Jacques Gauthier, auteur de l’ouvrage “La crise de la quarantaine”, édité chez Fayard, parle de cette étape parfois difficile à vivre. Il est interrogé par Nathalie Calmé.
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Nathalie Calmé : Afin de découvrir son désir et un nouvel élan de vie, vous proposez dix attitudes. Pouvez-vous en développer quelques-unes ?
Jacques Gauthier : J’ai effectivement proposé dix étapes qui mènent à la rencontre avec soi-même, l’autre et Dieu. La première est de reconnaître son insatisfaction, qui est en général difficile à nommer. On ressent une angoisse qui est la perte de ce que l’on pensait acquis : jeunesse, confiance, force, popularité, argent, amour, sécurité. On cherche la raison ultime de notre vie devant la mort qui se fait plus présente. Cette impuissance devant la vie qui passe oblige la personne à affronter un réel jusqu’alors inconnu. Ce bénéfique désert du cœur lui fait renoncer à la popularité et au prestige. L’insatisfaction ressentie à la quarantaine amène un changement qui ressemble à une sorte de conversion. En effet, l’expérience de la conversion, qu’elle soit intellectuelle, morale, religieuse, se manifeste au début par une insatisfaction, une inquiétude, une angoisse. C’est un passage de la mort à la vie, si cher au christianisme, un décentrement de soi au nom même de l’amour. Pâques en est l’ultime référence.
Au moment de la crise de la quarantaine, le désarroi spirituel du croyant est parfois comparable, selon vous, à une « nuit mystique »…
La nuit mystique surgit du fond de notre misère humaine, de la crise du désir vécue à la quarantaine. Le croyant s’en remet à Dieu. Sa foi lui fait comprendre mystérieusement que c’est Dieu qui agit en lui. Il l’invite à la paix du cœur en le faisant passer par la nuit du dépouillement. Dieu plonge son cœur dans le vide et la sécheresse en lui montrant ce qui est faux et ombrageux : égoïsme, orgueil, agressivité, dépendance, jalousie. Le Tout éclaire son côté destructif. Il s’ensuit une grande douleur de se savoir indigne d’un tel amour. La nuit mystique dépasse tout ce qu’on peut en dire. Elle marque un passage, et les croyants qui l’empruntent consciemment passent de la nuit à l’aurore. La foi devient alors plus intime et universelle, mais aussi plus obscure, comme l’a si bien décrite le mystique par excellence de la nuit et de l’union à Dieu, Jean de la Croix. Il montre que la foi donne une lumière qui dépasse ce que la raison et les sens ne peuvent pas saisir. De plus, le terme même de cette foi étant le Dieu invisible, nous restons dans la nuit ici-bas.
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Nous expérimentons cette nuit dans la foi et l’amour purifiés au feu du dépouillement et de l’oraison. Cette prière de simple présence se vit dans le désert du cœur. Elle est souvent aride et silencieuse. Le croyant en quarantaine devient un immense œil de prière. Il ne désespère pas dans son long Carême, il sait que depuis un certain matin de Pâques, Dieu travaille en secret au plus intime de sa nuit. L’image de Dieu brille de plus en plus dans ses yeux. Il en est transformé. En tradition chrétienne, la nuit mystique commence là où la contemplation débute. Ne pouvant plus méditer avec ses sens et ses facultés, la personne reste en paix et en silence. Elle se laisse aimer par son Seigneur et boit à la source sans efforts. Il s’agit seulement d’être là, disponible. Les techniques de méditation peuvent aider à suspendre les pensées, mais elles ne peuvent pas remplir le vide que crée cette nuit. Dieu seul qui la met dans cette nuit se charge de l’habiter à sa manière si déconcertante. Le Christ devient le modèle de l’union à Dieu et le lieu où s’enracine l’expérience de Dieu. Le Christ est pour le chrétien ce qu’il y a de plus humain et divin en lui. Il est le compagnon de ses combats, le soutien de son être sans fond. Il invite à servir Dieu en ne s’en servant pas comme une cause à défendre, un besoin à combler, une image à aimer, un rêve à réaliser.
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La crise de la quarantaine, Jacques Gauthier, Collection Guide Totus, novembre 1999, 12 euros.