Et si l’éducation n’était pas seulement une affaire de famille et d’école ? Délégué général du think tank “Vers le haut”, dédié aux jeunes et à l’éducation, Marc Vannesson détaille pour Aleteia la place que doit prendre l’entreprise dans l’éducation et la formation. « Les entreprises se posent depuis peu la question de savoir quelle planète nous laisserons à nos enfants ; il est désormais temps aussi de se poser la question des enfants que nous laisserons à la planète », affirme avec vigueur Marc Vannesson, délégué général du think tankVers le haut. Alors que le groupe de réflexion vient de publier son premier manifeste dédié à la responsabilité éducative des entreprises, Marc Vannesson revient pour Aleteia sur la manière dont les entreprises doivent se mobiliser pour participer à la réussite des jeunes.
Aleteia : Vers le haut vient de présenter son premier rapport sur la responsabilité éducative des entreprises. D’où est partie votre réflexion ?
Marc Vannesson : Le point de départ de notre réflexion a été le baromètre Jeunesse et Confiance que nous publions chaque année. D’après ce document, seul un chef d’entreprise sur cinq considère que le système éducatif est adapté aux réalités du monde du travail. Du côté des jeunes, seuls 29% estiment que les entreprises leur font suffisamment confiance. Cette distance entre les jeunes et l’entreprise cause de nombreux problèmes tels qu’une mauvaise orientation, un taux de chômage élevé, un — mauvais — discernement des talents et des compétences ou encore l’insatisfaction que certains peuvent ressentir dans leurs premiers emplois. En parallèle, le manque de talents disponibles s’impose comme le cinquième sujet de préoccupation majeure pour les dirigeants d’entreprise. 1,5 million de salariés hautement qualifiés pourraient ainsi manquer d’ici à 2030, révèle une étude du cabinet de conseil Korn Ferry. Cette situation pourrait entrainer une perte de revenus de 175 milliards d’euros pour l’économie française et mettre au chômage 1,7 million de salariés; faute d’un niveau de formation adéquat.
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Quel lien faites-vous entre l’éducation et l’entreprise ?
Les entreprises sont attendues dans le domaine éducatif. Sur les onze acteurs testés dans notre baromètre (collectivités locales, parlement, fédérations de parents d’élève, syndicats d’enseignants, mouvements de jeunesse…), ce sont les entreprises qui sont le plus souvent citées comme n’étant pas assez impliquées dans le système éducatif français. C’est un constat partagé par 61% des 16-25 ans et 62% des parents.
Les entreprises sont quand même relativement présente dans l’éducation et la formation…
Bien sûr ! Il existe beaucoup d’initiatives portées par des entreprises de toute taille et de tout secteur, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de fondations. Mais ces actions ne sont pas coordonnées, elles ne s’inscrivent pas dans une vision stratégique de long terme. L’articulation entre le monde de l’entreprise et le monde de l’éducation n’est pas pensé. Il n’est pas pensé du côté de l’éducation où l’entreprise est perçue au mieux comme un vague partenaire, au pire comme un ennemi mais il ne l’est pas non plus du côté de l’entreprise qui n’a pas de vision stratégique à ce sujet.
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Que proposez-vous ?
Nous souhaitons que les acteurs du monde économique se dotent d’une vision stratégique avec des plans d’actions cohérents, des objectifs précis et des indicateurs afin de mesurer l’impact éducatif des entreprises. Dans notre manifeste nous avons ainsi dégagés dix points d’impact potentiels que l’on peut répartir en trois grandes catégories. La première est le rôle de l’entreprise à travers son cœur de métier : leur production, que ce soit des biens ou des services, a-elle un impact positif sur l’éducation ? Quel est l’impact de leur communication sur les jeunes générations ? Le second levier est le rôle de l’entreprise comme employeur : comment aider les jeunes à connaitre les métiers et à choisir leur orientation ? Comment favoriser l’employabilité et l’ascension sociale de salariés ? Comment aider mes salariés à mieux assumer leur responsabilité de parents ? Quels sont les moyens mis en place par l’entreprise pour former les salariés de demain ? Enfin, la dernière catégorie est le rôle de l’entreprise dans son engagement au service de l’intérêt général : comment l’entreprise participe-t-elle à la transmission des savoirs dans son domaine d’expertise ? Quel est l’engagement de l’entreprise dans le mécénat financier et dans le mécénat de compétence ?
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Concrètement comment les entreprises peuvent-elles évaluer leur impact dans le domaine éducatif ?
L’idée n’est absolument pas d’imposer de nouvelles contraintes aux entreprises qui en ont déjà beaucoup ! Mais il s’agit de les inciter à communiquer, par exemple, sur le nombre de stagiaires de troisième qu’elles accueillent, le taux de mobilité interne ou encore la part de formation reçue par chaque salarié. Nous proposons qu’elles rendent compte publiquement de leur impact éducatif dans leurs bilans sociaux. Beaucoup d’entreprises se lancent là-dedans un peu contraintes car elles ont un souci de recrutement, d’autres s’y intéressent par conviction… dans tous les cas cette implication est un moteur qui développe la mobilisation des salariés. Aujourd’hui les entreprises sont en pleine réflexion sur leur objet social et leur implication dans le champ éducatif redonne du sens pour les salariés, cela rouvre des perspectives. Avec cette responsabilité éducative on peut à nouveau parler de croissance mais de croissance humaine, de développement humain effectif. La responsabilité éducative est un magnifique levier qui redonne du sens à l’entreprise en tant qu’aventure humaine.