Sœur Benedict Fernandopulle est morte cette année, après une vie consacrée à ses concitoyens de toutes origines et de toutes religions. Malgré sa leucémie et ses 79 ans, elle continuait sa mission avec courage, défendant la dignité des plus pauvres de ce pays. Sage-femme, infirmière, sœur Benedict Fernandopullea fondé le centre médical de Suhada Sevana, à Wennappuwa, à l’Ouest du Sri Lanka. L’une de ses consœurs, Helen Lambert, rappelle l’énergie indomptable de la sœur, pilier de la communauté salvatorienne, prise dans la tourmente de la guerre civile srilankaise.
Sœurs en guerre
Les sœurs salvatoriennes ou sœurs du Divin Sauveur se dédient au soin des malades et à l’enseignement. Au Sri Lanka, elles ont fait face à l’extrême pauvreté du pays, aggravée par le conflit entre le gouvernement Sri lankais dominé par les Bouddhistes et la guérilla des “Tigres”, majoritairement Hindouistes, qui souhaitaient établir un état indépendant. De 1983 à 2009, le pays a été secoué par les combats qui opposaient ces deux ethnies, et menaçait la liberté religieuse. Les années de guerre firent 70 000 morts et 140 000 disparus.
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En tant que communauté appartenant à une “religion étrangère”, les sœurs salvatoriennes étaient fréquemment menacées par des forces pro-gouvernementales. Elles avaient par ailleurs le tort, à leurs yeux, de dénoncer publiquement les enlèvements et les exécutions expéditives que menaient ces milices dans leur lutte contre les “Tigres”. Sœur Benedict Fernandopulle elle-même a reçu des visites de miliciens, qui n’hésitaient pas à la menacer de leurs armes. Elle n’a pas changé son attitude pour autant, et ne craignait pas de se rendre dans les zones de conflits pour dispenser des soins aux blessés.
Diététique et médecine locale
Elle était aussi appréciée pour une facette moins héroïque de sa vie bien remplie : la sœur s’intéressait aux médecines traditionnelles sri lankaises. Elle cultivait des plantes médicinales, et encourageait les paysans à employer des techniques agricoles alternatives, plutôt que les fertilisants artificiels, se souvient sœur Lambert.
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Elle est morte le 17 juin 2018, sa figure est associée au combat des sœurs pour soutenir les plus pauvres, et pour que les communautés religieuses du pays vivent dans la concorde. Elle était au côté du père Michael Rodrigo lorsque celui-ci fut exécuté en pleine messe, le 10 novembre 1987. Ce prêtre, ancien bouddhiste converti au christianisme, tentait d’établir avec son aide un dialogue entre sa religion de naissance et sa religion d’adoption. Il affirmait qu’il fallait être prêt à mourir pour son peuple, si l’heure venait “Jésus est mort à l’âge de 33 ans parce qu’il était dévoué à son peuple”, aimait-il rappeler. Il avait une devise que Benedict Fernandopulle semble avoir appliquée consciencieusement : “Quoi que tu fasses, demande toi en quoi cela aide à faire venir le Royaume”.