Les égyptiens votent depuis lundi pour un scrutin présidentiel de trois jours dénué de suspense. L’homme fort du pays Abdel Fattah al-Sissi est assuré de décrocher un deuxième mandat, avec le soutien des chrétiens.
Pourquoi le chrétiens coptes soutiennent-ils majoritairement Al-Sissi ?
Les Coptes, effrayés par les attentats antichrétiens qui secouent le pays, recherchent la stabilité. Ils craignent, en particulier, de nouveaux troubles comme ceux qui ont accompagné la chute de Mohamed Morsi, le président des Frères musulmans en 2013. Cette année là, 42 églises avaient été brûlées. Contacté par Aleteia, un prêtre égyptien issue de la minorité copte catholique regrette qu’ils valident le régime militaire : “Ils oublient qu’en 2012-2013 il y avait une opposition. La preuve, c’est que la rue égyptienne est parvenue à mettre dehors Mohamed Morsi après seulement un an et trois jours de présidence ! Ce serait inenvisageable aujourd’hui, l’armée tient le pays bien trop solidement.”
En quoi Al-Sissi ne serait-il plus légitime comme président du pays ?
Personne — ou presque — ne regrette les Frères musulmans, qui sont tombés pour des raisons de mauvaise gestion et de corruption après avoir été élu démocratiquement. Le prêtre copte qui préfère conserver l’anonymat estime que le maréchal Abdel Fattah al-Sissi était dans son rôle en prenant le pouvoir à ce moment-là, il a empêché le pays de sombrer dans le chaos. Mais il appartenait au maréchal d’organiser des élections démocratiques. Le prêtre dénonce : “À la place, nous avons le droit à cette mascarade d’élection, qui se tient cinq ans après sa prise de pouvoir ! C’est un piège pour les Coptes. Ils vont s’empresser de valider son pouvoir”. Ces élections, qui verront Al-Sissi se succéder à lui-même, ne peuvent pas être qualifiées de démocratiques, dans la mesure où les opposants sérieux ont été écartés de la présidentielle. Khaled Ali, en particulier, qui bénéficiait d’un soutien populaire important, notamment auprès des jeunes égyptiens, a été poursuivi par la justice pour un bras d’honneur réalisé lors d’une manifestation devant le siège du Conseil d’État en janvier.
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Les Coptes ont-ils raison de se fier à un pouvoir militaire solide ?
Être protégé des extrémistes religieux par un pouvoir militaire. C’est l’opinion commune de la plupart des Coptes qui estiment qu’il vaut mieux un maréchal qu’un Frère musulman. Mais là encore le père interrogé par Aleteia dénonce un jeu de dupe : “C’est peut-être une bonne idée à court terme, mais regardez où cela a mené les chrétiens de Syrie et d’Irak ! Dès que le régime est en danger, ils sont les premières victimes !” Ensuite, il ne faudrait pas que la question du terrorisme confisque le débat démocratique : “En Égypte, on a mille fois plus de chances de mourir à cause des faillites de l’État qu’en raison d’attentats terroristes”, assure le prêtre.
Il détaille une situation économique catastrophique. Alors qu’en 2013, un euro valait 10 livres égyptiennes, en 2018 il en vaut 28, et les salaires, dans le même temps, n’ont augmenté que 10%. Or cette plongée coïncide avec une gestion du pays qui favorise l’armée au détriment d’autres institutions. C’est elle qui gère les grands chantiers, et elle a des avantages considérables. “À titre d’exemple, le budget des hôpitaux de la police et de l’armée est deux fois supérieur à celui des hôpitaux publics “, détaille le prêtre. Il constate aussi : “Certains traitements médicaux, comme les chimiothérapies, sont introuvables, alors que l’on pouvait se les procurer auparavant”. Il dénonce la malnutrition, la pollution, le manque de médicaments, “ils me font bien plus peur que les extrémistes religieux”. Et conclut par une faillite du gouvernement qu’il a sous la fenêtre : les routes égyptiennes… “Nous sommes toujours classés parmi les dix pays les plus dangereux aux mondes pour les automobilistes.”
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Les Coptes demeurent une minorité puissante, qui compte de 10 à 15 millions de fidèles selon les estimations. La religion a une importance sociale, car l’église est le lieu où l’on se retrouve, les vocations et les naissances sont nombreuses. Le père témoigne que dans sa communauté de treize moines : “Nous avons un novice, un moine qui a réalisé une profession simple et trois postulants”. Un nombre “encourageant”, mais il regrette par ailleurs que les Coptes soient frappés par le départ de leurs membres les plus jeunes et les plus qualifiés. C’est tout particulièrement évident pour la petite minorité des Coptes catholiques.