir sur leur tombe. C’est ce constat que fait Jérôme Bertrand, directeur pour le Var du Service catholique des funérailles du Var, une entreprise de pompes funèbres. Son rôle est d’accompagner les familles en deuil vers une solution appropriée, ou de conseiller les personnes qui se tournent vers lui pour anticiper leurs obsèques. “Parfois, certains peuvent changer d’avis après en avoir discuté en famille. Une dame qui souhaitait, pour des raisons économiques, opter pour la crémation, a changé d’opinion après en avoir parlé avec sa fille. Cette dernière lui disait qu’elle préférait amplement avoir un lieu où se recueillir plutôt qu’une simple boîte remplie de cendres. La mort d’un proche concerne directement ceux qui restent”, rappelle le professionnel.
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“Ma mort ne regarde que moi”, pourrait-on croire au premier abord, dans une société qui fait de l’individu le centre. Aliette Frangi, fondatrice d’Elicci, une entreprise qui propose la mise en relation de familles en deuil avec des musiciens pour les célébrations d’obsèques, met en garde contre cette dérive. “Mettre toutes ces questions sous le tapis, et bâcler un enterrement, c’est la meilleure garantie de ne jamais faire son deuil.” La jeune femme observe des tendances récentes, venues des États-Unis, chez des familles moins pratiquantes à recourir des services de gospel, voir du jazz. “La cérémonie leur paraît plus vivante, et plus directement tournées vers l’espoir”, explique-t-elle, même si ce phénomène reste très urbain.
En province, on préférera des cérémonies plus classiques, accompagnées par un instrument soliste, souvent violon ou violoncelle. Ce qui compte, en un mot, est que le défunt soit accompagné au cours d’une cérémonie qui soit à la fois digne et belle. Essentiel pour faire son deuil.
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