Découvrez ces expressions que nous utilisons depuis notre plus jeune âge. Certaines ont tellement imprégné notre culture qu’on ne soupçonne pas qu’elles puissent avoir une origine biblique.
Les lions dans la fosse étaient sans nourriture.
Captifs, ils rugissaient vers la grande nature …
Peut-être reconnaissez-vous le début des Lions, poème de la première série de La Légende des Siècles, l’œuvre magistrale de Victor Hugo, destinée à dépeindre l’épopée de l’humanité jusqu’à la fin des temps.
Le poème, comme l’expression “descendre dans la fosse aux lions“, est directement inspiré du Livre de Daniel (chapitres 6 et 14) dans l’Ancien Testament. Si aujourd’hui l’expression est à prendre au sens figuré et signifie affronter des adversaires redoutables, être confronté à un public hostile et sans pitié dans son jugement, à l’époque biblique, elle était à prendre au sens propre, les rois de Babylone gardant des lions dans des fosses pour y jeter les condamnés à mort.
C’est ce qui est arrivé deux fois ( !) à Daniel. Capturé et déporté à Babylone lors de la prise de Jérusalem en 605 av. J.-C., ce jeune membre de l’aristocratie judéenne est introduit à la cour du roi Nabuchodonosor II où il se distingue rapidement par sa sagesse. Impressionné par ses dons d’interprétation de visions et de songes, le roi le nomme préfet suprême de tous les sages de Babylone.
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Sa réputation est telle qu’elle lui permet de conserver son poste après la prise de Babylone par les Mèdes et les Perses en 539 av. J.-C., le roi Darius en fait même l’un des ses trois ministres.
L’intelligence et le dévouement de Daniel conduisent Darius à décider de l’élever à la tête de tout le royaume. Une décision qui n’est pas sans déplaire fortement aux deux autres ministres et aux satrapes (gouverneurs de province qui disposaient d’un pouvoir administratif et judiciaire très étendu et qui levaient les impôts). Poussés par la jalousie, ils décident de le prendre en faute. Entreprise ardue ! Daniel est “fidèle et on ne peut lui imputer ni négligence ni erreur“ (Dn 6:5). Ils imaginent alors de faire promulguer un décret qui interdit pour une durée de trente jours d’adresser des prières à aucun dieu, si ce n’est au roi. Toute personne qui transgressera l’édit sera jetée dans la fosse aux lions (Dn 6:8). Signé par le roi, qui ne se doute pas du stratagème, le décret devient irrévocable.
« Mon Dieu a fermé la gueule des lions »
Mais, fidèle à sa foi, Daniel continue de louer Dieu. Surpris par ceux qui ont comploté contre lui, il est déclaré coupable d’avoir violé la loi et condamné à subir le châtiment prévu. Au coucher du soleil, le roi, la mort dans l’âme mais pris au piège de sa décision, le fait donc jeter dans la fosse aux lions.
Angoissé par le sort de son ministre, Darius passe une nuit agitée et sans sommeil, et dès les premières lueurs se précipite à la fosse aux lions où il découvre avec une joie profonde que Daniel, protégé par Dieu, est sain et sauf :
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« Mon Dieu a envoyé son ange, qui a fermé la gueule des lions. Ils ne m’ont fait aucun mal, car j’avais été reconnu innocent devant lui ; et devant toi, ô roi, je n’avais rien fait de criminel ». (Dn 6:23)
Une fois Daniel sorti de la fosse, le roi y fait jeter ses accusateurs avec femmes et enfants où ils se font dévorer par les lions, victimes d’un châtiment qu’ils ont eux-mêmes provoqué.
Le dernier chapitre du livre rapporte un épisode similaire, cette fois sous le règne de Cyrus le Perse (Dn 14). Après que Daniel ait tué le grand serpent vénéré par les Babyloniens, ceux-ci menacent le roi de le tuer avec toute sa famille s’il ne leur livre pas le prophète. Sous la contrainte, le roi est forcé de s’exécuter et Daniel est à nouveau jeté dans la fosse aux lions ! Cette fois, il y reste six jours, sans rien à manger, avec sept lions eux aussi affamés. Mais l’ange du Seigneur lui fait porter un repas, par l’intermédiaire du prophète Habacuc. Le septième jour, lorsque Cyrus vient pleurer Daniel, il le retrouve indemne et, comme Darius avant lui, après avoir loué Dieu, il libère le prophète pour jeter à la place ses détracteurs dans la fosse.
Dans les deux cas, c’est la piété de Daniel, son refus de l’idolâtrie et sa fidélité à Dieu qui lui valent d’être jeté dans la fosse aux lions, mais aussi d’en ressortir sain et sauf.
« Sauve-moi de la gueule du lion »
Le lion est cité à de nombreuses reprises dans la Bible avec une image tantôt positive, tantôt négative. Emblème de la tribu de Juda, il est associé au Christ (Ap 5:5) et à la résurrection, il représente la royauté et la puissance de Dieu et son rugissement, la parole divine. C’est l’attribut de saint Marc dans le tétramorphe, le compagnon de saint Jérôme dans le désert, et le symbole de la force, l’une des quatre vertus cardinales.
Mais le lion est aussi l’emblème du diable (Si 27:10, 1Pi 5:8). Il incarne le mal par sa cruauté, « sauve-moi de la gueule du lion », implore le croyant dans le psaume 21, Samson et David le combattent victorieusement et le second livre de Samuel rapporte également un épisode au cours duquel Bénaya, l’un des compagnons de David, tue un lion dans une citerne (2Sa 23:20).