Découvrez ces expressions que nous utilisons depuis notre plus jeune âge. Certaines ont tellement imprégné notre culture qu’on ne soupçonne pas qu’elles puissent avoir une origine biblique.“La chair est faible” affirme Sganarelle dans L’École des Maris (Acte I v. 125) pour justifier l’extrême sévérité de l’éducation dispensée à sa pupille qu’il a l’intention d’épouser. “Je ne veux point porter de cornes”, confirme le tyrannique tuteur. Car si l’expression s’applique aux tentations de la vie en général, dont la boisson et la “bonne chère”, elle est plus fréquemment utilisée pour pointer la faiblesse humaine face à l’attrait des plaisirs sexuels. Souvent assimilé à la sensualité et la sexualité, le terme chair n’a pas toujours eu cette connotation comme le montre l’origine de cette expression, qui remonte aux premières heures de la Passion du Christ.
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Après la Cène, Jésus et onze de ses disciples se rendent dans le Jardin des Oliviers. Là, Jésus emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean puis s’isole pour prier, en proie à la frayeur et à l’angoisse, après leur avoir recommandé “Restez ici et veillez”. Mais à son retour, il trouve les trois apôtres assoupis : Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : “Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible.” (Mc 14, 37-38)
Dans son œuvre La tristesse du Christ, sur l’agonie du Christ au Jardin des Oliviers, saint Thomas More remarque que Jésus s’adresse à Pierre par son prénom Simon, peut-être comme une manière subtile de lui reprocher son assoupissement car en hébreu, Simon signifie attentif, obéissant, en l’occurrence, tout ce que Pierre n’est pas, lui qui, malgré les avertissements de Jésus, a baissé la garde et s’est endormi.
Mais au-delà du corps physique, prompt à céder au sommeil physiologique, la chair dont parle Jésus représente la nature humaine, la condition terrestre, par contraste avec le monde céleste de l’Esprit et de Dieu. La chair est ici à l’Esprit ce que le terrestre est au céleste, sans connotation péjorative. Cette condition humaine, Jésus l’a “partagée de façon similaire” (He 2, 14) pendant ses jours de vie terrestre, devenant un homme “véritable” de notre monde avec ses limites (“Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous” Jn 1 , 14).
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Pour saint Rémi, “le Sauveur prouve par ces paroles qu’il a pris une chair véritable dans le sein de la Vierge Marie, et qu’il a eu aussi une âme véritable, et c’est dans ce sens qu’il dit que son esprit est prompt pour souffrir, mais que sa chair faible appréhende les douleurs de sa passion”.
Mais cette chair fait de nous des êtres mortels : “si vous vivez selon la chair, vous allez mourir” écrit saint Paul (Rm 8, 9.11-13), certitude que tout être humain partage en ce monde ! L’Esprit ouvre toutefois un chemin nouveau : si l’homme est impuissant par lui-même à entrer dans le Royaume des Cieux, l’Esprit de Dieu qui habite en lui peut le réaliser : “Celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous”, poursuit saint Paul.
Voilà pourquoi les paroles de Jésus, son exhortation à la vigilance, nous invitent à nous tenir toujours prêts à accueillir la volonté de Dieu, à prier sans cesse pour nous élever vers plus de spiritualité, ne pas entrer en tentation et nous laisser vaincre par le sommeil spirituel.
Des similitudes avec la Transfiguration
Ce passage présente des similitudes avec celui de la Transfiguration. Jésus a pris à ses côtés Pierre, Jacques et Jean, les trois apôtres qu’il a déjà choisi d’amener avec lui sur le mont Thabor. Si l’épisode est rapporté par les trois évangélistes Luc, Matthieu et Marc, seul saint Luc précise que “Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil” (Lc 9, 28-36). Cependant, malgré leur fatigue, les apôtres restent éveillés et peuvent ainsi contempler “la gloire de Jésus” transfiguré.
Dans le jardin des Oliviers, en revanche, tous trois succombent au sommeil, laissant Jésus seul avec ses tourments. Et c’est à nouveau saint Luc qui les décrit “accablés” non pas de fatigue cette fois, bien qu’ils se soient endormis, mais “de tristesse” (Lc 22, 45).
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