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Une économie du cannabis est-elle en train de naître ?

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Paul De Maeyer - publié le 04/10/18
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La légalisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives au Canada et en Californie aiguise les appétits de Wall Street et de l’industrie pharmaceutique.Le cannabis est la drogue la plus consommée au monde. Selon le dernier rapport annuel de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), publié en juin, plus de 24 millions de personnes en font usage sur le Vieux Continent. Les trois quarts des consommateurs ont entre 15 et 34 ans. Et bien qu’il soit avéré que le cannabis créé une dépendance et nuise à la santé, il est devenu si populaire dans le monde que dans certains pays, il a été légalisé comme une “drogue récréative”.

De l’Uruguay au Canada

L’Uruguay est le premier pays à avoir légalisé la production et la vente de marijuana. C’était il y a près de cinq ans. Pour combattre le commerce illégal de cette drogue bien connue, le pays avait choisi de mettre en place un monopole d’État pour proposer du cannabis à des prix inférieurs et de meilleure qualité que celui issu du trafic.



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Le Canada l’a imité en juin dernier en approuvant à une nette majorité le projet de loi C-45 qui autorise à partir du 17 octobre prochain la consommation et la production de marijuana dans l’ensemble du pays. C’était une promesse électorale de l’actuel premier ministre Justin Trudeau. Et avec ce “oui” au cannabis, le Canada devient le premier pays membre du G20 et du G7 à ouvrir ses portes à la consommation récréative de la drogue (son utilisation médicale ou thérapeutique y était déjà autorisée depuis 2001, ndlr.)

Aux États-Unis, la législation varie en fonction des États. Dans neuf d’entre eux – Alaska, Californie, Colorado, Maine, Massachusetts, Nevada, Oregon, Vermont et Washington –  ainsi que dans le district de Columbia, la consommation récréative de cannabis est autorisée. Dans 30 autres États, la marijuana est permise à des fins thérapeutiques. Mais au niveau fédéral, elle reste illégale.

Alors que dans un seul État, le Vermont, la consommation a été autorisée par le parlement, dans d’autres États, la décision a été prise par référendum, comme en Californie, où en novembre 2016, le “oui” à la Proposition 64 (ou California Marijuana Legalization Initiative) a obtenu 57,13% des voix. Avec la Californie et le Canada, le quotidien espagnol El País estime que désormais 75 millions d’adultes vont avoir un accès légal à la consommation de marijuana.

La finance et les “Big Pharma”

Dans son article, El País met en particulier l’accent sur l’intérêt croissant que le monde de la finance et de l’industrie accorde à la marijuana. Selon le centre de consultation Arcview, il a été dépensé dans le monde 9,5 milliards de dollars en marijuana légale, en 2017, chiffre qui devrait grimper à 12,9 milliards en 2018 et 32 milliards en 2022. Et la récente décision de l’agence fédérale antidrogue (DEA) de classer l’Epidiolex® – premier médicament à base de cannabidiol purifié (CBD) un composant non psychoactif du Cannabis sativa (chanvre) approuvé en juin par la FDA (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) – dans l’annexe 5, la catégorie la moins restrictive de la Loi réglementant les substances contrôlées, c’est-à-dire les médicaments à risque minimal de dépendance, a fait monter en bourse (+ 6,2%) le fabricant, GW Pharma, rapporte le journal madrilène.


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Autre succès boursier, celui de la société canadienne Tilray, premier producteur de cannabis médical ou thérapeutique, coté au Nasdaq. La société, qui avait été introduite avec de actions à 17 dollars, dépasse aujourd’hui les 130 dollars par action. Même le secteur des boissons prend le train de la marijuana, ajoute El Pais. En effet, le géant Constellation Brands, qui contrôle et distribue Corona (bière) et Casa Noble (tequila), a annoncé en août sa décision d’investir 4 milliards de dollars dans la société canadienne Canopy Growth, active dans le secteur du cannabis. Coca-Cola pour sa part étudierait elle aussi le lancement de boissons à base de CBD qui remplacerait avantageusement le sucre.

Les effets secondaires de la légalisation

Le business légal du cannabis semble donc en plein essor. Mais paradoxalement, la légalisation de la marijuana a influé négativement sur la situation des personnes qui, dans l’État de l’Oregon, dépendent du cannabis pour traiter les symptômes des maladies dont ils souffrent. Dans cet Etat, qui fut l’un des premiers à légaliser l’usage de la marijuana à des fins thérapeutiques en 1998, il ne reste à ce jour que trois sociétés à avoir l’exclusivité de préparer de la marijuana médicinale. Et tandis qu’en 2016, l’Etat comptait 420 dispensaires où trouver de la marijuana médicale, il n’y en a aujourd’hui plus que huit. Et encore, les sociétés autorisées à la préparer ne sont plus en mesure de distribuer leurs produits sur l’ensemble du territoire a constaté le Guardian.

De nombreux producteurs ont en fait décidé d’abandonner le marché du cannabis médical pour un marché plus lucratif de la marijuana à usage récréatif. Cela signifie que de nombreux patients sont obligés de se tourner vers le marché noir, surtout s’ils ont besoin de préparations à forte teneur en THC, le principe psychoactif présent dans le cannabis. Il s’avère en effet que depuis que l’Oregon Health Authority a introduit de nouvelles mesures, les produits sur le marché légal sont trop fades pour ceux qui se sentent vraiment mal.



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Et le marché noir existe, même dans l’Oregon, et ce malgré la légalisation de la marijuana. Cette situation paradoxale est due à la surproduction de cannabis dans l’État. En février dernier, 1,1 million de livres de fleurs de cannabis ont été répertoriées dans la base de données de l’Oregon, soit trois fois la quantité achetée par les résidents de l’État en un an. Cela signifie, comme indiqué par le Guardian, que l’excédent disparaît du marché réglementé.

En effet, les divers producteurs de plantes de cannabis présent sur le territoire ne sont absolument pas contrôlés, comme en témoigne un contrôle interne effectué par l’Oregon Health Authority, qui gère le programme de la marijuana médicale dans l’État. Comme souligne le Seattle Times, sur plus de 20.000 cultures de marijuana médicales seulement 58 ont été inspectées en 2017.

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