Les élections du 12 mai 2018 signent le retour d'une certaine normalité en Irak. Elles avaient été reportées en septembre 2017, en raison de l'état de guerre civile qui perdurait dans le pays. La dispersion de Daech permet désormais de reprendre un processus démocratique. Pourtant, selon des critères occidentaux, toutes les conditions ne sont pas réunies pour une élection.
"L'Irak avance"
Dans Mossoul, les affiches électorales vantant le bilan de l'actuel premier ministre, Haider al-Abadi, sont collées sur des murs criblés de balles. "L'Irak avance", annoncent-elles, mais les habitants de la ville en ruine, qui vivent, pour 80% d'entre eux dans des camps de réfugiés, risquent de ne pas participer au scrutin. Sur place, rares sont les candidats qui se préoccupent du vote des réfugiés. Il n'y a pratiquement pas trace de la campagne électorale dans les camps. Jassem al-Joubouri, candidat sur la liste d'Haider al-Abadi, assume : "On n'a pas mis d'affiches électorales et on ne s'est pas déplacé car la plupart sont des familles de Daech".
Les partis sunnites sont laminés, ont dû changer de nom et manquent de visibilité, si bien que les gagnants de cette élection seront forcément les Chiites. Les candidats de la liste "La Victoire" de l'actuel Premier ministre l'emporteront probablement, prédit Karim Pakzad, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques. Dans ces conditions, les minorités risquent de considérer ce vote comme déjà joué et de ne pas faire le déplacement.
Mgr Sako appelle à se rendre aux urnes
Mgr Louis Raphael Sako, primat de l'Église chaldéenne catholique en Irak, condamne cette attitude et appelle les chrétiens à se rendre aux urnes pour participer à la reconstruction de l'Irak. Dans un communiqué, il décrit cette élection comme un "acte démocratique", et demande aux chrétiens d'y participer massivement, car elle peut apporter un "changement positif".
Cet appel au vote s'inscrit dans la logique du combat infatigable que mène l'évêque pour maintenir une présence chrétienne en Irak. À ses yeux, il est indispensable que les chrétiens s'impliquent dans la reconstruction de leur pays, pour échapper aux sirènes de l'émigration. "Lorsque vous allez voter, choisissez celui qui sera le mieux à même de vous servir", écrit-il, sans donner de consignes de vote plus précises.
Un parti chrétien en Irak
À ces législatives, un parti ouvertement chrétien, "l'Union chaldéenne", représente les chrétiens chaldéens d'Irak. Mgr Sako regrette qu'un parti d'union chrétienne, qui rassemblerait les chrétiens irakiens, syriaques, arméniens et chaldéens n'ait pas pu être constitué, en raison "d'agendas individuels". Les chrétiens qui sont toujours menacés de disparaître d'Irak ne peuvent pas se permettre ces divisions. Il espère par conséquent que la priorité de l'Union chaldéenne sera d'établir de solides alliances avec les autres minorités chrétiennes. Elle a une responsabilité écrasante, à savoir la persistance des traditions des Chaldéens de Mésopotamie en Irak, l'un des peuples les plus anciens au monde, et dont l'influence culturelle continue à se faire ressentir dans l'Irak contemporain.