Chaque samedi, un groupe de jeunes étudiants et professionnels parisiens se rend à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Accompagnés par le père Bertrand et Annie, aumôniers à Fleury-Mérogis, ils partagent avec les détenus un moment privilégié. Une expérience de pauvreté et de simplicité.Les contrôles de sécurité, les tourniquets à la file, les longs couloirs silencieux : pour pénétrer dans le plus grand centre pénitentiaire d’Europe, le petit groupe qui se surnomme les “Mac Fleury” doit montrer patte blanche. Composée d’une douzaine de jeunes et guidée par le père Bertrand, aumônier de Fleury-Mérogis depuis six ans, la bande vient rejoindre les détenus dans leur lieu de vie pour animer la messe et partager un moment avec eux. Une guitare, quelques partitions et des feuilles de messe sont leur seul bagage tandis qu’ils traversent, quelque peu impressionnés, les méandres de la prison, jusqu’à la salle polycultuelle dédiée à la célébration de l’eucharistie.
“La beauté fait du bien”
En peu de temps, le grand espace blanc et sans âme se transforme en chapelle animée. Sur l’estrade, deux tréteaux et une planche font office d’autel, orné d’une nappe confectionnée par les détenus eux-mêmes. On y voit apparaître en pagaille les mots “paix”, “joie”, “amour”, “pardon”. “Nous plantons un décor sobre pour ne pas les perdre, mais cela doit être beau, car la beauté fait du bien”, explique le père Bertrand. Pour les jeunes, la rencontre avec les détenus est quelque peu intimidante. “La première fois, on ne sait pas à quoi s’attendre, confie Madeleine, étudiante de 21 ans. On se demande si les prisonniers ont des têtes de caïds ou s’ils ne vont pas ricaner en écoutant nos chants”, se remémore-t-elle en souriant.
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Quand l’heure sonne, les prisonniers arrivent enfin, au compte goutte, l’allure nonchalante, introduits par les surveillants. Ils sont une quarantaine à pouvoir assister à la messe, certains ont choisi de sacrifier la promenade quotidienne pour être là. Au premier rang, quelques mineurs regardent avec de grands yeux celui ou celle qui, tant bien que mal, tente d’apprendre à l’assemblée les chants choisis pour l’occasion. “Un des plus grands moments de solitude de ma vie”, confie l’un des jeunes en riant, se remémorant les voix rauques des détenus qui n’ont pas l’habitude de chanter dans une église.
Jeunes et détenus, “tous nus devant Dieu”
Lorsque le père Bertrand fait le signe de croix et récite les premières paroles de la célébration, le recueillement se fait dans la petite assemblée. “On est alors tous à poil devant Dieu : chacun avec ses blessures, ses faiblesses et ses combats intérieurs, témoigne le prêtre. Cela nous réapprend l’essentiel sur nous-mêmes et le sens de la Miséricorde”. Les lectures et le psaume prennent une dimension toute particulière dans la bouche des prisonniers. À la prière universelle, les intentions de prières sont celles des détenus eux-mêmes, rédigées sur des bouts de papier. “Seigneur Dieu, protégez ma famille, faites qu’ils ne manquent de rien”, peut-on entendre, ou bien : “Pour mes proches, pour les intervenants qui passent leur temps avec nous ce matin, pour ceux qui sortent dans peu de temps”.
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La bénédiction donnée, jeunes et prisonniers ont alors un peu de temps pour échanger, discuter de choses et d’autres. “C’est très simple et convivial, raconte Madeleine. On parle de leur pays d’origine, de leur famille, de ce qu’ils aimeraient faire dans la vie. Certains nous questionnent sur notre foi. Ils nous disent que la prison fait réfléchir”. D’autre blaguent timidement, ou s’essayent à la guitare. Quand l’heure vient pour les détenus de rejoindre leur cellule, le curé et sa bande de jeunes, en quittant la prison, savent que ce samedi après-midi leur a rappelé l’essentiel : ils ne sont pas aimés de Dieu pour ce qu’ils ont fait, mais parce qu’ils sont ses enfants, appelés à offrir ce qu’ils sont et non ce qu’ils rêveraient d’être.
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