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Des détenus en route vers Compostelle

SANTIAGO COMPOSTEL
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Domitille Farret d'Astiès - publié le 01/06/18
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Du 4 au 15 juin 2018, six prisonniers de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas marcheront sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, entre Le Puy en Velay et Conques. Ce projet, initié par l’aumônerie catholique de l’établissement, en est à sa troisième édition. “Mon pari, c’est qu’on ne marche pas 200 kilomètres sans qu’il ne se passe des choses”, confie Bruno Lachnitt, aumônier de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas. Diacre et père de famille, il propose depuis trois ans aux détenus qu’il visite de participer à un pèlerinage sur les routes de Saint-Jacques de Compostelle.

“Il s’agit d’une vraie marche. Ce n’est pas évident pour des personnes qui n’ont pas d’entraînement”, souligne cet homme engagé. Car ce chemin singulier n’est pas proposé comme un temps à caractère religieux, mais plutôt comme une expérience propice à un travail sur soi. “La règle est claire : si l’un des détenus abandonne en cours de route, l’ensemble du groupe arrête avec lui”, précise-t-il. Une règle exigeante, mais qui participe à un bel élan de solidarité au sein du groupe. “Cela fait partie des ingrédients du projet”, affirme-t-il.

“J’ai vu des changements radicaux”

Les permissions des prisonniers sont habituellement de trois jours. Le pèlerinage durant douze jours, ils disposent à cette occasion d’une permission extraordinaire. Cette sortie de la maison d’arrêt est donc considérée comme un placement extérieur. Dans le groupe, cette année, six détenus et six accompagnateurs. La diversité des âges et des origines donne au groupe une couleur particulière. Mais peu importe, elle est gage de richesse. Les années précédentes, un surveillant de la maison d’arrêt participait à la marche. L’occasion pour chacun de changer de regard sur les autres. Le diacre rapporte les paroles d’un gardien : “Ici, je suis un pèlerin comme vous”, avait-il lancé au reste du groupe.



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Pour autant, tous les détenus ne peuvent pas partir sur la Via Podiensis. Ceux qui sont retenus par le juge d’application des peines doivent être à moins de deux ans de leur sortie de prison, un an pour les récidivistes. Bruno Lachnitt les connaît et les visite en amont. Ce ne sont pas des enfants de chœur ; nombre d’entre eux ont des parcours cabossés. Mais pour lui, ce sont d’abord des hommes et des frères. “On n’est pas un criminel ou un délinquant, on est une personne qui à un moment de son histoire a commis un crime. […] Comme le disait un collègue aumônier, entre eux et nous, il n’y a parfois que l’épaisseur d’une occasion ou un délit”. Le chemin fait son œuvre. “J’ai vu des changements radicaux”, peut-il témoigner. Et de citer l’un des détenus : ici, “on devient nouveau”.

“Tout cela est très fragile, précisément parce que cela repose sur la confiance”, ajoute Bruno Lachnitt. La confiance du directeur de la prison, celle des magistrats, celle de l’association des amis de Saint-Jacques du Rhône. Mais de cette fragilité vont découler des transformations formidables. Cet homme de foi est convaincu des effets durables de cette route. Il a vu des détenus bouleversés par cette expérience dont les projets de vie ont changé. “Ce n’est pas un feu de paille qui dure quinze jours. On voit des bouleversements profonds. […] Notre mission d’aumônier est avant tout de croire dans le meilleur de ce que portent en eux ceux que nous visitons. C’est là que s’enracine ce projet de marche sur le chemin de Compostelle”. Ultreïa.


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