Malgré la multiplication des attaques visant spécifiquement les prêtres philippins, la Conférence des évêques de l’archipel rejette l’idée d’armer le clergé.Bien que 92% des Philippins soient chrétiens, les prêtres n’y sont plus en sécurité. Le 10 juin, le père Richmond Villaflor Nilo, du diocèse de Cabanatuan, au nord de l’archipel, a été assassiné juste avant la messe dominicale. C’est le deuxième en deux semaines, et le quatrième en six mois.
Des prêtres gênants pour le pouvoir
Prêtre des Missions étrangères de Paris,Michel de Gigord accuse le gouvernement Duterte d’être responsable de cette flambée de violence. Selon lui, ces prêtres sont assassinés parce qu’ils dérangent des projets miniers ou agricoles et qu’ils prennent position pour la population locale. D’une façon générale, il dénonce l’action du président : “Il fait un mal fou à ce pays”, en faisant régner une ambiance d’impunité à l’égard des criminels.
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Le président de la Conférence des évêques des Philippines, Mgr Sofronio Bancud craint manifestement que l’assassinat du 10 juin ne soit pas convenablement résolu. Il demande qu’une justice “rapide, indépendante et impartiale” soit appliquée à l’encontre des assassins. Les déclarations du chef de la police locale, Oscar Albayalde, ne sont pas faites pour le rassurer. Ce dernier affirme que les meurtres récents de prêtres sont de simples crimes crapuleux, qui ne sont pas liés les uns aux autres.
Comme des agneaux au milieu des loups
Devant la double menace des assassins et de la corruption des institutions, des voix s’élèvent aux Philippines pour encourager les prêtres à s’armer. Ils en ont le droit, selon la législation philippine. Elle prévoit en effet que les membres du clergé, à l’instar d’autres professions à risques, comme les avocats ou les journalistes, peuvent disposer d’une arme à feu, après un simple test psychiatrique et une analyse prouvant l’absence de toxicomanie.
Mais cette proposition est rejetée en bloc par la Conférence des évêques des Philippines. Ceux-ci refusent d’entrer dans la logique de la justice privée, instituée par le président Duterte. À en croire ce dernier, il serait capable d’éradiquer les cartels de drogues, en employant des méthodes expéditives, quitte à dédouaner les policiers, ou même les milices privées, qui abattent des dealers.
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À contrepied de cette logique de confrontation brutale, Mgr Arturo Bastes, évêque de Sorsogon rappelle que “le prêtre doit trouver sa protection auprès des anges, et non des armes”. Quant à l’évêque de Lipa, il affirme de son côté que la société a besoin d’être moins armée, et que les prêtres doivent prendre part à ce désarmement. “En tant que prêtres, nous ne devons pas craindre le danger. Si nos concitoyens, et en particulier les pauvres, sont exposés au danger, nous ne pouvons pas l’être moins qu’eux !”
Face aux armes : jeûne et abstinence
L’archidiocèse décrète une journée de réparation le 18 juin. Les prêtres célèbreront la messe en étole violette. Le clergé et les fidèles vivront une journée de deuil et d’abstinence, les cloches sonneront pendant quinze minutes, à 6 heures du soir, pour commémorer le moment auquel le frère Richmond Nilo a été tué. L’archevêque local, Mgr Socrates Villegas demande aux fidèles, à cette occasion d’implorer la grâce de Dieu pour qu’elle touche le président Duterte, afin qu’il arrête de s’en prendre verbalement à l’Église : “De telles attaques peuvent encourager inconsciemment plus de crimes contre les prêtres”, dénonce-t-il.