Arnaud Beltrame, gendarme de France, sort aujourd'hui aux éditions du Rocher. Son auteur, Christophe Carichon, s'est livré à une enquête auprès de la famille et des amis du gendarme, afin de comprendre comment cet homme est devenu un héros.
Aleteia : Vous ne connaissiez pas personnellement le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame. Pourquoi avez-vous voulu raconter son histoire ?
Christophe Carichon : J'ai suivi la prise d'otage et sa fin tragique comme la plupart des Français, en suivant les informations. Ce sont les mots de la mère d'Arnaud Beltrame qui m'ont convaincu de m'intéresser au sujet. Interrogée sur une antenne de radio, elle avait commenté l'acte de son fils en expliquant qu'il avait agi en gendarme et en chrétien, et qu'il disait lui-même qu'il ne faisait que son travail. Cela m'a rappelé l'exigence du métier d'officier. J'ai commencé à tirer la pelote à partir de là, et le livre a pris forme. Je me suis rapproché de sa famille, puis de ses collègues et de ses amis, et j'ai bien été accueilli dans mes demandes. Mon statut d'officier m'a probablement aidé dans ces démarches.
Vous décrivez un personnage en quête spirituelle, qui a vécu un retournement de cœur alors qu'il avait la trentaine. Peut-on dire qu'il a changé à ce moment là ?
Effectivement autour de 2004, sa vie a basculé. Il était catholique de naissance, marié à l'Église, mais sa foi n'était probablement pas très personnelle. Cette année-là, il s'est rendu à l'abbaye Notre-Dame de Timadeuc et a rencontré le Frère Marc. On ne sait pas ce qu'ils s'y sont dit, puisque tous les deux sont morts depuis, mais l'exemple de ce frère Marc, qui avait été dans la résistance pendant la guerre, a certainement influencé le militaire. Il a vécu une période de questionnement profond, après 2004. Son mariage a été déclaré nul, il est entré dans la Grande Loge de France, tout en devenant, dans le même temps, un catholique pratiquant. Au sujet de son implication dans cette loge maçonnique, il y a été manifestement très actif, et je suppose qu'il ne connaissait pas la condamnation de l'Église à l'encontre de la Franc-Maçonnerie. Il a rapidement atteint le grade de Maître. Mais cela n'a pas duré, son activité allait en déclinant. Pourtant, il n'avait pas démissionné lors de sa mort en 2018. Qu'aurait-il fait, sa foi s'affirmant et alors qu'il était sur le point de contracter un mariage religieux ? On ne le saura jamais.
Le jour de l'attentat, il a montré un courage extraordinaire… Excessif ?
De toute évidence, il n'a pas respecté le protocole. En se portant otage volontaire, il savait qu'il prenait un gros risque, mais la situation dépassait ce qu'enseigne le manuel. Face à un islamiste qui était résolu à faire le plus de dégâts possibles, il a trouvé une solution pour protéger à la fois l’otage et ses hommes. En ce sens, on peut dire qu'il a emporté une victoire tactique. Ceci dit, ce n'est pas un "saint Maximilien Kolbe" ! Il y allait en tentant d'améliorer une situation tactique défavorable, espérant l'occasion d'obtenir une victoire totale, à savoir la neutralisation du terroriste et le sauvetage de l'otage, sans perte. Il avait les compétences requises pour se trouver à cet endroit, au cœur de l'action, il était extrêmement sportif et bien entrainé. Il avait accompli en 2005 une mission de sauvetage en Irak, pendant laquelle il avait exfiltré une ressortissante française. Bref, il n'avait rien de l'agneau qui va au sacrifice.
Vous en parlez comme d'un guerrier. Est-ce ainsi qu'il se définissait ?
Oui, dans toute sa vie, et jusque dans sa spiritualité puisqu'il avait une grande dévotion pour saint Michel. Il était conscient de vivre dans une situation de guerre contre l'islamisme. Cette guerre nous déconcerte, on a du mal à l'appeler comme telle, parce qu'elle ne ressemble à aucune autre. Mais il suffit de faire un peu d'histoire pour voir que c'est le propre des guerres de déconcerter et de sortir du cadre prévu ! Les services de renseignements français en prennent la mesure, et font un travail remarquable, comme le démontre le nombre des attentats qui sont déjoués. Mais pour gagner cette guerre, je crois que l'exemple d'Arnaud Beltrame peut pousser les Français à réagir.