Nombre de cérémonies liturgiques en hausse, thèmes des audiences, documents magistériels : en 2018, le pontificat semble mettre davantage l’accent sur le primat de la grâce plutôt que sur l’action humaine, en interne à l’Eglise mais aussi en externe.Dans cette cinquième année de pontificat, la ligne de force spirituelle se confirme et s’accentue, au vu notamment de la nette augmentation du nombre de cérémonies pontificales. Il n’existe pas de comptabilité précise à ce sujet, mais la tendance à dépasser le rythme de croisière du calendrier liturgique habituel est confirmée, en interne, par le surcroît de travail du Bureau des célébrations liturgiques…
De même, les thèmes des audiences générales du mercredi sont un bon indicateur. Après les œuvres de miséricorde, plus tournées vers l’action, puis l’espérance, thématique assez générale, les audiences se sont orientées à partir de novembre dernier sur les fondamentaux. Les sacrements – avec l’eucharistie, le baptême et la confirmation – puis désormais les commandements. La messe “n’est pas un spectacle“, rappelait ainsi le pape François en ouverture de ce nouveau cycle, demandant à bannir téléphones et autres appareils photo pour laisser place à “ la rencontre avec le Seigneur“.
Souci de la formation du clergé et des religieuses
Témoin également de cette inflexion : le nombre de documents magistériels qui révèlent le souci de la formation des consacrés et des fidèles, dans le sens d’un équilibre humain et d’une plus grande radicalité spirituelle. En 2018, cela aura été le cas pour les universités catholiques et les religieuses, après les futurs prêtres, fin 2016.
Le 15 mai dernier est publiée l’instruction Cor orans, sorte de décret d’application de la nouvelle constitution apostolique sur la vie contemplative féminine – Vultum Dei quaerere (2016). Elle réaffirme notamment la spécificité de la clôture, à côté de considérations sur le regroupement des monastères en fédérations, devenu quasiment obligatoire.
C’est aussi le cas, encore plus récemment, pour l’instruction Ecclesiae sponsae imago dédiée aux Vierges consacrées. Avec ce texte, une vocation spécifiquement féminine est mise en valeur, a expliqué le 4 juillet Mgr José Rodriguez Carballo, secrétaire de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostoliques. Elle permet aussi d’affiner la conscience que l’Eglise est “l’épouse du Christ“.
Retrouver une fécondité
Toujours du côté des femmes, le souci des âmes du successeur de Pierre s’est exprimé en 2018 par l’instauration d’une nouvelle fête mariale : celle de Marie Mère de l’Eglise, pour le lundi de Pentecôte. Dans une homélie à Sainte-Marthe, le pape François soulignait son souhait d’accentuer le caractère “maternel“ de l’Eglise, source de fécondité.
C’est également cette intention qui est manifestée par la troisième lettre apostolique du pape François, Gaudete et exsultate, sur la “sainteté“. L’objectif affiché de ce document très accessible est d’encourager les fidèles à la perfection chrétienne “dans les petites choses du quotidien“.
Prier pour les chrétiens persécutés
Significatif ad intra, cette sorte d’évolution du pontificat se remarque également ad extra, sur les sujets profanes ou à caractère plus politique.
Ce qui restera ainsi de la rencontre de Bari, le 7 juillet dernier, c’est l’image du pape, entouré de quasiment tous les patriarches des Eglises orientales, dénonçant “l’indifférence“ des grandes puissances face au drame des chrétiens persécutés au Moyen-Orient. Mais aussi, et peut-être surtout, l’image de chefs chrétiens unis – c’était une première à ce niveau – et priant ensemble pour “devenir des instruments de la paix qui vient d’en-haut“.
Si l’évêque de Rome avait déjà organisé une veillée de prière pour la Syrie en 2013, ce parti-pris spirituel pour aborder les grandes questions d’actualité s’est renforcé chez le Souverain pontife. Cela a été le cas le 23 novembre 2017, lors d’une autre veillée de prière à la basilique Saint-Pierre, pour la paix au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC). Il avait alors souligné la force de la prière pour enrayer les “massacres“.
Le 19 de ce même mois, le pape présidait une messe dans la basilique papale, à l’occasion de la Journée mondiale des pauvres, instaurée dans le prolongement du Jubilé de la Miséricorde. Conformément à ce qu’il déclarait au début de son pontificat : “l’Eglise n’est pas une ONG“.
L’accompagnement spirituel des migrants
Sur les migrants également, préoccupation constante du chef de l’Eglise catholique, le ton de ses discours du début 2018 a pris un tour spirituel plus marqué. Comme lors de la messe célébrée pour la 104e Journée mondiale du migrant et du réfugié, le 14 janvier. Le pape indiquait que cette question constituait une “nouvelle frontière missionnaire“ pour l’Eglise. C’est-à-dire une occasion privilégiée d’annoncer Jésus Christ et son Evangile sans se déplacer de son propre environnement.
Cette messe était d’ailleurs une nouveauté au calendrier des célébrations du Souverain pontife. De même que celle célébrée “pour les migrants” le 6 juillet à l’autel de la Chaire de la basilique vaticane. Il s’agissait alors de commémorer le 5e anniversaire du déplacement papal sur l’île de Lampedusa.
Dans son Message pour la paix du 1er janvier 2018, le pontife appelait déjà à porter un “regard contemplatif“ sur les migrants, et à les considérer comme membres de l’unique famille humaine, image de la Jérusalem céleste dont les portes sont toujours ouvertes.
Lors de la fête de sainte Françoise-Xavière Cabrini, fondatrice des religieuses du Sacré-Cœur de Jésus (1850-1917) et déclarée sainte patronne des migrants, il affirmait dèjà que cette derniére était une vraie missionnaire : non pas simplement car elle s’est dévouée aux migrants, mais surtout parce qu’elle a su voir qu’ils ont besoin de Dieu.