Les 28 dirigeants de l’Union européenne sont parvenus à s’accorder sur le dossier migratoire dans la nuit de jeudi à vendredi après plusieurs heures de discussions. Si l’Italie a exigé des engagements concrets, l’accord comporte encore de nombreuses zones d’ombres.Après un regain de tension ces dernières semaines sur la question migratoire, les dirigeants de l’UE se sont félicités vendredi d’un accord sur ce dossier brûlant. Mais constitue-t-il une vraie percée ou seulement un effet d’annonce pour apaiser les esprits ?
Que contient cet accord ?
Giuseppe Conte, chef du gouvernement italien, s’est félicité de la reconnaissance du « principe selon lequel qui arrive en Italie, arrive en Europe », ce qui sous-entend une mobilisation de l’Union dans son ensemble. Dans le détail, les chefs d’État se sont accordés sur un « contrôle plus efficace des frontières de l’Union européenne », la création de « plateformes de débarquement » de migrants en dehors du territoire européen (au nord de l’Afrique plutôt qu’au sud de l’Europe) afin de limiter le nombre de candidats au départ, la mise en place d’un système de « centres contrôlés » où seraient débarqués et accueillis les migrants et réfugiés secourus près des côtes libyennes et le renforcement des frontières extérieure avec une hausse des aides à destination de l’Afrique du Nord et de la Turquie. Les 28 pays ont ainsi convenu de débloquer la seconde tranche de 3 milliards d’euros du fonds pour aider les réfugiés en Turquie et d’alimenter le fonds de l’Union pour l’Afrique afin de lutter contre les causes des migrations. Enfin, les gouvernements européens vont continuer à travailler sur une réforme de la convention de Dublin.
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Y a-t-il des points à éclaircir ?
Oui, et ils sont nombreux. Si ce compromis pose des principes de « responsabilité » et de « solidarité », il souligne également que sa mise en œuvre se fera sur la base du volontariat. C’est donc sur cette même base du volontariat que vont être créés les fameux « centres contrôlés ». Et, pour le moment, les candidats ne sont pas nombreux. Si le gouvernent italien se félicite de « ne plus être seule », la question de savoir quels pays seront volontaires demeure. Concernant les plateformes de débarquement dans les pays tiers, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a déjà fait savoir ce jeudi que son pays rejetait l’idée de tels centres d’accueil hors de l’Union. Le président albanais s’y est également fermement opposé. Un point de vue partagé par la Libye : Ahmed Meitig, vice-premier ministre du pays, a opposé un « refus catégorique [à] l’installation de camps pour migrants » en Libye. Même son de cloche pour la Tunisie qui « n’abritera jamais de camps de migrants », a indiqué Khemaïes Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères tunisien. Sur le renforcement des frontières extérieures, le détail des aides n’a pas été clairement communiqué. Concernant la renégociation du règlement de Dublin, le Conseil européen a laconiquement souligné qu’un « consensus doit être trouvé pour qu’il soit réformé sur la base d’un équilibre entre responsabilité et solidarité ». Un rapport sur l’état d’avancement des réflexions a été commandé pour le mois d’octobre.
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Comment évolue la situation migratoire en Union européenne ?
Depuis 2015, la situation migratoire aux frontières de l’Europe a profondément changé. En 2015, Frontex répertoriait ainsi 1.822.177 franchissements illégaux aux frontières européennes contre 204.734 en 2017 et à peine 20 090 cette année. En parallèle, contrairement aux idées reçues, les passages illégaux proviennent de moins en moins de la Méditerranée centrale (où les migrants tentent la traversée depuis la Libye). Jusqu’en 2017, c’était la principale route empruntée par les migrants pour atteindre les côtes européennes via l’Italie. Mais, depuis un an, le nombre de passages illégaux baisse : au total, 13.450 migrants ont été détectés par Frontex depuis le début de l’année, soit une chute de 77% par rapport à l’année précédente à la même période. De la même manière les arrivées de migrants par « la route des Balkans » ont faibli en 2016 après la conclusion de l’accord avec la Turquie. Toutefois, Frontex relève actuellement l’émergence de nouvelles routes secondaires via l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine ainsi que la Serbie à la Bosnie. A contrario, la route de la « Méditerranée orientale », qui passe par la frontière turque, a connu une hausse importante en début d’année. Frontex a détecté 19.800 passages ces cinq premiers mois, soit 90% d’augmentation par rapport à l’année dernière à la même période.
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