L’Agence américaine pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) met en garde contre une hausse alarmante des suicides dans tout le pays. La forte augmentation du nombre de suicides aux États-Unis est préoccupante. Le dernier rapport Vital Signs publié par l’Agence américaine pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le 7 juin dernier, tire la sonnette d’alarme.
Rien qu’en 2016 près de 45.000 personnes sont mortes par suicide aux États-Unis, un chiffre considérable si on compare au nombre d’habitants de villes françaises comme Blois ou Saint-Malo. Cela signifie qu’environ 16 Américains sur 100.000 se suicideront, souligne la BBC. Le suicide est également la dixième cause de décès aux États-Unis et même la deuxième chez les personnes de 15 à 34 ans, relève pour sa part le Washington Post.
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Le rapport montre que dans la moitié des États américains, le taux de suicide a augmenté de plus de 30% entre 1999 et 2016 — c’est-à-dire en moins de deux décennies, contre 25,4% au niveau national. À quelques exceptions près, pratiquement tous ces États se trouvent dans le Midwest (ouest et centre-ouest du pays). La plupart, mais pas exclusivement, sont des États ruraux encore aux prises avec l’impact de la dernière récession, par ailleurs touchés par un autre fléau, les opioïdes, et où les gens souffrent d’isolement, explique à la BBC Deborah Stone, l’auteur principale de cette enquête.
Des hausses spectaculaires
L’augmentation sans doute la plus spectaculaire est enregistrée dans l’État du Dakota du Nord : 57,6%. Les autres pays particulièrement touchés sont le Vermont (48,6%), le New Hampshire (48,3%), l’Utah (46,5%), le Kansas (45%), le Dakota du Sud (44,5%), l’Idaho (43,2%) et le Minnesota (40,6%). Cette augmentation est plus faible dans des États comme le Texas (18,9%), l’Arizona (17,3%), la Géorgie (16,2%), la Californie (14,8%) — le plus peuplé des États-Unis avec environ 40 millions d’habitants — et la Floride (10,6%). Le seul État où le taux de suicides a diminué, même si cette diminution est minime, c’est le Nevada (baisse de 1%), où le pourcentage reste supérieur à la moyenne nationale.
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Autre élément important dans ces nouvelles statistiques, le fait que dans la majorité des cas — environ 54% — les personnes ont mis fin à leur vie sans donner signe de préméditation, en ce sens qu’elles ne semblaient pas souffrir de dépression ou d’une autre maladie psychique. Dans ce groupe de personnes, la différence entre les hommes et les femmes est très importante : 84% des hommes contre 16% des femmes. Chez ceux et celles qui ont un trouble mental décelé, cette différence entre les sexes est moins marquée : 69% des hommes contre 31% des femmes.
Deux tiers de tous les décès par arme à feu
Aux États-Unis, le suicide n’est « pas seulement un problème de santé mentale », souligne Deborah Stone sur le site de la National Public Radio (NPR) (NPR) — organe indépendant à but non lucratif qui rassemble plus de 900 stations de radio réparties sur l’ensemble du territoire américain — il y a beaucoup de circonstances et de facteurs différents » qui y contribuent, ajoute la spécialiste du comportement au CDC. En tête nous trouvons par exemple les problèmes « relationnels » (42%), suivi de l’abus de substances problématiques (28%). Puis nous trouvons les problèmes de santé (22%), les difficultés financières et/ou professionnelles (16%) ou la perte de son domicile (4%). « Que fait notre nation pour aider les gens à gérer ces choses ? », interpelle Christine Moutier, la directrice sanitaire de l’American Foundation of Suicide. Oui, « parce que tout le monde peut vivre ces stress. N’importe qui. », souligne-t-elle sur le Washington Post.
Concernant la méthode utilisée, il est frappant de constater que les personnes sans troubles mentaux décelés sont plus susceptibles d’utiliser une arme à feu pour commettre leur geste (55%). Plus d’un quart (soit 27%) choisissent la mort par étouffement, tandis que 10% se suicident en avalant une substance mortelle. 8% ont recours à d’autres méthodes. Parmi les personnes atteintes d’un trouble mental reconnu, 41% ont choisi l’arme à feu, 31% l’étouffement et 20% l’empoisonnement. Pour Michael Anestis, psychologue à l’Université du Mississippi du Sud, auteur du livre Guns and Suicide : An American Epidemic, il est clair que “le suicide américain est principalement un problème d’armes à feu”, affirme-t-il au NPR. À noter en effet que les suicides ne représentent pas moins des deux tiers de tous les décès par arme à feu aux États-Unis.
Le défi de la prévention
Des “chiffres inquiétants”, confie Anne Suchat au Washington Post. Pour la directrice adjointe en chef de l’agence fédérale, “le caractère diffus de cette hausse dans tous les États sauf un, est le signe d’un problème national qui affecte effectivement la plupart des communautés”. Lui fait écho l’ex présidente de l’American Psychological Association, Nadine Kaslow, inquiète de voir cette hausse grimper en flèche. “Le suicide est une crise sanitaire”, estime-t-elle, “un problème de santé publique”.
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Les résultats de l’enquête réalisée par le CDC mettent donc les autorités américaines, tant nationales que locales, face à un défi majeur qui est celui de la prévention. Un rapport comme celui-ci, commente Robert Gebbia, le directeur de l’American Foundation for Suicide Prevention, « attire réellement l’attention sur le fait qu’il faut vraiment faire beaucoup plus pour prévenir le suicide et sauver des vies ». Mais ce ne sera pas facile, et pas seulement par manque de fonds. « Nos systèmes de santé mentale sont en difficulté dans tout le pays », déclare à la BBC Julie Cerel, la présidente de l’American Association of Suicidology et professeur universitaire dans le Kentucky. En terme de formation professionnelle dans ce secteur — reconnaît-elle — “on n’est pas très au fait”. En effet, comme le rappelle la station britannique, à l’heure actuelle, seuls dix États (sur 50) exigent des professionnels de la santé une formation à la prévention du suicide.
Le rapport de l’Agence américaine pour le contrôle et la prévention des maladies est tombé entre deux événements qui ont secoué le pays : les suicides de la créatrice de mode Kate Spade (le 5 juin) et du célèbre chef étoilé Anthony Bourdain (8 juin). La styliste, 55 ans, a été retrouvée pendue dans son appartement new-yorkais, de même que le célèbre chef cuisinier, 61 ans, dans la chambre de son hôtel près de Strasbourg, en Alsace. Un autre suicide avait choqué les américains, mais pas seulement, celui de l’acteur Robin Williams, en août 2014.
Paul de Maeyer