Une étude suisse avance que les enfants nés par PMA présentent des problèmes cardio-vasculaires à long terme.Cela fait quarante ans que les scientifiques du monde entier discutent de savoir si les enfants conçus par fécondation in vitro (FIV) ont plus de risques de développer certaines maladies. Le premier d’entre eux, Louise Brown, est né le 25 juillet 1978, à l’hôpital Royal Oldham du Grand Manchester, en Angleterre. Même si l’on pensait que ce n’était pas le cas, étude après étude, il semble que les procédures et le matériel utilisé peuvent effectivement provoquer des changements épigénétiques, selon un article signé Alan Niederer le 7 septembre dernier sur Neue Zürcher Zeitung, sous le titre “La grande ombre de la fécondation artificielle”.
Recherche suisse
A l’origine des premiers constats, rappelle le journaliste, une étude suisse conduite par une équipe de cardiologues de l’Hôpital universitaire Inselspital, à Berne, et dirigée par le professeur Urs Scherrer, publiée en avril 2012 dans la revue Circulation. L’étude, révèle chez un groupe de 65 enfants sains issus de fécondation in vitro, un “vieillissement prématuré des vaisseaux sanguins”. Comparés aux enfants conçus de manière naturelle (57), ces enfants, âgés de 11 à 12 ans, présentaient des artères brachiales plus rigides et des carotides plus épaisses. Emmenés au Jungfraujoch – un col situé dans les Alpes bernoises à 3.471 mètres – la teneur réduite de l’oxygène dans l’air avait provoqué chez les “enfants FIV” une pression artérielle pulmonaire plus élevée que celle des autres enfants. La même que celle qui peut provoquer chez les alpinistes ce que l’on appelle un œdème pulmonaire “de haute altitude”.
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Pour le cardiologue suisse, Urs Scherrer, les résultats constatés uniquement chez les enfants issus d’une FIV – et absolument pas chez les autres – sont “potentiellement préoccupants“. Ce dysfonctionnement vasculaire, explique le cardiologue suisse, est dû au fait que les enfants ont été conçus à l’aide de techniques de procréation assistée (TPA), parmi lesquelles l’injection intracytoplasmatique de spermatozoïdes (ICSI).
Des études concordantes
Ce constat a été confirmé début septembre par une autre recherche menée par l’équipe du professeur Scherrer et publiée sur la revue Journal of the American College of Cardiology. L’étude se basait sur un échantillon de 97 jeunes d’environ 16 ans, dont plus de la moitié (soit 54) avaient déjà participé à la recherche précédente. Celle-ci confirme le dysfonctionnement vasculaire mais révèle également que tous les enfants issus d’une FIV, aujourd’hui plus grands, et apparemment en bonne santé, ont une tension artérielle supérieure à celle des 43 autres jeunes issus de conception naturelle du groupe témoin examiné. En moyenne : 119/71 mmHg contre 115/69.
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Plus encore, huit des adolescents nés sous technique de procréation assistée (ART) souffraient d’hypertension (plus de 130/80 mmHg), alors qu’un seul des participants du groupe témoin répondait aux critères de la pathologie. Un tel dépassement expose les gens à un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire, comme une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. Ce travail montre pour la première fois que la modification des vaisseaux sanguins entraine à long terme une hypertension significative chez les enfants ART. Selon le professeur Scherrer, cité par NZZ, “ceux qui souffrent déjà d’hypertension développeront des valeurs encore plus élevées”. “Il est de plus en plus évident que le traitement antirétroviral modifie les vaisseaux sanguins chez les enfants, mais les conséquences à long terme n’étaient pas connues”, indique le Dr Rexhaj, cité par le quotidien britannique The Telegraph. “Nous savons maintenant que cela place les enfants ART à un taux d’hypertension six fois plus élevé que les enfants conçus naturellement”.
Quelques réactions
Dans un éditorial accompagnant les résultats de l’étude dans le Journal of the American College of Cardiology, le Dr Larry Weinrauch, cardiologue au Mount Auburn Hospital de Cambridge (Etats-Unis) craint un problème encore plus important dans la mesure où l’étude suisse exclue les “jeunes FIV” nés d’une grossesse multiple ou dont la mère présentait quelque problème pendant sa grossesse, rapporte le Telegraph. “Nous devons être vigilants”, a-t-il exhorté.
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Pour le professeur Alastair Sutcliffe, de l’University College London, “une hirondelle ne fait pas le printemps”, en allusion au petit nombre de jeunes impliqués dans la recherche. Son confrère, le professeur Tom Fleming, professeur émérite de biologie du développement à l’Université de Southampton, rappelle quant à lui que “dans les premiers stades l’embryon est connu pour être sensible aux conditions environnementales qui peuvent modifier son développement”.
Pour le Dr Bruno Imthurn, directeur de la Clinique d’endocrinologie de la reproduction de l’Hôpital universitaire de Zurich, cité par NZZ, la relation de cause à effet entre la FIV et les problèmes de santé est complexe. Par exemple, les parents d’enfants conçus “en éprouvette” peuvent être tout simplement plus anxieux et, par conséquent, leur progéniture moins poussée à faire une activité physique.
Des risque de tumeurs
Néanmoins, selon une étude publiée dans le journal scientifique American Journal of Obstetrics & Gynecology, en avril 2017, les bébés nés de mères ayant subi des traitements contre la fertilité ont davantage de risque de développer des types variés de cancers et tumeurs pédiatriques.
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L’étude s’appuie sur l’analyse du parcours sanitaire de 242.187 enfants nés entre 1991 et 2013. Parmi eux, 2.603 (1,1 %) étaient issus d’une fécondation in vitro ; 1.721 (0,7%) étaient nés de traitements de déclenchement d’ovulation ; et tous les autres conçus de manière spontanée (237.863). Au cours de la période de suivi – un peu plus de dix ans – 1.498 néoplasmes (0,6%) ont été diagnostiqués, avec un taux d’incidence plus élevé parmi les enfants issus d’une FIV que chez les enfants conçus de façon naturelle : 1,5 sur 1 000, contre 0,59 sur 1 000.
Cette tendance a été confirmée par le Dr Maura Massimino, chef du département d’oncologie pédiatrique à l’Institut des Tumeurs de Milan. “Récemment, dans la fiche historique du patient, nous avons introduit une demande d’informations relative au mode de conception, s’il est naturel ou assisté”, confie-t-elle dans une interview accordée au quotidien italien Avvenire (décembre 2017). Ce sont des données sûres, mais on ne le dit pas aux futurs parents, précise l’oncologue. Elle admet n’avoir jamais rencontré “un couple conscient”. Ce sont plus souvent les grands-parents, selon elle, qui, ayant moins confiance en ces technologies, font le lien entre la maladie et la conception non naturelle”.
8 millions de FIV
La question de savoir si les personnes conçues grâce aux techniques de procréation assistée courent un plus grand risque de développer certaines maladies ou problèmes de santé au cours de leur vie, prend de plus en plus d’importance. 40 ans après la première fécondation in vitro donnant naissance à Louise Brown, aujourd’hui, ces personnes sont plus de 8 millions dans le monde, selon l’International Committee for Monitoring ART (ICMART). Le Dr David Adamson, secrétaire et trésorier de l’organisme, précise qu’au moins un demi-million d’enfants sont conçus par FIV ou ICSI chaque année.