L’écrivain s’interroge sur le sens de la fête nationale d’un peuple privé de transcendance.« Fraternité d’arme sous l’uniforme : l’engagement d’une vie. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que le thème retenu pour le prochain défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées ne brille pas par son côté disruptif, comme on dit ces temps-ci.
« Fraternité d’armes » : on aurait pu imaginer exactement le même slogan en 1897, sous Félix Faure, ou sous Paul Doumer en 1931, ou même pourquoi pas en 1910, sous Armand Fallière, pour citer trois de nos présidents de la République parmi les moins répréhensibles, dotés en sus de ces rassurantes barbiches qui firent tant pour l’adhésion de la nation au régime. Gageons que notre prochain président sera barbu et raccommodera le pays. Et qu’il aimera les défilés. Il sera populaire.
Une transgression organisée
Mais ce n’est pas mon propos. Que voulons-nous commémorer, nous autres Français, le 14 juillet ? La prise de la Bastille ? La fête de la Fédération ? Oui, sans doute. Mais surtout nous voulons célébrer le paradoxe absolu, celui de la transgression imposée. Le 14 juillet est fondé sur une injonction : soyez heureux !
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Une fois par an, avec ou sans coupe du monde de football, nous voilà sommés de nous célébrer nous-mêmes. Il n’en faut pas plus pour me donner le cafard. Le 14 juillet est une transgression organisée, ou plutôt bricolée avec les moyens du bord, qui sont ceux de la laïcité. C’est pourquoi il y a dans notre fête nationale quelque chose de bas de gamme et de désespéré qui, au-delà de cette France populaire fantasmée, accompagnée d’accordéon et de petit vin blanc, de chansons gentilles et de flirts autorisés, nous mets en face de nous-mêmes et nous rappelle que notre culture est devenue un folklore et notre civilisation un esprit de province.
La France du 14 juillet est souriante, mais elle sourit comme le Lacédémonien sous la morsure du renard. Elle est joyeuse, mais elle n’a pas vaincu le monde. Elle est libre, mais sous le regard des parents. Elle nous tend un impitoyable miroir, à nous qui avons tant vieilli.
L’autre fête nationale
La laïcité a bien des vertus, elle évite bien des catastrophes, mais elle n’a jamais créé de lien social. Célébration républicaine castrée de toute transcendance, le 14 juillet prétend mettre le monde à la merci de nos pauvres petites histoires.
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Allons, j’ose l’écrire : je préfère l’autre fête nationale, la fête jamais abrogée, la fête rêveuse et familiale, qui est celle du 15 août. Dans la mélancolie des grandes vacances qui commencent à s’approcher de leur fin, de ces journées qui sont un peu moins longues, de ces cousins qui bientôt vont repartir à Paris, il y avait l’Assomption de la Vierge Marie, grande fête commencée par la messe et poursuivie par du théâtre et des jeux. Comme nous nous sentions Français ce jour-là, sous la protection de Notre Dame !