« Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples », nous dit l’Évangile de Matthieu. Depuis ses origines, l’Église a pour vocation d’annoncer l’Évangile. Asie, Amérique, Afrique, Europe… Chaque continent est terre de mission. Durant le mois d’août, Aleteia propose de vous montrer différents visages de missionnaires. Découvrez aujourd’hui le père Antonio Aurelio Fernández, prêtre trinitaire espagnol, qui œuvre pour la libération des captifs aux quatre coins du globe.Égypte, Soudan, Chine, Syrie… À 52 ans, le père Antonio Aurelio Fernández, trinitaire, parcourt la planète. Il est président du SIT (Solidarité Internationale Trinitaire), dont le siège est situé à Rome. Son ordre a été crée au XIIe siècle, à l’époque des croisades, afin de procéder au rachat des chrétiens captifs dans les prisons des Maures pour les rapatrier ensuite en Europe. « C’est notre vocation, nous avons été créés pour cela », explique l’Espagnol engagé.
Aujourd’hui, le SIT, en collaboration avec la famille trinitaire, vient en aide aux prisonniers de toutes sortes et défend les chrétiens persécutés. L’organisation prend en charge deux types de projets : ceux qui relèvent de l’urgence — dans des lieux où les trinitaires ne sont pas présents — et ceux au long cours, là où des missions préexistent. Les bénéficiaires des actions menées sont nombreux : enfants esclaves dans les plantations de thé à Assam (Inde), élèves chrétiens à Alep (Syrie), familles déplacées de Maiduguri (Nigeria)… Dans certains pays, les missionnaires peuvent œuvrer au grand jour. Ailleurs, ils sont obligés de se cacher et d’agir en secret.
Foi et liberté, le binôme inséparable
Le père Antonio Aurelio a grandi près de Cordoue, en Andalousie, dans un environnement catholique. Lorsqu’il était enfant, un couvent trinitaire se tenait près de la maison parentale. « À ce moment-là, je voulais avoir une famille, être normal », témoigne-t-il sans rodomontade. L’appel vient alors qu’il étudie à l’université. « J’avais envie de liberté et je me suis souvenu des trinitaires ». Car pour lui, foi et liberté sont intimement liés. « Les trinitaires, c’est l’ordre de la liberté, poursuit-il. Or, la liberté de l’Homme n’est pas de faire ce qu’il veut, mais de suivre les chemins du Seigneur. Celui qui connaît vraiment Dieu ne peut pas faire autre chose que le suivre ». L’Andalou a senti que sa liberté était d’accomplir la volonté de Dieu. Il est ordonné prêtre en 1995, à l’âge de 30 ans.
De 2000 à 2003, le religieux cordouan part au Caire. Là-bas, avec deux autres frères, il fonde une mission, qui constitue une base idéale pour se rendre au nord du Soudan (qui jouxte l’Égypte par le sud), où les religieux ne peuvent pas s’installer. En effet, le pays est déchiré par une guerre civile qui oppose le nord et le sud. Les Soudanais du nord sont en général de type arabe et musulmans, tandis que dans le sud du pays, les habitants sont noirs et majoritairement chrétiens et animistes. De nombreux sud-Soudanais, essentiellement des femmes et des enfants, victimes d’une traite esclavagiste, sont capturés et vendus comme esclaves dans le nord ou à l’extérieur du pays.
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Des enfants souvent orphelins
Depuis l’Égypte, le père Antonio Aurelio se met en mouvement pour libérer les enfants soudanais vendus par des marchands d’esclaves islamiques. Il crée une association de chrétiens soudanais, professeurs, prêtres ou médecins, avec lesquels il travaille étroitement. Il décrit la situation : « Nous avions des contacts dans le pays. Lorsqu’ils voyaient un groupe de mercenaires avec des femmes et des enfants, ils nous prévenaient. Nous entrions dans le pays en secret avec un avion privé que nous avions loué [les occidentaux n’ont pas le droit d’acheter des esclaves, ndlr] et, grâce à nos contacts, nous leur donnions rendez-vous afin de leur racheter les enfants [il faut compter environ 300 euros pour un garçon et 250 pour une fillette, ndlr]. Ensuite, nous essayions de retrouver les membres de leurs tribus si possible ». Dans la majorité des cas, cependant, ces enfants n’ont plus de famille car les soldats ont tué ou vendu leurs proches. Cependant, grâce à ses équipes et aux infrastructures dont elle dispose, l’organisation prend soin d’eux, les alimente, les soigne et les scolarise. Pour libérer les enfants, les membres de l’ordre ont aussi recours à la justice, mais la difficulté est de trouver des témoins.
De nombreuses zones persécutées
Le Cordouan quitte ensuite le Proche-Orient pour revenir en Europe, où il s’attache à trouver des fonds pour mener son combat. Il effectue différentes missions au service de l’ordre, avant d’être nommé président du SIT en 2015. Aujourd’hui, il sillonne le globe et récolte de l’argent pour ses missions. « Ce dont nous avons le plus besoin, confie-t-il avec conviction, c’est d’écoles pour enlever les enfants du monde de la rue ». Et de poursuivre infatigablement : « Nous sommes également présents en Syrie, en Irak, en Chine et dans d’autres pays du Golfe persique dont je ne peux pas révéler le nom. Nous restons en contact avec les églises locales. Dans certaines zones, il s’agit plus de persécutions que d’esclavagisme. À Qaraqosh, le village était complètement chrétien. Après l’invasion de Daesh, les habitants qui sont restés ont été traités comme des esclaves ». Il évoque Maaloula, un village à majorité chrétienne situé à 40 kilomètres au nord-est de Damas, en Syrie. Là-bas, on parle encore araméen dans la rue. En 2013, la petite cité est tombée aux mains des islamistes, qui l’ont dévastée, avant qu’elle ne soit libérée en avril 2014. Les frères trinitaires ont rejoint la population locale et l’ont aidée à rebâtir les maisons. En Chine, où la persécution est très forte, les prêtres sont obligés de se cacher pour célébrer la messe. « Nous sommes en contact avec l’AED, qui nous demande des informations sur la situation », confie-t-il.
« Leur foi est transparente »
Le Cordouan se livre : « La chose la plus difficile, c’est d’être toujours en contact avec la souffrance. Avant, les gens étaient bien. Puis la guerre est entrée dans leur vie. J’ai rencontré des personnes complètement détruites, aussi bien psychologiquement que physiquement ». Il partage également ses joies : « La chose la plus belle, confie-t-il avec admiration, c’est l’espérance. Les gens ne perdent pas la foi et continuent malgré tout à croire que Dieu les accompagne. Je reçois beaucoup là où je vais. En Europe, nous avons du goût pour l’étude et la réflexion. Là-bas, il n’y a pas besoin de démonstration de la présence de Dieu. Les personnes savent qu’il existe et que la fin de la vie sur terre n’est que le commencement de la vraie Vie. Leur foi est transparente, évidente et profonde ».
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