Le 17 août 1861, Julie-Victoire Daubié devient la première femme française a obtenir son baccalauréat.Née en 1824 à Bains-les-Bains dans les Vosges, Julie-Victoire Daubié est issue d’une famille modeste. Son père, qu’elle voit disparaître alors qu’elle n’est âgée que de 20 mois, était commis caissier de la manufacture royale de fer blanc de la ville. Très tôt touchée par la condition ouvrière et désireuse de s’émanciper, elle décide à l’âge de 20 ans de passer le certificat de capacité afin de devenir enseignante. En 1859, elle participe même au concours de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Et contre toute attente, elle obtient le premier prix. Sa réponse à la question du concours est même publiée sous le titre de La Femme pauvre au XIXe siècle, par une femme pauvre. Le signe d’un futur prometteur ?
À 37 ans, elle décide de passer le bac
Son tempérament volontaire la pousse à aller encore plus loin. Elle veut passer le bac ! À cette époque, rien n’interdit aux femmes de s’inscrire à l’examen mais aucune n’a jamais osé sauter le pas. Les études restent, dans la mentalité collective, un domaine réservé aux hommes. Encouragée et aidée par son frère prêtre, elle étudie sans relâche, mettant un zèle particulier à l’apprentissage du grec et du latin, matières indispensables pour passer l’examen.
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Aidée par François Barthélemy Arlès-Dufour, industriel lyonnais influent dans les milieux académiques et qui admire la jeune femme depuis son succès au concours de Lyon en 1859, elle s’inscrit à l’Université de Lyon. Le 17 août 1861 c’est le grand jour, Julie-Victoire obtient son baccalauréat malgré les réticences d’un jury exclusivement masculin. Les examinateurs lui attribuent six boules rouges (abstention), trois boules blanches (avis favorable) et une boule noire (avis défavorable). À 37 ans, elle devient ainsi la première femme française a obtenir ce précieux examen, porte d’entrée aux études supérieures.
Le 23 août, dans Salut public, Francisque Bouillier, le doyen de la faculté de Lyon, déclare : “Aujourd’hui, par son exemple, elle ouvre une voie nouvelle aux femmes, plus nombreuses qu’on ne le pense, qui, comme elle, ont reçu en partage la force de la volonté et les dons de l’intelligence. Il en est plusieurs, nous en avons l’assurance, qui suivrons avec succès cet exemple excellent.”
Une société encore récalcitrante
Mais malgré ce formidable succès, la société continue de voir cette réussite d’un mauvais œil, notamment Gustave Roulant, ministre de l’Instruction qui refuse de signer son diplôme. Or sans ce précieux papier, Julie-Victoire ne peut accéder à l’Université et obtenir une licence de lettres. Son protecteur François Barthélemy Arlès-Dufour intervient alors directement auprès de l’impératrice Eugénie et, en 1862, elle reçoit enfin son précieux papier signé. Toujours aussi volontaire, Julie-Victoire prépare alors sa licence bien qu’elle n’ait pas le droit d’accéder aux cours, réservés uniquement aux hommes. Elle parvient tout de même à l’obtenir en 1872. La même année, elle fonde l’association pour l’émancipation progressive de la femme.
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Ambitieuse, elle prépare un doctorat sur le thème La condition de la femme dans la société romaine, mais meurt prématurément de la tuberculose à l’âge de 50 ans. Julie-Victoire Daubié, qui aura consacré sa vie à l’émancipation des femmes, n’aura pas vu le résultat de toutes ses luttes mais aura ouvert la voix pour le droit à l’instruction de toutes les femmes. “L’interdiction pour la femme de puiser l’instruction aux mêmes sources que l’homme est en outre une négation de nos théories d’égalité civile qui établit un antagonisme déplorable entre nos principes et nos mœurs”, déclarait-elle dans son livre La femme pauvre au XIXe siècle, 1866.