Le 24 juin 1859, témoin de la bataille de Solférino (Lombardie) — qui oppose l'armée française de Napoléon III à l'armée autrichienne de François-Joseph — Henri Dunant, citoyen suisse, est horrifié par ce qu'il voit. Les pertes sont lourdes, près de 40 000 corps gisent sur le champ de bataille. À cette époque, les services sanitaires sont insuffisants et les conditions d'hygiène si peu favorables que les infections se multiplient ne permettant pas de secourir les soldats. Les blessés sont emmenés en urgence à une dizaine de kilomètres, dans la petite ville de Castiglione delle Stivierie, et sont hébergés et soignés dans les établissements publics ou recueillis par des villageois.
Plongé au cœur du drame
En voyage près de Solférino, Henri Dunant, 31 ans, chrétien et homme d'affaires, découvre avec effroi l'horreur de la guerre. Cette expérience le marquera tellement qu'il publiera, quelques années plus tard, un livre intitulé Un souvenir de Solférino en 1862. « Celui qui parcourt cet immense théâtre des combats de la veille y rencontre à chaque pas, et au milieu d'une confusion sans pareille, des désespoirs inexprimables et des misères de tous genres", écrit-il.
Imprégné d’humanisme, Henri Dunant ne peut rester indifférent face à tant de malheurs. Avec le concours de la population civile, il improvise des secours et décide d'aider tous les soldats, peu importe le camp auxquels ils appartiennent. Cette initiative marque ce qui deviendra l'élément fondateur du mouvement de la Croix-Rouge : la neutralisation des services sanitaires militaires sur le champ de bataille. Très impliqué dans son rôle, Dunant soigne lui-même les blessés durant de longues semaines avant de rentrer chez lui à Genève. Mais le souvenir de ces corps blessés le hante et il est incapable de reprendre une vie normale. Traumatisé par ce qu'il a vu, il décide de s'engager totalement dans ce qui va être la lutte de sa vie.
Soulager les victimes
Il écrit à la comtesse de Gasparin, fondatrice de l'école d'infirmières de Lausanne pour lui demander de l'aide. Cette dernière contacte la Société évangélique de Genève qui envoie une mission de secours dans la ville de Castiglione. Malheureusement, deux mois après la bataille, les pertes ont quasiment doublé. Dunant, qui ne peut se résoudre à une telle réalité, décide de publier son livre sur la bataille de Solférino pour faire bouger les choses à plus grande échelle. Il délaisse ses affaires et envoie son livre à des responsables politiques, à des chefs militaires et aux intellectuels de toute l'Europe. Il y exprime son souhait de voir se créer des organisations humanitaires dans tous les pays fondées sur la neutralité et le volontariat. En somme, Dunant veut que, tout blessé, peu importe dans le camp auquel il appartient, puisse être soigné comme il le mérite et que les médecins et les infirmiers puissent effectuer leur travail sans crainte d'être capturés par les ennemis. Le livre va avoir un retentissement considérable et sera publié dans plusieurs langues.
La naissance de la Croix-Rouge
En 1863, la Société d'utilité publique genevoise, très intéressée par les questions soulevées par Dunant crée le Comité des Cinq. Mais pour ce combatif infatigable, la lutte doit mener encore plus loin. Il veut élargir ce mouvement à plusieurs pays. Il reste donc à convaincre les dirigeants européens ! C'est chose faite un an plus tard : les représentants de douze États, dont la France, signent la première Convention de Genève qui établit alors la Croix-Rouge de manière permanente. Le 22 août 1864 marque ainsi la naissance du droit international humanitaire.
Basée essentiellement sur les propositions de Dunant, cette fameuse Convention de Genève affirme le nécessaire respect des victimes de guerre, l'égalité de traitement pour chaque camp, l'inviolabilité des équipes sanitaires et la reconnaissance des sociétés nationales de secours. Un signe distinctif voit alors le jour : une croix rouge sur fond blanc reprenant, en les inversant, les couleurs du drapeau suisse. Au fil des siècles, les sociétés nationales se multiplient dans de nombreux pays du monde, États-Unis, Brésil, Afrique du Sud, Japon, Chine... Si La Croix-Rouge intervient principalement lors de conflits armés, elle élargit progressivement ses interventions à toutes les victimes, militaires ou civiles.
Un homme de paix
Pour Henri Dunant, profondément croyant, la fondation de la Croix-Rouge a été véritablement le but ultime de sa vie et fait écho à ce qu'il a toujours été : un profond humaniste. Adolescent, il consacrait déjà ses soirées à visiter les prisonniers et à aider les plus démunis. En 1901, il se voit décerner le prix Nobel de la Paix. "Plus encore que la Croix-Rouge, j'ai eu à cœur la paix du monde. La Croix-Rouge n'est que la conséquence de ma soif de paix".