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Certains la recherchent, d’autres la fuient : les bienfaits de la solitude

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Mathilde de Robien - publié le 01/04/18
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À la fois état de fait et sentiment, objective et subjective, la solitude est une réalité complexe. Certains la recherchent, d’autres la fuient. Elle est perçue et vécue de multiples manières. Découvrez les bienfaits de la solitude, afin d’y trouver une source de créativité, d’épanouissement et de construction de la personnalité.La solitude n’est pas vécue de la même manière, elle peut être ponctuelle ou durable, et elle peut être choisie, ou subie. Joseph Roux, prêtre et poète français de la fin du XIXe, disait : “La solitude vivifie ; l’isolement tue.” Quelle est la différence entre solitude et isolement, et en quoi la solitude peut-elle être bénéfique ?

Pour bien saisir les bienfaits que la solitude peut contenir, il convient de la distinguer de l’isolement. Nous considérerons la solitude, du latin solus « seul », comme le fait, neutre, objectif, d’être seul, tandis que la notion d’isolement apporte en plus un sentiment de souffrance. L’Allemand distingue bien les deux notions : Ich bin allein signifie “je suis seul”, et Ich fühle mich einsam signifie “je me sens seul (et j’en souffre)”. De même en anglais, the solitude désigne le fait d’être seul, et parfois même d’être heureux d’être seul, et the loneliness désigne le sentiment douloureux qui découle de la solitude.

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Bruce Mars | CC0

Monique de Kermadec, psychologue clinicienne, dans son livre Un sentiment de solitude (Albin Michel), souligne que la solitude est à la fois objective et subjective. « On peut être physiquement seul dans un endroit et se sentir relié au monde, aux êtres qui nous sont chers, habité d’un sentiment de plénitude, sans l’inquiétude sourde qu’une ou plusieurs personnes aimées nous fassent défaut. On peut aussi se sentir seul en présence d’êtres connus, famille ou amis, ou au milieu d’une foule. Ce sentiment peut naître de la privation d’un seul être, après une rupture amoureuse, par exemple, ou après un deuil. » C’est ce dernier sentiment que dépeint admirablement Alphonse de Lamartine dans son célèbre vers : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».

« La solitude est le nid des pensées »

Il s’agit d’un proverbe kurde, qui établit le lien entre la pensée et la solitude. En effet, avons-nous le temps de penser par nous-mêmes, d’analyser, de critiquer, dans un monde ultra connecté, qui nous abreuve d’informations, parfois contradictoires ? Prenons-nous le temps d’aller jusqu’au bout d’un raisonnement ou d’une idée, lorsqu’on sait que chaque minute, 300 000 tweets, 15 millions de SMS, et 204 millions de mails sont envoyés ou échangés à travers la planète ? Des chiffres avancés dans L’homme nu. La dictature invisible du numérique (Robert Laffont) de Marc Dugain et Christophe Labbé.



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L’intelligence ne peut élaborer une pensée dans l’immédiateté. Elle a besoin de temps, de silence et de solitude, afin de faire émerger une pensée raisonnée et argumentée. L’exercice est d’autant plus difficile aujourd’hui, à cause de la chute de notre capacité d’attention et du règne de l’instantanéité. À force d’être constamment connectés aux autres, nous perdons la connexion avec nous-mêmes. Dans ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie (PUF), Arthur Schopenhauer affirme que : « On ne peut être vraiment soi qu’aussi longtemps qu’on est seul ; qui n’aime donc pas la solitude n’aime pas la liberté, car on n’est libre qu’étant seul. (…) Une étude importante pour les hommes serait d’apprendre de bonne heure à supporter la solitude, cette source de félicité et de tranquillité intellectuelle. »

La solitude nécessaire à la construction de la personnalité

Le psychanalyste Donald Winnicott a défini la capacité d’être seul comme la finalité de toute éducation réussie et de toute maturité harmonieuse. Il souligne que la capacité à être seul s’exerce d’abord pour le bébé dans l’environnement immédiat de la mère, sous son regard. Winnicott parle d’acquérir une capacité “d’être seul en présence de quelqu’un”. Selon lui, il existe deux formes de solitude : une forme primitive à un stade d’immaturité du sujet, et une forme plus élaborée : « Être seul en présence de quelqu’un est un fait qui peut intervenir à un stade très primitif, au moment où l’immaturité du moi est compensée de façon naturelle par le support du moi offert par la mère. Puis vient le temps où l’individu intériorise cette mère, support du moi, et devient ainsi capable d’être seul sans recourir à tout moment à la mère ou au symbole maternel ».

Monique de Kermadec ajoute que « le sentiment de solitude est consubstantiel à la construction du moi dans sa singularité et son unicité. Il est la mesure de la relation ambivalente à l’autre, entre dépendance et désir d’indépendance, entre nostalgie de la fusion originelle et désir de séparation. » Il est donc nécessaire de savoir vivre seul, afin d’affermir sa propre personnalité, avant d’être en couple !


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La solitude comme source d’épanouissement

C’est lorsqu’on est seul avec soi-même que l’on peut faire le point sur qui on est vraiment, ce que l’on veut, ce que l’on a parcouru. C’est à ce moment qu’on peut analyser nos expériences, prendre du recul, construire notre futur. C’est là qu’on peut faire tomber le masque que l’on porte parfois en société. Ce n’est qu’à l’épreuve de la solitude que l’on découvre réellement si l’assurance qu’on exprime en public est réelle, ou si c’est un rôle de composition.

Dressez une liste des choses que vous aimez faire seul. Ce peut être la lecture, la musique, le dessin, l’écriture, la cuisine, le cinéma, et encore bien d’autres activités. Considérez ces moments comme libérateurs du regard des autres, et comme des opportunités pour retrouver la liberté d’être vous-même. C’est l’occasion d’exprimer ce que vous pensez de vous, de vous faire des compliments, de vous valoriser, et d’augmenter votre estime de soi.

« Ne pas se définir par quelqu’un d’autre ». De la même manière que l’enfant s’affranchit du regard de sa mère et apprend à être seul, l’adulte a parfois besoin de retrouver suffisamment de confiance en soi pour penser par lui-même et assumer ses actes. Essayons de trouver en nous-même les ressources de notre propre épanouissement, c’est ainsi que nous accéderons à une saine et vraie maturité.


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