Le couple aussi a son burn-out : épuisement, découragement, difficultés à communiquer, manque d’envie de moments partagés, exaspération… Pourtant, outre son travail et l’éducation des enfants, le couple reçoit l’injonction de réussir sa vie à deux. Comment vivre sous cette pression ? Comment se traduit l’épuisement conjugal ? Comment en sortir ? Aleteia a interrogé Marie-Aude Binet, conseillère conjugale et sexologue.Aleteia : Comment caractérisez-vous le burn-out conjugal ?
Marie-Aude Binet : Les conjoints sont épuisés, le couple aussi. Ils ne partagent plus de plaisir, cumulent les frustrations, s’ennuient… Homme ou femme peuvent ressentir des symptômes similaires, même si c’est souvent la femme qui alerte la première du malaise. L’homme a plus de mal à entendre la difficulté et met la réflexion de sa compagne sur le compte du caprice féminin. L’épuisement vient du fait de prévenir à plusieurs reprises sans qu’aucune réaction s’en suive. Philippe et Christine, parents d’un enfant handicapé, ont ressenti cet épuisement. Complètement accaparés par leur fils, ils se sont sentis piégés et se sont laissés submerger. Dans mes consultations, je constate souvent cet épuisement chez les personnes mises en couple jeunes ou pour celles qui ont eu des enfants rapprochés. Au bout d’une dizaine d’années de vie commune, elles ont besoin de trouver un nouveau souffle.
Les couples sont-ils conscients de ce burn-out ?
Non, pas toujours et c’est là le danger. L’un des conjoints dit : « Je n’ai plus la force » et l’autre ne l’entend pas ou ne le comprend pas. Parfois, un désir de séparation peut naître comme s’imposant comme l’ultime solution. Mais il vaut mieux consacrer son énergie à sauver son couple qu’à le casser ! Caroline sentait depuis plusieurs années que son couple n’allait pas bien. Elle demandait à son mari des actes d’attention. Mais rien ne venait car ce dernier était tétanisé. Il était incapable de répondre aux demandes de sa femme.
Quels sont les différents clignotants de l’épuisement du couple ?
Il sont nombreux : diminution ou perte du sentiment amoureux, fuite, baisse du désir sexuel, addictions, émergence d’une irritabilité répétitive, vision négative du quotidien. Julie, par exemple, se sentait triste. Elle qui était de nature joyeuse, ne souriait plus. Il lui arrivait d’exploser de colère. Quant à Bruno, il a constaté la difficulté d’écouter sa femme et de se confier à elle. Il y a toujours des décalages entre les conjoints, chacun avançant à son rythme. Mais quand ce décalage est trop grand, quand l’un a l’impression de porter seul le couple, d’avoir toujours l’initiative d’une ballade, d’une conversation, d’une escapade à deux, d’un rapport sexuel, la relation s’épuise. François a eu des difficultés dans son travail. Il en a parlé à sa femme, mais elle n’a pas compris l’importance de la difficulté. Là est le décalage, fait d’attentes non abouties, de malentendus accumulés. Parfois, l’un des conjoints peut connaître des répercussions physiques à cette situation : cancer, dépression, eczéma, maux de dos, troubles du sommeil ou de l’appétit…
Que faire si de tels symptômes sont constatés ?
Même si l’envie de prendre un moment à deux est absente, il est nécessaire de la provoquer, de se forcer. Ainsi, il faut arrêter de se trouver des excuses (famille, travail, engagement associatif, paroisse, travaux, argent…) pour éviter de se retrouver tous les deux. Nicolas et France ont commencé par aller marcher tous les deux, même s’ils n’en avaient pas envie. Ils ne se parlaient pas nécessairement et n’abordaient pas les sujets de conflit. Puis c’était un cinéma, juste pour passer un moment agréable ensemble. Homme et femme n’ont pas les mêmes rythmes biologiques. Il est indispensable que chacun ait son compte de sommeil, des moments de détente, des temps de solitude. Camille, notamment, a eu besoin de partir seule une semaine pour prendre du recul. Il faut accepter d’avancer par de tout petits pas : se dire bonjour et bonsoir, poser sa main sur le bras de l’autre par exemple et surtout ne pas trop attendre de l’autre. Lui montrer qu’on n’a pas délaissé le couple. Rassurez-vous, les conjoints dans une situation d’épuisement depuis moins d’un an rebondissent. Ils trouvent souvent eux-mêmes les moyens de changer leurs habitudes. Si la situation est plus ancienne et qu’existe chez les conjoints la volonté de surmonter cet épuisement, l’aide d’un thérapeute pourra être précieuse.
Quels conseils donneriez-vous pour les vacances ?
Ne pas hésiter à confier ses enfants (ou ses parents dépendants) au moins le temps d’une soirée ou d’une journée à deux afin de partager des moments de plaisir. Remettre la tendresse à l’honneur et s’échanger des gestes simples. S’octroyer de vrais temps de repos : sieste, lecture, ballade… Échanger des paroles positives et valorisantes et éviter les propos destructeurs. La prière et le sacrement de réconciliation peuvent pour cela apporter une grande aide. Reconnaître ses difficultés conjugales et en parler à une personne de confiance. L’été est aussi propice à une réflexion à propos de la rentrée : combien de soirées disposons-nous vraiment pour être tous les deux ? En reprenant son agenda de l’année écoulée, compter les conduites, les réunions paroissiales, le sport… voir ce qui a débordé et prendre les résolutions en conséquence avant la rentrée.