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Le langage imagé des Pères du désert : la chasse aux souris (6/6)

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Mathilde de Robien - publié le 29/09/18
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Bien que retirés du monde, les Pères du désert ont transmis leur enseignement à de nombreux disciples qui venaient leur rendre visite, notamment à travers des anecdotes appelées apophtegmes. Leur stratégie de communication ? Employer un langage imagé, accessible et de fait encore très actuel.Les Pères du désert sont ces moines des premiers temps du christianisme qui, à partir de la fin du IIIème siècle, vivaient retirés du monde dans les déserts d’Égypte, de Palestine et de Syrie, seuls ou en groupe, dans le but de trouver un sens à leur vie et la paix intérieure, en pratiquant l’ascèse et la prière. Ils ont laissé en héritage des récits, appelés apophtegmes, qu’ils contaient à leurs disciples et visiteurs, afin de « soigner et sauver leur âme », pour reprendre les mots d’Antoine le Grand, le premier à s’être retiré dans le désert en 270. C’est ainsi que nous est parvenue cette parole d’un Ancien, comparant les pensées négatives à des souris infestant notre âme.

« Les mauvaises pensées, disait un ancien, sont comme des souris dans une maison. Si on les tue l’une après l’autre au fur et à mesure qu’elles y entrent, tout va bien. Mais si on attend que la maison en soit infestée, on aura toutes les peines du monde à les chasser. Et quand bien même y parviendrait-on, la maison serait dévastée. »

« Qu’elles demeurent, ou pas, en nous, fait partie de notre pouvoir »

Les mauvaises pensées, telles que la colère, la jalousie, la peur ou la haine, s’insinuent par les interstices de l’âme, et s’y installent si nous ne faisons rien pour les en déloger. Les Pères du désert aiment à rappeler que la naissance de ces émotions ne dépend pas de nous. En revanche, il est en notre pouvoir de leur résister. « Que les pensées nous troublent ou pas fait partie des choses qui ne dépendent pas de nous », écrivait Jean Damascène, dans son Discours utile à l’âme. « Mais qu’elles demeurent ou pas en nous, qu’elles suscitent les passions ou pas, fait partie de ce qui est en notre pouvoir ».

La chasse aux souris est donc ouverte. Le moine auteur de la métaphore insiste sur la nécessité de chasser les pensées négatives une par une, immédiatement, sans attendre qu’elles se prolifèrent et dévastent notre âme. Charge à nous d’observer, de discerner, tel un portier du cœur, les sentiments et les émotions qui nous assaillent, et d’agir. Évagre disait : « Sois attentif à toi-même, sois le portier de ton cœur et ne laisse aucune pensée y entrer sans l’interroger. »


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Mais on peut s’interroger : comment chasser la colère, la jalousie, la peur ou la haine qui nous animent parfois ? « L’important, souligne Anselm Grün dans ses Histoires de moines pour bien vivre (Salvator), est de nous y confronter. Nous ne pouvons pas tuer la haine, par exemple, mais nous pouvons la transformer pour qu’elle ne soit plus une pensée négative ». Derrière la haine, explique-t-il, il y a bien souvent le besoin de se protéger de quelqu’un qui se plaît à offenser, à faire mal. Chasser la haine revient donc à se concentrer sur la construction de remparts pour se protéger. De même chasser la jalousie, ou la colère, exige de prendre du recul, d’emprunter un chemin de purification des pensées qui nous troublent. La récompense à la clé est d’atteindre cet état appelé hesychia, que l’on peut traduire par tranquillité du cœur, calme, paix intérieure.

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