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Que cachent les crédits sociaux introduits par la Chine ?

CREDIT SCORE
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Paul De Maeyer - publié le 27/06/18
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Une gigantesque base de données sur les faits et gestes de la population permet à la Chine de mesurer le degré de “fiabilité” de chaque citoyen. Une réalité qui pourrait s’étendre au reste du monde, grâce aux géants de la tech.Dans des pays occidentaux comme le Royaume-Uni et les États-Unis, il existe ce qu’on appelle le Credit Score, un mécanisme qui révèle la solvabilité d’une personne et permet donc aux institutions financières d’évaluer si un client a la capacité, ou non, de rembourser ses crédits. Mais ce que la Chine prépare est bien plus grand – n’oublions pas que le géant asiatique compte actuellement plus de 1,4 milliard d’habitants – et bien plus vaste : la mise en place d’un système de notation sociale ou Social Credit System, qui devrait devenir obligatoire à partir de 2020.


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L’ambitieux projet, annoncé en 2014 par le Conseil d’État, consiste à monter une énorme base de données sur toutes les activités des citoyens pour évaluer leur “fiabilité” et leurs comportements à bien agir, les uns par rapport aux autres. Sa mise en place a déjà commencé. Depuis le 1 mai, jour de la fête des travailleurs, tout Chinois ayant une mauvaise «note sociale» sera inscrit sur une liste noire l’empêchant d’acheter des billets de train ou d’avion pour une période qui peut durer jusqu’à un an, rapporte Le Figaro, en citant deux communiqués publiés par la Commission nationale de développement de la réforme.

Une fois installé, ce système de notation sociale ne se limitera pas aux seuls individus mais évaluera également les fonctionnaires et toutes les personnes qui travaillent dans des fonctions juridiques, y compris les institutions et sociétés. L’objectif est de renforcer “la sincérité dans les affaires gouvernementales, commerciales, sociales et la construction d’une crédibilité judiciaire”, affirme Wired.

Le modèle Sesame Credit

Le mécanisme de notation sociale existe déjà en Chine au niveau des entreprises. En 2015, Pékin a en effet autorisé huit entreprises privées à développer ces systèmes. Parmi eux, le groupe Ant Financial Services (AFSG, filiale du géant chinois en commerce électronique Alibaba) qui a lancé cette même année le système de notation « sésame » ou Sesame Credit. Ce dernier tient compte de divers facteurs ou éléments, comme la ponctualité du paiement des factures et le type d’achats effectués en ligne. “Par exemple, quelqu’un qui joue à des jeux vidéo dix heures par jour ne sera pas bien jugé”, souligne Li Yingyun, le directeur chargé de la technologie de Sesame, cité par Wired Italy.


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Un score élevé peut être très avantageux pour les 400 millions d’utilisateurs de la plate-forme. Dans une tentative de réduire les longues listes d’attente, un hôpital universitaire de Shanghai offre aux utilisateurs d’Alibaba qui ont obtenu plus de 650 points, un bonus de 1.000 yuan, l’équivalent de 135 euros, ce qui qui leur permet d’aller voir un médecin sans avoir à faire la queue pour payer, rapporte le site Wired UK.

Alors que pour s’inscrire au très populaire shooter game Counter Strike Global Offensive Shooter, il est demandé sa carte d’identité mais aussi sa Sesame Credit, le site Zhenai.com – qui est le site de rencontre en ligne le plus important de Chine avec environ 140 millions d’utilisateurs inscrits – offre à ses membres ayant un score élevé une meilleure visibilité sur son site.

Ceux qui y perdent

En 2015, la Cour populaire suprême de la République populaire de Chine a commencé à collaborer avec Sesame Credit. Cette dernière retire des points aux utilisateurs qui ne paient pas leurs amendes ou leurs factures. “Nous devons récompenser ceux qui tiennent parole et punir ceux qui ne tiennent pas leurs promesses”, justifie Chen Wenjin, un haut dirigeant de Ant Financial, au China Daily.


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Finir sur la liste noire et recevoir une mauvaise note sur Sesame est un coup dur pour de nombreux citoyens chinois en retard de paiement. Comme par exemple cet homme qui un matin a appelé, désespéré, le tribunal populaire du comté de Songyang (province de Zhejiang), pour demander qu’on le retire de la liste noire dès que possible parce qu’il avait payé la facture médicale qu’il devait.

En août dernier, le tribunal populaire du district de Shunqing (Sichuan) a mis les citoyens insolvables au pilori. Quiconque tentait d’appeler une de ces personnes, recevait d’abord un message préenregistré lui annonçant que telle personne a fini dans la liste rouge de la cour parce qu’elle n’a pas payé ses dettes. “Parents et amis des débiteurs sont prévenus de leur manque de crédibilité, ce qui met la pression sur les débiteurs”, explique Xi Tao de la Shunqing District Court. Les tribunaux des provinces de Hubei, Henan et Jiangsu ont pris des mesures similaires, selon le China Daily,

D’après les calculs de Business Insider, le système de notation sociale a privé des millions de citoyens chinois d’avion ou de train à grande vitesse pour voyager. Ceux qui se retrouvent sur la liste noire publiée sur la page Internet de la Cour suprême du peuple ne peuvent pas non plus réserver dans un hôtel quatre ou cinq étoiles, envoyer leurs enfants dans des écoles privées exclusives ou acheter des produits de luxe sur internet.

Un modèle pour le reste du monde ?

Selon Flora Sapio, membre du conseil de direction de la Foundation for Law & International Affairs (FLIA) à Washington DC (USA), citée par Pagina99, “S’il est correctement mis en œuvre, ce crédit social peut aider à améliorer le marché et permettre un meilleur contrôle sur les comportements incorrects des citoyens et des entreprises”. Position partagée par la présidente et fondatrice de FLIA, Zhu Shaoming. Elle est convaincue que “lorsque le système sera défini et accepté, il deviendra un modèle pour le reste du monde”.


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Pour le chercheur et sinologue belge de l’Université de Leyde, aux Pays-Bas, Rogier Creemers, l’objectif principal du système n’est pas de réprimer des dissidents – l’État chinois dispose déjà de nombreux outils pour cela, observe-t-il – mais de “mieux gérer l’ordre social, en laissant le Parti fermement aux commandes”.

En même temps, cette inquiétude est légitime. On peut en effet craindre que ce système de crédit social puisse aboutir à un “autoritarisme soutenu par la technologie” comme on n’en a jamais vu, affirme Charles Rollet sur Wired UK. Celui-ci se souvient d’un journaliste indépendant qui n’a pas pu acheter de billets d’avion, à cause de cela. Selon l’auteur, le système de notation sociale est utilisé abusivement, pour réprimer ce que les autorités chinoises ont l’habitude d’appeler les “organisations sociales illégales”. Le ministère des Affaires civiles a déjà annoncé qu’il prendrait des mesures pour inclure dans la liste noire les personnes impliquées dans de telles organisations.

“Un État totalitaire obsédé par les listes”

Comme soulignent Attanasio Ghezzi et Gennari Santori sur Pagina99, en fin de compte le système de crédit social n’est pas nouveau “pour un État totalitaire obsédé par les listes”. Cela rappelle le dang’an, le dossier qui permettait au parti communiste de suivre le comportement de ses citoyens. Et n’oublions pas que la police chinoise utilise déjà des lunettes de reconnaissance faciale.

Tout cela se passe actuellement en Chine, “mais nous sommes loin d’en être exempté en Occident”, prévient la sinologue Katika Kühnreich, citée par Le Figaro. Il suffit de penser à la surveillance des utilisateurs d’Amazon ou à la masse d’informations récoltée par l’Agence américaine pour la Sécurité Nationale (NSA). Et Google n’en est pas moins. Pour contrôler les achats hors ligne effectués par environ 70% des cartes de crédit actives sur le sol américain, le géant Mountain View a conclu des accords avec des sociétés étrangères.

L’aspiration ultime des gros bonnets de la Silicon Valley – Apple, Google, Amazon et Facebook – est l’omniscience, souligne Pagina99. “Pour y parvenir, ils doivent être omniprésents dans nos vies et monopoliser les processus présents sur les réseaux”, poursuit l’article. Comme dit le proverbe : “Un homme averti en vaut deux !”.


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